« Moratoire », « encadrement plus strict », « réduction du bruit »… Les candidats à la mairie de Longueuil ne manquent pas d’engagements à l’endroit de l’aéroport de Saint-Hubert même s’ils ne peuvent imposer leur vision de force. Il n’en reste pas moins que la Ville ainsi que l’exploitant des installations ont tout intérêt à entretenir un dialogue.

« Je ne comprends pas les mécanismes auxquels certains pourraient faire appel, s’étonne le président du conseil d’administration de Développement de l’aéroport Saint-Hubert de Longueuil (DASHL-L), Charles Vaillancourt, au bout du fil. Je suis quand même très ouvert à en parler. »

C’est l’organisme à but non lucratif qui est l’exploitant et propriétaire de l’endroit à la suite d’un transfert d’actifs effectué par Transports Canada en 2004. Puisque les aéroports sont de compétence fédérale, les pouvoirs de la Ville – et des tribunaux québécois – sont très limités.

En fait, un changement doit être approuvé par le conseil. Trois des onze membres sont nommés par Longueuil. Le reste provient de différents milieux d’affaires. La majorité des voix ne repose donc pas entre les mains de la municipalité.

Cela n’empêche pas Coalition Longueuil (Catherine Fournier), Action Longueuil (Jacques Létourneau), Longueuil Ensemble (Josée Latendresse) et Longueuil Citoyen (Jean-Marc Léveillé) de soulever des questions sur les ambitions de DASH-L et ses répercussions potentielles sur le bruit pour le voisinage.

L’organisme souhaite asseoir son développement en attirant des compagnies aériennes au rabais comme Swoop et Flair afin d’offrir des vols régionaux, nationaux et vers les destinations soleil, ce qui serait possible uniquement si Transports Canada accepte de changer un vieux règlement. Le bail d’Aéroport de Montréal – le gestionnaire des aéroports Montréal-Trudeau et Mirabel – avec Transports Canada lui confère une clause d’exclusivité pour les vols internationaux.

En pouvant offrir des liaisons vers les Caraïbes et d’autres destinations vacances, les compagnies aériennes pourraient rentabiliser leurs activités pendant la saison hivernale à Saint-Hubert, croit M. Vaillancourt.

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Charles Vaillancourt est président du conseil d’administration de DASH-L, propriétaire et exploitant de l’aéroport de Saint-Hubert.

Mme Fournier, en tête dans les intentions de vote selon un sondage de la firme Mainstreet publié à la fin d’août, promet de « décréter un moratoire » sur le projet de développement de DASH-L. M. Léveillé fait miroiter une reprise du « contrôle du développement » même si la Ville est minoritaire au C. A. de l’organisme.

En entrevue téléphonique, Mme Fournier a cependant reconnu qu’un règlement municipal « n’aurait pas juridiction ». À son avis, c’est en négociant l’appui de la municipalité qu’il est possible d’obtenir des concessions.

« Je ne crois pas que le fédéral va permettre un développement s’il n’y a pas d’acceptabilité sociale, dit-elle. Nous, on n’appuiera pas ce projet s’il n’y a pas de consultation citoyenne. »

Pour offrir des vols vers les destinations vacances, DASH-L doit absolument voir le gouvernement fédéral lever un règlement stipulant que les vols internationaux ne peuvent décoller que de l’aéroport Montréal-Trudeau.

Chez Longueuil Ensemble, il s’agit d’un projet « archaïque » qui n’est pas « visionnaire », affirme Josée Latendresse, qui aimerait voir les gestionnaires de l’aéroport « refaire leurs devoirs ».

« Vous avez raison, nous n’avons pas beaucoup de leviers, a-t-elle concédé. On doit travailler beaucoup en collaboration. On peut être un partenaire de développement. Ils vont avoir besoin de la Ville. »

Un dossier prioritaire : le bruit

L’aéroport a été montré du doigt à plus d’une reprise ces dernières années en raison de la question du bruit, une source d’irritation pour le voisinage. Le principal problème concerne les vols de Boeing 737-200 de Chrono Aviation qui décollent chaque semaine au moins une fois la nuit afin de transporter les employés d’une société minière.

Ces appareils conçus en 1968 ont l’avantage de pouvoir atterrir dans les pistes de gravier du Grand Nord, mais leur empreinte sonore est à l’origine de nombreuses doléances, reconnaît M. Vaillancourt.

« Personnellement, je préférerais de loin que cet avion-là ne vole pas la nuit, dit-il. Les autres opérations de nuit (vols nolisés privés, Airmedic) ne dérangent personne. Je serais ouvert, si la Ville était intéressée à s’impliquer, à trouver des façons avec le transporteur pour modifier les horaires. »

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Les décollages de Boeing 737-200 de Chrono la nuit suscitent de vives critiques.

Un regroupement citoyen s’était tourné vers la Cour supérieure du Québec pour tenter de faire bouger les choses, sans succès. Dans sa décision, le tribunal soulignait que l’exploitation d’un aéroport « est de compétence fédérale ».

« La plupart des citoyens ne sont pas contre l’idée du développement de l’aéroport, croit Ève Couture, directrice des communications d’Action Longueuil. Mais il faut le faire dans les règles. Les prochains projets, nous ne voulons pas que ça dérange les citoyens davantage. »

Les autres plaintes pour le bruit sont principalement en lien avec les écoles de pilotage dont les avions tournent longtemps au-dessus des maisons. M. Vaillancourt ajoute que de nombreuses mesures ont été mises en place au cours de la dernière décennie.

Il y a encore beaucoup d’étapes à franchir avant d’assister à une augmentation marquée du nombre de vols commerciaux à l’aéroport de Saint-Hubert.

Ces transporteurs n’offrent pas de vols la nuit et utilisent des appareils beaucoup plus silencieux que l’avion de ligne de Chrono, ce qui devrait apaiser les craintes des citoyens, croit le président du C.A. de DASH-L.

« Par exemple, après les parties du Canadien de Montréal, l’équipe qui visite repart [de l’aéroport] en Boeing 737-800 ou en Airbus A319 vers 1 h ou 2 h du matin », souligne M. Vaillancourt.

Selon lui, ces vols ne « génèrent aucune plainte parce qu’ils sont silencieux ».

415 000

DASH-L verse annuellement 415 000 $ en taxes municipales à Longueuil. La somme devrait augmenter en 2022 parce que l’évaluation municipale de l’aéroport devrait grimper à 23,5 millions.