L’hydrogène vert pourrait devenir une mine d’or pour le Québec, mais à moins d’investir rapidement, ce dernier se fera doubler par les pays qui ont déjà commencé à développer cette filière comme l’Allemagne et l’Australie.

Il y a urgence d’agir, estime une étude réalisée par l’antenne montréalaise de la firme Boston Consulting Group (BCG), que La Presse a pu obtenir. « Le Québec n’investit pas suffisamment dans ce marché et court le risque de rater une belle occasion d’agir », résume Simon-Pierre Monette, associé et directeur général du bureau de Montréal et un des auteurs de l’étude.

Depuis le début de l’année, la filière de l’hydrogène est en ébullition au Québec. La multinationale Air Liquide a investi pour doubler sa production à Bécancour. Hydro-Québec a annoncé un investissement de 200 millions pour construire une usine de production d’hydrogène à Varennes, et une coentreprise formée de Greenfield Global et de l’allemande Hy2gen investira aussi à Varennes dans la production d’hydrogène vert.

De son côté, le gouvernement du Québec a annoncé pour l’automne une première stratégie québécoise de production d’hydrogène vert.

« C’est encourageant de voir ces projets, mais on peut en faire plus », explique Simon-Pierre Monette. L’hydrogène vert sera indispensable à la transition énergétique et permettra aux plus grands émetteurs de gaz à effet de serre (GES), comme l’acier et le transport lourd, de se libérer des énergies fossiles.

Boston Consulting Group prévoit que, d’ici 2040, le marché de l’hydrogène vert pourrait atteindre 290 milliards à l’échelle mondiale. À elle seule, l’Amérique du Nord pourrait représenter jusqu’à 21 % de la demande annuelle estimée entre 40 et 146 mégatonnes en 2040, des chiffres qui pourraient encore augmenter.

Des pays comme l’Allemagne et l’Australie sont en train de se positionner sur ce marché en devenir. « Le Québec est positionné de façon unique et il doit en profiter parce que son avantage risque de s’atténuer », dit Simon-Pierre Monette.

Le temps presse, selon lui, parce que la fenêtre qui s’offre au Québec ne dépasse pas 10 ans. « Ça peut sembler généreux, mais ça ne l’est pas, parce que ce type de projet met du temps à se concrétiser. »

Il faut investir non seulement dans la production d’hydrogène vert, mais aussi dans ses usages. « Il faut stimuler la demande en même temps qu’on l’alimente. »

Les atouts du Québec sont multiples, selon BCG.

De l’énergie propre et disponible

La disponibilité d’énergie propre est un des atouts principaux du Québec pour devenir le leader du secteur de l’hydrogène vert. En plus de produire de l’hydrogène qui se distingue des autres issus des énergies fossiles, il est possible de développer tout un secteur d’avenir dans les produits dérivés et dans la technologie et l’équipement pour produire et distribuer l’hydrogène. Le Québec peut jouer un rôle dans toute la chaîne de valeur, estime BCG, qui donne l’exemple du secteur ferroviaire.

« Il existe aussi une réelle occasion pour le Québec de soutenir l’H2 dans le secteur ferroviaire en investissant le long de la chaîne de valeur, de la conception du moteur de la locomotive à l’infrastructure de ravitaillement, en passant par le service et l’entretien des trains. »

Un prix très bas

L’hydrogène vert coûte plus cher à produire que l’hydrogène issu du gaz naturel ou du charbon. Le surcoût se situe entre 1,50 $ et 2 $ le kilogramme dans la production d’ammoniac, illustre l’étude de BCG. Le prix de l’hydrogène vert devrait baisser de 30 % à 60 % au cours des 10 prochaines années, grâce à la diminution du coût des énergies renouvelables.

Déjà, le Québec peut produire de l’hydrogène vert à un coût inférieur de 50 % comparativement à l’Ontario et aux États voisins de la Nouvelle-Angleterre.

Le coût de production de l’hydrogène vert au Québec, estimé à 3 $ le kilo, est aussi compétitif à l’échelle mondiale, où les coûts de production se situent entre 3 $ et 6,55 $ le kilo.

Proximité des marchés

L’hydrogène se transporte par camion ou par pipeline, mais à un coût élevé. Le Québec peut profiter de sa proximité avec des marchés où la demande sera forte. Les aciéries et les raffineries en utiliseront de plus en plus. L’Ontario, l’État de New York et la Nouvelle-Angleterre devraient consommer jusqu’à 150 000 tonnes d’hydrogène vert par année d’ici 2030, estime BCG. Ça représente 300 millions de dollars.

La proximité des marchés les plus intéressants est un avantage important parce que le transport d’hydrogène sur une distance de 1000 kilomètres peut en faire augmenter le coût de 50 %, illustre BCG.