Les entrepreneurs font dorénavant croître leur entreprise par fusions et acquisitions pour contrer la pénurie de main-d’œuvre. C’est ce qui ressort d’une nouvelle étude de la BDC intitulée L’acquisition d’entreprise : une stratégie porteuse de croissance et publiée ce mardi.

Les facteurs motivant les acquisitions d’entreprises ont changé avec la pandémie. Alors qu’avant, les entrepreneurs voulaient principalement gagner de nouveaux clients, la motivation d’avoir de nouveaux talents a bondi à 30 %, contre 20 % avant la COVID-19, tandis que celle d’accéder à de nouvelles technologies a augmenté à 25 %, contre 14 %.

« Quand j’ai vu les résultats de l’étude, c’est ce qui m’a le plus surpris, affirme en entrevue Pierre Cléroux, économiste en chef de la Banque de développement du Canada (BDC). Voilà une nouvelle stratégie à laquelle on n’a pas pensé contre la pénurie de main-d’œuvre, mais à laquelle les entrepreneurs, eux, ont pensé. »

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Pierre Cléroux, économiste en chef de la Banque de développement du Canada

La pénurie de main-d’œuvre est décriée chaque jour, car les entreprises manquent de ressources pour répondre à la demande de services et de produits. Or, le vieillissement des entrepreneurs – 12 % sont âgés de plus 65 ans – fait en sorte qu’un nombre grandissant d’entreprises seront à vendre.

Il y a donc des occasions pour grossir, aller chercher une entreprise qui a déjà investi dans les technologies, acquérir des talents et faire des économies d’échelle.

Quand vous êtes plus gros, vous n’avez pas besoin de deux départements de ressources humaines ni de comptabilité. Aussi, souvent, on va chercher une entreprise dans un marché un peu différent, qui va complémenter le marché qu’on a.

Pierre Cléroux, économiste en chef de la BDC

Acheter des entreprises étrangères

Comme la BDC l’avait observé par le passé, le nombre d’entreprises canadiennes qui achètent des entreprises étrangères est plus élevé que l’inverse. Entre 2016 et 2020, près du double des PME canadiennes ont acheté des entreprises étrangères. Les PME québécoises achètent des entreprises dans d’autres provinces et aux États-Unis pour avoir des marchés complémentaires.

« Il y a un grand mythe qu’on se fait acheter beaucoup d’entreprises et qu’on ne fait pas l’inverse. C’est parce que quand une entreprise américaine vient acheter un de nos fleurons, on en parle beaucoup dans les médias, remarque l’économiste en chef de la BDC. Alors qu’on voit pourtant beaucoup de nos clients acheter des entreprises aux États-Unis, mais ça ne fait pas les journaux, ici, du moins. »

Croître plus vite par acquisition

Le volume et la valeur des fusions et acquisitions de moins de 100 millions de dollars américains ont rapidement rebondi à la suite du Grand Confinement du deuxième trimestre de 2020, et le volume de transactions demeure élevé, indique l’étude.

Le nombre de fusions et d’acquisitions a augmenté dans les secteurs qui profitent de la pandémie, notamment celui de la santé, qui est passé de 7 % à 19 %, ainsi que celui des technologies de l’information et de la communication (TIC), qui a bondi de 8 % à 15 %.

Les résultats indiquent aussi que les entrepreneurs qui font croître leur entreprise par acquisition sont deux fois plus susceptibles de connaître une hausse des ventes supérieure à la moyenne de leur secteur d’activité que ceux qui ont choisi de procéder de manière naturelle.

C’est pour cette raison que les entreprises Mecfor, du Saguenay–Lac-Saint-Jean, et Advanced Dynamics, de Saint-Bruno-de-Montarville, ont fusionné pour former EPIQ Machinerie en août dernier.

« Le but, c’était de grossir et de devenir un important joueur en aluminium en Amérique du Nord. Ce qui a aussi accéléré la fusion, c’est que notre partenaire a une usine en Inde, une capacité manufacturière qui permet d’augmenter le volume de fabrication », relate en entrevue Éloïse Harvey, PDG d’EPIQ Machinerie.

« La pénurie de main-d’œuvre n’était pas la raison de départ, mais actuellement, c’est devenu un argument important », conclut-elle.