(Genève) La représentante américaine au Commerce Katherine Tai, en visite à Genève, a évoqué jeudi la possibilité de relancer le fonctionnement de l’organe de règlement des différends de l’OMC, dont la cour d’appel a été torpillée par l’administration de Donald Trump.

L’ancien président des États-Unis était ouvertement hostile à l’Organisation mondiale du Commerce au point de bloquer l’organe qui examine les appels. Cet organe est ainsi inopérant depuis décembre 2019 en raison de sièges vacants.

L’administration de Joe Biden a clairement affiché sa volonté d’impliquer de nouveau les États-Unis dans les organisations multilatérales. S’agissant de l’OMC, elle souhaite néanmoins réformer l’institution pour la rendre plus efficace.

« Une OMC plus flexible »

« Nous pensons que nous pouvons réussir à réformer […] si nous créons une OMC plus flexible, si nous changeons la façon dont nous abordons les problèmes collectivement […] et si nous restaurons la fonction de délibération de l’organisation », a souligné Katherine Tai, lors d’un discours à Genève.

« Je me réjouis d’entendre que (Mme Tai) a prononcé aujourd’hui un discours soutenant fermement la nécessité pour l’OMC de se réformer pour assumer son rôle de soutien au système commercial multilatéral », a commenté la directrice de l’OMC, Ngozi Okonjo-Iweala, qui se trouvait, elle, à Washington.

Elle a appelé à ramener « le règlement des différends de l’OMC à un fonctionnement optimal », lors d’une conférence virtuelle organisée par le Peterson Institute for International Economics (PIIE).  

En mai, elle avait exprimé l’espoir que, d’ici la prochaine conférence ministérielle qui se tiendra du 30 novembre au 3 décembre à Genève, les pays « puissent parvenir à une communauté de vues sur les types de réformes nécessaires ».

Un système lent, lourd et bureaucratique

« Il est révélateur qu’au fil du temps, le “règlement des différends” soit devenu synonyme de litige », a souligné Mme Tai, relevant que les litiges n’en finissent plus et sont « coûteux ».

La responsable américaine a souligné que les premiers rapports de l’organe d’appel ne faisaient que « 20 ou 30 pages », mais qu’ils peuvent désormais dépasser « les 1000 pages » et « symbolisent ce que le système est devenu : lourd et bureaucratique ».

Citant en exemple le conflit entre Boeing et Airbus, lancé en 2004 à l’OMC, elle a lancé : « nous pouvons maintenant nous demander : un système qui nécessite 16 ans pour trouver une solution est-il “pleinement opérationnel” ? »

Critiqué bien avant Trump

L’organe d’appel est composé de sept membres qui peuvent confirmer, modifier ou infirmer les constatations juridiques d’un groupe spécial. Bien avant Trump, il était sous le feu des critiques des États-Unis.

Pendant son discours, l’ambassadrice Tai a souligné que « réformer le règlement des différends ne consiste pas à restaurer l’Organe d’appel pour lui-même, ou à revenir à ce qu’il était auparavant », mais « il s’agit de revitaliser l’action des membres pour obtenir des résolutions acceptables ».

S’exprimant devant un petit groupe de journalistes, elle a reconnu qu’il y avait « un sentiment de malaise » face à l’impasse dans laquelle se trouve l’organe d’appel, et assuré que « le moment est venu pour nous d’affronter le malaise et de dire “le moment est bien choisi de passer aux réformes” ».

Mais, « ne préjugeons pas de ce à quoi ressemble la réforme du système », a-t-elle dit.

À moins de deux mois de la conférence ministérielle, le rythme des négociations s’est accéléré, y compris sur deux autres dossiers difficiles que Mme Okonjo-Iweala a mis en avant : les subventions favorisant la surpêche et la question des droits de propriété intellectuelle face à la COVID-19.

À ce propos l’ambassadrice Tai a affirmé dans son discours que « plusieurs propositions relatives au commerce et à la santé devraient pouvoir faire l’objet d’un consensus au cours du prochain mois et demi ».

Elle a rappelé que les États-Unis étaient favorables à une levée des droits de propriété intellectuelle des vaccins anti-COVID-19, une position qui ne fait pas encore l’unanimité au sein des pays riches.

Elle a indiqué que les États-Unis travaillent également sur un projet de « décision ministérielle visant à renforcer la résilience et la préparation par la facilitation des échanges », une proposition visant à améliorer le partage d’informations et d’expériences liées à la COVID-19.