Déjà touchées par les retards dans le transport maritime, les entreprises ne sont pas au bout de leurs peines. L’intensification du goulot d’étranglement au port de Vancouver, privé de ses accès ferroviaires à cause des précipitations historiques ayant ravagé le sud de la Colombie-Britannique, aura des répercussions d’un océan à l’autre.

« C’est la cerise sur le gâteau, lance au bout du fil Pierre Dolbec, président du courtier en douane Dolbec International. On risque d’en avoir pour deux à trois bonnes semaines pour récupérer les retards accumulés. »

Avec ses 29 terminaux, le port de Vancouver est le plus important au pays et constitue la porte d’entrée de la grande majorité des biens importés d’Asie.

Il se retrouve au neutre puisque les inondations et coulées de boue des derniers jours ont notamment endommagé des tronçons des voies ferroviaires du Canadien National (CN) et du Canadien Pacifique.

Il ne nous manquait vraiment plus que ça.

Pierre Dolbec, président du courtier en douane Dolbec International

Signe de la gravité de la situation, l’Administration portuaire Vancouver-Fraser a prévenu, mercredi, les courtiers en douane du pays qu’aucun des deux chemins de fer ne « pouvait fournir un échéancier » à propos de la réouverture des tronçons fermés.

Dans ce document que La Presse a pu consulter, le port prévient que des retards sont à prévoir et que les porte-conteneurs vont devoir jeter l’ancre et patienter au large de Vancouver.

Pour M. Dolbec, cette nouvelle tuile s’ajoute à une série de mauvaises surprises depuis l’automne 2019 : une grève des cheminots du CN, les blocus ferroviaires de l’hiver 2020 et deux débrayages des débardeurs au port de Montréal.

Parallèlement, la congestion portuaire s’est intensifiée partout dans le monde depuis le début de la pandémie, allongeant les délais de livraison en plus de faire exploser le prix des conteneurs.

Le blocage à Vancouver freine l’arrivée de marchandises et bloque les exportations de céréales et d’autres produits qui empruntent le Pacifique pour se rendre à destination.

Peu de détails, mais des impacts

Mercredi, les entreprises contactées par La Presse tentaient d’avoir une meilleure idée de ce qui les attend. Les informations étaient obtenues au compte-gouttes. Avec la saison du magasinage des Fêtes à nos portes, certaines anticipent de mauvaises nouvelles.

« Je commence à avoir des annulations de commandes à cause des délais, relate Paule Rancourt, directrice générale de l’importateur et distributeur Jouet KID. C’est sûr que c’est préoccupant. Je suis distributrice. Si je ne reçois pas ma marchandise aujourd’hui, mes détaillants ne l’auront pas dans deux semaines. L’entonnoir se referme pour Noël. »

Le groupe de boutiques de lingerie féminine La Vie en Rose suivait « la situation », à l’instar du concepteur et distributeur de produits de cuisine et des arts de la table Trudeau. Sa présidente-directrice générale, Anne-Marie Trudeau, se serait passée de ce nouvel écueil.

La clé, c’est de savoir combien de temps cela va durer. Si c’est deux semaines, cela va créer de nouveaux problèmes.

Anne-Marie Trudeau, présidente-directrice générale de Trudeau

Olymel, qui exploite une usine à Red Deer, en Alberta, utilise « beaucoup » le port de Vancouver, « même pour des produits qui viennent du Québec », affirme son porte-parole, Richard Vigneault.

L’Asie constitue un important marché d’exportation pour le plus important producteur et transformateur de porc au Québec.

« Nous sommes en train d’évaluer des plans de contingence, a expliqué M. Vigneault, sans préciser les options étudiées. Les moyens pour se rendre au port ou chez nos clients sont bloqués. »

De la patience

Les entreprises touchées devront vraisemblablement s’armer de patience, puisque les options de rechange sont limitées.

Au sud de la frontière, des ports comme Seattle, Los Angeles et Long Beach débordent déjà, souligne Brian Slack, professeur émérite à l’Université Concordia et spécialiste du transport maritime.

« Tout est réservé des mois à l’avance, ajoute-t-il. Un expéditeur coincé à Vancouver devra opter pour des itinéraires qui empruntent le canal de Panama ou celui de Suez. Ces options sont très coûteuses. Il y a aussi le défi de trouver un porte-conteneur dans un délai serré. »

L’Administration portuaire de Montréal (APM) se dit capable d’absorber une hausse du volume si des expéditeurs de l’Ouest le demandent. Ce scénario est une « hypothèse », selon sa porte-parole Renée Larouche.

Des marchandises en provenance de l’Asie sont néanmoins acheminées au port de Montréal. Dans le créneau du conteneur, l’Asie représente 28 % du volume.

« Cet itinéraire [l’est du Canada] peut fonctionner pour des importations de pays d’Asie comme la Malaisie, explique Jacques Roy, professeur de gestion des transports à HEC Montréal. C’est une possibilité, mais pas la route privilégiée. »

Cette option s’accompagne d’une facture salée, prévient-il.

200

Certaines régions du sud de la Colombie-Britannique ont reçu plus de 200 mm de pluie depuis dimanche.