Le Fonds de solidarité FTQ vend sa participation dans 30 immeubles locatifs qu’il détenait avec les Habitations Trigone, un portefeuille dont la valeur frise le milliard de dollars. La transaction a clôturé le 1er octobre, au lendemain de l’annulation des licences de construction de l’entreprise pour des « manquements graves et répétés » aux lois.

Le Fonds encaisse « plus de 300 millions » avec cette vente qui passera à l’histoire comme la plus importante dans le multirésidentiel au Québec selon l’acquéreur, Centurion Apartment REIT de Toronto.

Ce fonds de placement immobilier privé devient propriétaire aux deux tiers de 3678 unités en location dans la grande région de Montréal.

Comme le Fonds FTQ, l’entreprise torontoise Montez Corporation détenait elle aussi une participation au tiers dans le portefeuille, qui doit également aller à Centurion.

De son côté, Habitations Trigone conserve son propre tiers des parts. Selon nos informations, l’entreprise doit toutefois les transférer dans une nouvelle structure.

« Énorme coïncidence »

La veille de la transaction, le Bureau des régisseurs de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) annulait toutes les licences des fondateurs d'Habitations Trigone, Patrice St-Pierre et Serge Rouillard. Le chien de garde de l’industrie reproche à ses dirigeants d’avoir « contourné une loi d’ordre public » par différents stratagèmes : dettes de jugements non payées, fausses déclarations, absence de collaboration avec les autorités, manque de discernement quant à la sécurité du public, manquements aux lois, mauvais service et mauvaise qualité.

Au Fonds FTQ, le porte-parole Patrick McQuilken assure que la clôture de la transaction au lendemain de ce coup de tonnerre est « une énorme coïncidence ». « On n’était pas au courant de ce qui se passait avec la RBQ. »

L’institution financière a mis ses parts des immeubles sur le marché au début de 2020 « dans le cadre normal de [son] horizon d’investissement », dit-il.

Trois mois plus tôt, en octobre 2019, Habitations Trigone et le Fonds FTQ lançaient pourtant un nouveau projet à 25 millions, Axcès Trigone Le Nicolas, à Lévis.

L’institution financière assure que son investissement avec l’entreprise a fourni « un bon rendement » à ses actionnaires, sans vouloir le chiffrer.

Patrice St-Pierre, copropriétaire d'Habitations Trigone avec Serge Rouillard, a refusé de répondre à nos questions. Au téléphone, il a plutôt référé La Presse au relationniste Jean Maurice Duddin.

« Notre réponse c’est : “On est heureux de commenter les transactions qu'Habitations Trigone réalise” », dit-il, sans fournir plus de commentaires.

Inspections supplémentaires

En octobre 2020, un reportage de l’émission La Facture à Radio-Canada faisait état de nombreuses déficiences dans les condos d'Habitations Trigone. Le Fonds FTQ était surtout partenaire de l’entreprise dans son autre champ d’activités : la construction et la location d’appartements.

Le Fonds dit qu’il a néanmoins fait réaliser des inspections supplémentaires dans les immeubles qu’il détenait avec Habitations Trigone. « Nous n’avons pas trouvé de déficiences majeures », dit Patrick McQuilken.

Selon nos informations, Centurion a aussi réalisé des inspections supplémentaires, sans trouver de problèmes.

Après la transaction, le Fonds FTQ reste partenaire d'Habitations Trigone dans trois immeubles en construction et trois terrains.

« Des discussions se poursuivent quant à ces actifs », dit Patrick McQuilken.

Le Fonds tâche d’ailleurs de mettre en branle un « plan de contingence » pour être en mesure de terminer les immeubles en chantier, explique-t-il. « Nos dispositions sont déjà en train d’être prises pour s’assurer que les projets soient terminés en temps prévu pour les locataires qui ont signé des baux. »

Banlieue en croissance

Les immeubles d'Habitations Trigone sont concentrés dans les couronnes de Montréal. Joint par La Presse, le président de Centurion, Greg Romundt, souligne que ces emplacements cadrent parfaitement avec la stratégie de son fonds de placement immobilier.

« Nous achetons dans les secteurs en croissance, particulièrement les nouvelles propriétés en banlieue, dit-il. Nous aimons le Québec pour la stabilité de son marché et pour ses loyers abordables comparés au reste du Canada. »