Le même grand défi confronte actuellement les pays du monde : le contrôle de l’inflation, qui fait un retour remarquable alors que la crise sanitaire se résorbe.

Même au Japon, qui se désespère depuis des années de l’absence d’inflation, le niveau des prix se redresse. Dans certains pays comme la Turquie, les taux caracolent près des 20 %.

L’explication de cette résurgence de l’inflation est connue. Quand l’économie mondiale s’est arrêtée, au printemps 2020, les entreprises se sont préparées au pire et ont ralenti à la fois leurs activités et leurs investissements. Après une courte période d’incertitude, il est devenu évident que le pire n’arriverait pas.

C’est plutôt le contraire qui s’est produit. La Chine en tête, les économies ont redémarré. Les consommateurs confinés se sont très vite remis à consommer autant et même plus qu’avant, encouragés par les taux d’intérêt très bas et l’aide généreuse des gouvernements.

L’offre n’a pas suivi, ce qui a causé rareté, pénurie et hausse de prix dans plusieurs catégories de produits, et des embouteillages dans les chaînes d’approvisionnement. Alors que l’activité économique mondiale revient à la normale, les hausses des prix devraient se stabiliser et l’inflation, revenir au niveau tolérable d’avant la pandémie. La résurgence de l’inflation devrait donc être temporaire. C’est la théorie des autorités monétaires, réitérée le mois dernier lors de la rencontre annuelle du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale.

Les mois passent et le calme tarde à revenir sur le front de l’inflation, ce qui met de la pression sur les banques centrales. Et comme la crise qui a frappé de façon très inégale, cette pression n’est pas la même partout.

Dans la plupart des économies émergentes, l’inflation fait plus mal parce que les produits de base, comme les aliments, pèsent plus lourd dans le panier de consommation. Le prix des aliments est une des composantes de l’inflation qui a le plus augmenté au cours des derniers mois. La maîtrise de l’inflation est importante pour maintenir le pouvoir d’achat de la population, mais elle est aussi essentielle pour intéresser les investisseurs.

Même si la pression est de plus en plus forte sur les banques centrales, les gros canons comme la Réserve fédérale et la Banque centrale européenne ont décidé d’attendre pour y voir plus clair.

Les autorités monétaires doivent décider si le temps est venu d’augmenter les taux d’intérêt ou s’il vaut mieux attendre encore pour savoir si l’inflation est vraiment là pour de bon.

La hausse des taux d’intérêt est une arme efficace qui a fait ses preuves pour lutter contre l’inflation, mais c’est une arme à double tranchant. Utilisée trop tôt dans le cycle économique, une remontée des taux d’intérêt a pour effet de freiner la croissance et peut mener à une récession. Augmenter les taux trop tard pourrait n’avoir aucun effet si l’inflation a eu le temps de s’incruster dans les attentes des consommateurs et des investisseurs.

Compte tenu des enjeux et des incertitudes, les banques centrales ont besoin de voir plus clair avant de bouger. Mais beaucoup de pays moins riches ne peuvent pas se permettre ce luxe.

La lutte contre l’inflation est déjà commencée dans plusieurs pays. Une dizaine ont enclenché une remontée des taux d’intérêt. C’est le cas de la Russie, du Mexique, du Brésil et, plus récemment, de la Pologne.

Le succès de la politique monétaire, que ce soit une hausse ou une baisse des taux d’intérêt, dépend aussi de la crédibilité et de l’indépendance des banques centrales envers leur gouvernement.

Il arrive que les élus fassent dérailler les efforts des banques centrales. C’est ce qui se passe en Turquie. Le président Erdogan est convaincu, envers et contre tous, qu’augmenter les taux d’intérêt a pour effet d’alimenter l’inflation. Il a congédié le grand patron de la banque centrale, qui voulait augmenter les taux, et l’inflation est maintenant galopante.

Il ne faudrait pas penser que les désaccords publics entre les élus et les autorités monétaires existent seulement dans les économies émergentes. C’est aussi arrivé il n’y a pas si longtemps au sud de la frontière plus près de chez nous…

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