Les pays dits industrialisés le sont de moins en moins, tant les activités de fabrication ont migré vers l’Asie et sa main-d’œuvre abondante et bon marché.

La pandémie a été un choc pour la plupart d’entre eux, peu habitués aux pénuries de biens courants, et encore moins de produits essentiels comme des masques ou des équipements de protection personnelle.

Ce bouleversement a réveillé chez plusieurs gouvernements la volonté de rapatrier certaines activités manufacturières pour réduire leur dépendance envers des pays comme la Chine, qui commence à profiter un peu trop à leur goût de son statut d’usine du monde.

C’est le cas du Royaume-Uni de Boris Johnson, qui veut combattre l’impact de la crise sanitaire et du Brexit en rapatriant les emplois qui ont fui le pays et en arrêtant de compter sur l’immigration. Il a promis récemment « une économie à salaires élevés, compétences élevées, productivité élevée et faible fiscalité » devant les membres de son parti. La feuille de route du premier ministre britannique reste à préciser. Les prochaines élections n’auront lieu qu’en 2024 au Royaume-Uni.

De l’autre côté de la Manche, son vis-à-vis Emmanuel Macron fera face à l’électorat l’année prochaine. Il a mis sur la table la semaine dernière une stratégie baptisée France 2030, qui vise ni plus ni moins à réindustrialiser le pays pour réduire sa dépendance envers le reste du monde.

Le secteur manufacturier français a rétréci au fil du temps, mais la France n’a pas tout perdu. Elle a conservé une expertise enviable, notamment en aéronautique, dans l’industrie automobile de même que dans l’armement. Il y a là des fondations sur lesquelles elle peut continuer à bâtir.

Mais plutôt que de tirer tous azimuts, le plan Macron met l’accent sur le nerf de la guerre des économies modernes : l’énergie et les semi-conducteurs.

Sur l’investissement total de 30 milliards d’euros que l’État veut consacrer à la réindustrialisation du pays, 6 milliards serviront à doubler la production française de semi-conducteurs d’ici 2030.

C’est une cible bien choisie. La pénurie de puces handicape la reprise de l’économie mondiale, et la France n’y fait pas exception. Lors de la réunion du G20 de la semaine dernière à Washington, le ministre des Finances, Bruno Le Maire, a invité ses pairs à investir dans ce secteur névralgique. « Plus aucune nation ne peut accepter que ses usines automobiles tournent à 50 % de leurs capacités parce qu’elles ne disposent pas de semi-conducteurs qui viennent exclusivement de Taiwan, de Corée du Sud ou d’ailleurs », a-t-il fait valoir.

Si les économies modernes ne peuvent plus se passer de puces, et ce, dans tous les secteurs d’activité, elles ont autant besoin d’énergie. Et d’énergie propre, faut-il préciser.

À ce chapitre, la France persiste et signe, maintenant son engagement envers le nucléaire, envers et contre plusieurs de ses alliés européens. À commencer par sa puissante voisine, l’Allemagne, qui a mis une croix sur la filière nucléaire. La question nucléaire divise profondément l’Europe.

Alors que les prix de l’énergie flambent en Europe, le gouvernement français vient de faire une autre tentative pour convaincre l’Union européenne qu’elle a besoin du nucléaire pour réussir sa transition énergétique. Le plaidoyer rendu public vante les vertus de cette forme d’énergie, « propre, sûre, indépendante et compétitive, à faible teneur en carbone, qui protège les consommateurs de la volatilité des prix et permet de réduire le plus vite possible notre dépendance vis-à-vis des pays étrangers ».

Neuf pays ont appuyé cette intervention, dont la Bulgarie, la Finlande et la Pologne, mais d’autres, comme les Pays-Bas et la Suède, en plus de l’Allemagne, se sont abstenus de le faire.

Le plan Macron augmentera tout de même sa mise dans le secteur nucléaire pour fournir l’énergie nécessaire pour relancer l’économie et lutter contre le réchauffement climatique.

La France veut investir 1 milliard d’euros dans les minicentrales nucléaires (SMR ou small modular reactors), qui ont le potentiel de donner un nouvel élan à cette filière controversée. Le nucléaire est aussi envisagé comme source d’énergie pour produire de l’hydrogène et remplacer les hydrocarbures.

La stratégie France 2030 propose d’autres pistes, 10 en tout, pour réduire sa dépendance économique. C’est un plan qui va pour la première fois au-delà des intentions, mais ce n’est encore qu’un projet dont le succès dépend de la mise en œuvre. C’est à suivre.