Les ruptures de stock, les retards de livraison, la flambée des coûts de transport et les autres problèmes provoqués par les difficultés à trouver des conteneurs pour importer des produits sont fréquemment au cœur de l’actualité. Mais si les boîtes métalliques se font rares, ne suffirait-il pas d’en fabriquer plus pour régler le problème ? En y regardant de plus près, ce n’est pas leur nombre qui est la principale cause du problème.

Des conteneurs, combien y en a-t-il ?

On recense environ 24 millions de boîtes métalliques « équivalent vingt pieds » (EVP), selon le portail en ligne allemand Statista, qui compile une multitude de données provenant du secteur économique.

En fait, la capacité est en progression depuis des années. Elle devrait atteindre 25 millions de conteneurs EVP d’ici la fin de l’année.

« Il y en a qui sont construits, souligne Jacques Roy, professeur de gestion des transports à HEC Montréal. Peut-être qu’un jour, on se retrouvera avec trop de conteneurs. On ne parle pas d’un problème de rareté parce qu’il manque de conteneurs dans le monde. »

À titre d’exemple, Hapag-Lloyd, l’un des principaux acteurs de l’industrie du transport maritime, a commandé, depuis le printemps, quelque 285 000 nouveaux conteneurs afin de répondre à une demande croissante.

Cela n’a pas empêché les prix d’exploser. Plusieurs détaillants d’ici ont déjà relaté avoir déboursé jusqu’à 20 000 $ US afin d’acheminer de la marchandise depuis la Chine par conteneur. Avant la pandémie, le prix pouvait varier entre 3500 et 5000 $ US.

Baromètre des prix à l’étranger, le prix d’un conteneur de 40 pi était estimé à plus de 10 000 $ US, selon l’index World Container, le baromètre international.

Si ce n’est la quantité, quel est le problème ?

C’est essentiellement un problème de circulation et de congestion.

La pandémie de COVID-19 et ses restrictions ont provoqué un déplacement des dépenses de consommation vers des biens comme les vélos, les produits électroniques et les articles sportifs, stimulant ainsi la demande pour ces produits fabriqués en Asie.

Ces volumes, combinés à des éclosions du nouveau coronavirus dans certains des ports les plus achalandés du monde, ont provoqué un casse-tête logistique. Des conteneurs vides ne sont pas rapportés au même rythme dans les cargos surchargés et restent éparpillés un peu partout. En raison des retards accumulés lors de chaque arrêt, les trajets sont plus longs.

« Les conteneurs sont au mauvais endroit au mauvais moment, explique Brian Slack, professeur émérite à l’Université Concordia et spécialiste du transport maritime. La demande est très forte, mais elle va dans un seul sens. Les transporteurs maritimes ne sont pas capables de retourner assez rapidement en Chine. »

PHOTO ALAN DEVALL, ARCHIVES REUTERS

Des porte-conteneurs patientent au large de Los Angeles, où le port est congestionné.

Cela fait en sorte que bon nombre de ports sont congestionnés. En Amérique du Nord, c’est notamment le cas du côté des ports de Long Beach et de Los Angeles, en Californie, deux des principales portes d’entrée vers l’Amérique du Nord sur la côte du Pacifique. Vendredi, près de 90 navires porte-conteneurs attendaient d’y d’être déchargés, selon Marine Exchange, qui compile ces données.

Si les navires se déplacent 24 heures sur 24, c’est différent dans certains ports. De plus, les navires sont de plus en plus gros. Il faut plus de temps pour les décharger.

Brian Slack, professeur émérite à l’Université Concordia et spécialiste du transport maritime

La situation a incité la Maison-Blanche à s’impliquer afin de faciliter une entente entre le port de Los Angeles – où arrivent 40 % des conteneurs destinés aux États-Unis – et le syndicat américain des débardeurs pour travailler davantage la nuit et les fins de semaine. Des géants comme Walmart et Target ont aussi accepté de pousser à la roue pour accélérer l’acheminement de leurs conteneurs hors des ports pendant les nuits.

Quand la situation rentrera-t-elle dans l’ordre ?

C’est encore difficile à dire, mais selon M. Slack, il faudra attendre au début de 2022 avant de voir le portrait s’améliorer.

En Amérique du Nord, la demande de marchandises en vue du printemps n’est pas aussi vigoureuse que pendant l’automne, qui met la table à la saison des emplettes en vue du temps des Fêtes.

De plus, dans le cadre des célébrations entourant le Nouvel An chinois, la quasi-totalité des usines et installations portuaires sont fermées en Chine pendant deux semaines.

Cela devrait permettre de décongestionner certains ports en Amérique du Nord ainsi qu’en Europe. Mais le contexte peut changer rapidement. Un évènement imprévu, comme le blocage du canal de Suez en mars dernier, peut venir jouer les trouble-fêtes.

« Aussitôt qu’on bloque une partie de la chaîne, ça refoule ailleurs, rappelle M. Roy. Ici, nous avons eu nos épisodes, par exemple avec les blocus ferroviaires en 2020. »

Et chez nous ?

Au port de Montréal ainsi qu’à Vancouver, les volumes traités sont en hausse, mais la situation n’a rien à voir avec ce qui s’observe à certains endroits au sud de la frontière.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Port de Montréal

« Nous sommes moins sollicités qu’un port de la côte Ouest », souligne Mélanie Nadeau, vice-présidente, affaires publiques et relations avec les communautés, au Port de Montréal.

Toutefois, à l’instar de ce qui se passe à Vancouver, le nombre de conteneurs vides qui quittent les installations portuaires est en hausse. Cette proportion a récemment atteint 20 %, selon Mme Nadeau, par rapport à environ 10 % habituellement.

La situation est sur le radar du gouvernement Trudeau. Jeudi dernier, la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a signalé qu’Ottawa surveillait les problèmes des chaînes d’approvisionnement ainsi que la tension dans les ports canadiens.