Pour fêter son arrivée à Wall Street sous forme d’un fonds indiciel lié à sa valeur, les investisseurs ont propulsé le bitcoin au niveau sans précédent de 66 000 $ US. L’épopée de la cryptomonnaie depuis son apparition il y a tout juste 13 ans est étourdissante.

Il faut se rappeler que le bitcoin est une création anonyme attribuée sans preuve à une personne qui dit s’appeler Satoshi Nakamoto et que certains vénèrent aujourd’hui au point de lui élever une statue.

Rien ni personne ne gouverne cette activité, qui s’apparente à une loterie, selon ses détracteurs, c’est-à-dire la plupart des investisseurs professionnels. Les organismes de réglementation, de leur côté, multiplient les mises en garde contre ce mode de paiement et d’investissement jugé hautement spéculatif. Des réglementations pour mettre de l’ordre dans ce Far West sont en gestation dans plusieurs pays. Malgré tout, les cryptomonnaies continuent à gagner en popularité.

Le système fonctionne sur la base d’une limite d’émission fixée d’avance à 21 millions de bitcoins et il compte sur les intéressés pour trouver la combinaison numérique qui génère chaque bitcoin. Des ordinateurs tournent sans arrêt partout dans le monde pour miner les données qui pourraient devenir un bitcoin, ce qui en fait une activité extrêmement énergivore.

L’activité totale engendrée par le cryptominage consomme autant d’énergie que plusieurs pays entiers comme la Norvège, ou comme l’État de New York, soit environ 130 térawattheures, selon les données de l’Université de Cambridge.

Depuis 2008, le bitcoin a fait des petits. Il existe maintenant une multitude de cryptomonnaies, mais le bitcoin règne en maître sur le secteur avec plus de 50 % du marché.

Pour le moment, les cryptomonnaies ne servent pas tellement à ce pour quoi elles ont été créées, c’est-à-dire à réaliser des transactions directement et à faible coût, en dehors du système financier traditionnel. De plus en plus de marchands acceptent les transactions en cryptomonnaies, et un pays, le Salvador, en a même fait un mode de paiement officiel, mais l’achat de biens et services en bitcoins reste peu répandu.

On a bien failli pouvoir acheter une Tesla en bitcoins, mais le fondateur de l’entreprise, Elon Musk, a changé d’avis, en raison de la quantité phénoménale d’énergie nécessaire pour générer les cryptomonnaies, de l’énergie qui vient en grande partie de sources polluantes.

La liste des pays où l’activité de minage de cryptomonnaies est la plus importante est une bonne indication du type d’énergie utilisée. La Chine, royaume du bitcoin depuis ses débuts, vient de le bannir, à la fois parce qu’elle veut imposer sa propre monnaie numérique et parce qu’elle veut garder son énergie pour autre chose.

Entre septembre 2019 et avril 2021, les activités de minage localisées sur le territoire chinois ont périclité, passant de 75,5 % du total à 46,0 %. Depuis le bannissement, on peut penser que le déclin s’est poursuivi.

La décision de la Chine a entraîné un exode des activités des mineurs vers des pays où l’énergie est plus disponible et pas trop chère. C’est le cas du Texas, qui se réjouit actuellement d’accueillir une flopée d’entreprises du secteur des cryptomonnaies. L’énergie du Texas est majoritairement produite avec de l’énergie fossile.

Chaque fois que la valeur du bitcoin a établi un record, l’activité de minage s’est emballée et la demande en énergie a augmenté. L’énergie recherchée est de préférence renouvelable parce que les entreprises de cryptomonnaies cherchent à verdir leur bilan.

Au Québec, Hydro-Québec a été submergée de demandes de service à une de ces occasions, au point qu’elle a dû limiter la quantité d’énergie qu’elle peut vendre pour alimenter cette activité.

La récente remontée du bitcoin risque de déclencher une autre poussée de minage et d’augmenter encore la quantité d’énergie consommée sur la planète. Alors que les prix de l’énergie flambent en Europe et que tous les pays sont à la recherche de solutions pour réduire leur consommation d’énergie, la controverse enfle autour du bitcoin.

On peut en effet poser la question : pourrait-on conserver la rare et précieuse énergie disponible, surtout l’énergie renouvelable, à des activités plus utiles ?