Il y a une dizaine d’années, alors que je dirigeais iA Groupe financier, l’équipe de direction a fait un examen de conscience sur le biais inconscient de s’entourer de gens qui nous ressemblent.

Nous prenions alors connaissance d’une information qui restera à jamais imprégnée dans ma tête. Lorsque l’on a demandé aux dirigeants de 300 grandes sociétés américaines d’indiquer les trois caractéristiques les plus importantes d’un leader, la réponse des hommes était : être orienté vers l’action, amener des résultats et résoudre des problèmes. Celle des femmes était d’agir de façon collaboratrice, d’être inclusif et de travailler en équipe. Les personnes ont évidemment répondu selon leurs forces et faiblesses en étant convaincues que leur profil personnel décrivait à merveille le leader idéal.

Leurs réponses sont un fidèle reflet des caractéristiques de leadership à prédominance masculine et féminine (il faut évidemment éviter de simplifier ou de généraliser). Cela signifie qu’une équipe composée majoritairement de gens d’action qui règlent des problèmes (des hommes) n’aura pas le réflexe de promouvoir à la haute direction des gens animés par le travail d’équipe qui aiment consulter, collaborer et inspirer (des femmes).

Les caractéristiques dominantes d’une équipe prennent toute leur importance dans la prise de décisions.

Une équipe aux caractéristiques à prédominance masculine est par essence impatiente : impatiente de décider, impatiente de mettre fin à une rencontre et impatiente de mettre en œuvre ses décisions. Un tel niveau d’impatience est approprié en temps de crise, mais loin d’être optimal pour résoudre des problèmes complexes.

Une présence accrue de femmes (ou de personnes ayant des caractéristiques à prédominance féminine) dans les hautes sphères décisionnelles améliore la qualité des décisions : les membres de l’équipe cherchent à connaître et à comprendre le point de vue de chacun et prennent le temps de soupeser tous les arguments. Ils s’assurent que chacun s’est exprimé. Ce faisant, il se crée plus naturellement un consensus et un fort niveau d’engagement.

La définition d’un leader varie beaucoup d’une personne à l’autre. Certaines personnes accordent un poids important à ce qu’un dirigeant commande le respect, puisse être directif et s’imposer, affiche son assurance et démontre son ambition. Rien ne dit qu’un tel dirigeant saura s’entourer de gens compétents, sera capable de prendre de bonnes décisions, peut se plier aux exigences éreintantes des relations humaines et des conflits émotifs, puisse communiquer son enthousiasme et soit capable de provoquer un dialogue avec son équipe.

Pour ceux qui hésitent encore à revoir leur définition d’un leader, je vous rappelle que les compétences qui sont utiles au début d’une carrière ne sont pas nécessairement les mêmes que celles qui permettent d’assurer le succès aux échelons supérieurs. C’est souvent un piège d’utiliser vos compétences de début de carrière comme un support de vos convictions. Dans une entreprise, 99 % du travail est réalisé par du personnel que le leader a réussi à rendre responsable, compétent et engagé pour le bien-être de l’entreprise… bref à développer les employés dans toute l’organisation, dont certains seront des leaders en puissance.

P.–S. Je ne peux m’empêcher d’illustrer mon propos en utilisant la gestion de la COVID-19 par notre gouvernement provincial : excellent en gestion de crise et présentation d’une solution inachevée dans le dossier des infirmières. Loin de moi l’idée de critiquer des gens qui doivent prendre des décisions difficiles. C’est simplement une invitation à réfléchir à la composition de l’équipe décisionnelle dans les sphères les plus élevées de l’administration.