(Montréal) Même si Exportation et développement Canada (EDC) veut atteindre la carboneutralité d’ici 2050, la société d’État fédérale continuera à soutenir les entreprises du secteur gazier et pétrolier, a dit Mairead Lavery, sa présidente et cheffe de la direction, lors d’une allocution devant le Conseil des relations internationales de Montréal, jeudi.

Le secteur gazier et pétrolier représentait 8 % des participations d’EDC en 2020. « Nous croyons que nous pouvons atteindre nos objectifs en étant un partenaire du secteur plutôt qu’un opposant », a-t-elle dit lors d’une allocution prononcée en anglais.

Cette position ne fait pas le bonheur de ceux qui aimeraient voir les investisseurs institutionnels et les sociétés d’État quitter ce secteur polluant. « Qu’il en soit ainsi ! », répond-elle avec aplomb.

Abandonner le secteur pétrolier d’un coup perturberait l’économie et aurait des conséquences néfastes, poursuit-elle. « Après, que ferions-nous ? Que ferions-nous des 180 000 travailleurs du secteur ou des 400 000 travailleurs indirects ? Qu’en serait-il de près de 8 % du produit intérieur brut canadien ou de 20 % des exportations canadiennes ? »

Elle ajoute que chaque industrie a une incidence environnementale. Le rôle d’EDC est d’aider les entreprises à réduire leur empreinte environnementale, selon elle. « Nous avons un plus grand effet qu’en nous défilant. »

En entrevue en marge de la conférence, la dirigeante assure que cette stratégie n’est pas contradictoire avec l’objectif d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050, annoncé en juillet. « Nous allons continuer de produire des émissions, mais elles seront contrebalancées par des activités compensatrices, ce qui nous permettra d’atteindre la carboneutralité pour l’ensemble de nos activités. »

Le discours survient quelques jours après la publication d’une analyse de l’organisme britannique Carbon Brief, qui montre que l’humanité s’approche de la limite d’émissions de carbone qu’elle peut encore produire si elle ne veut pas dépasser un réchauffement climatique de 1,5 °C. Cette limite pourrait être atteinte d’ici 10 ans. Le Canada a d’ailleurs été montré du doigt comme l’un des pires émetteurs par habitant.

Satisfaite des progrès de SNC-Lavalin et de Bombardier

EDC est également satisfaite des progrès de SNC-Lavalin et de Bombardier en matière d’éthique. En entrevue, Mme Lavery dit que la société d’État continue de « suivre de près » l’éthique et la conformité au sein de ces deux sociétés québécoises.

EDC avait suspendu ses liens d’affaires avec SNC-Lavalin de 2014 à 2017. L’entreprise a quitté la liste noire après une analyse « complète » de ses pratiques éthiques et des changements qu’elle comptait apporter.

En 2019, EDC avait embauché à nouveau un conseiller juridique interne concernant un reportage de la CBC soutenant qu’elle avait appuyé la firme de génie-conseil en lien avec un contrat remporté en Angola par corruption.

« Nous continuons de suivre son système continuellement, ajoute-t-elle. Nous continuons de travailler avec SNC-Lavalin tandis qu’elle se transforme et nous analysons différentes occasions partout dans le monde », répond Mme Lavery.

Chaque fois qu’une affaire de corruption refait surface dans l’actualité ou que des accusations sont portées, SNC-Lavalin rappelle que les faits allégués ont été commis par un nombre restreint d’employés et que la société a procédé à un grand ménage de ses pratiques éthiques.

Rappelons qu’en décembre 2019, SNC-Lavalin avait plaidé coupable à une accusation de fraude en lien avec des projets en Libye et avait payé une amende de 280 millions de dollars. Cela mettait fin au processus judiciaire qui avait ébranlé le cabinet du gouvernement Trudeau.

En avril dernier, la société montréalaise a quitté la liste noire de la Banque mondiale, qui a retiré son nom deux ans plus tôt que prévu après avoir sévi contre elle en 2013 à la suite d’affaires de corruption survenues au Bangladesh et au Cambodge.

Au sujet de Bombardier, EDC avait commandé un examen externe en 2019 dans la foulée d’informations entourant un contrat de matériel ferroviaire de 340 millions de dollars entaché par des accusations de corruption en Azerbaïdjan. L’agence fédérale n’était pas impliquée dans la transaction.

En février 2020, EDC a conclu que Bombardier pouvait faire mieux en matière d’éthique et de conformité, mais estimait que la société était sur la bonne voie. « La société s’est engagée à améliorer ses pratiques, et nous la rencontrons régulièrement pour évaluer ses progrès », affirme Mme Lavery.

Maintenant concentrée sur les jets d’affaires, Bombardier est une entreprise différente depuis la vente de sa division Transport à Alstom, réalisée au début de l’année, ajoute celle qui y a occupé des postes de direction durant 16 ans avant de se joindre à EDC en 2014.