Des feux jaunes s’allument ces temps-ci parmi les analystes du secteur des services financiers et les gestionnaires de portefeuilles en actions sur la Bourse canadienne responsables d’évaluer les banques canadiennes.

Et ce, en dépit de récents résultats trimestriels qui, encore une fois, se sont avérés supérieurs aux attentes des analystes et des investisseurs.

Pourquoi cette soudaine réserve envers l’un des secteurs phares de la Bourse canadienne ?

« Les actions du secteur bancaire se sont beaucoup appréciées récemment. Elles ont profité de bons vents favorables liés au redressement de la conjoncture économique après la pandémie, ainsi que de la surélévation des récents bénéfices des banques avec la réduction des provisions pour pertes sur prêts qu’elles avaient dû augmenter durant la pandémie », indique Jean-Philippe Legault, analyste financier pour la firme de gestion de placements Cote-100, lors d’un entretien avec La Presse.

« Par conséquent, de notre point de vue, les actions de banques canadiennes sont devenues bien valorisées en Bourse. C’est pourquoi nous avons récemment réduit notre légère surpondération des actions du secteur financier dans nos portefeuilles de référence (en actions canadiennes) pour nos clients-investisseurs. »

Chez Canaccord Genuity, Martin Roberge, analyste principal des marchés boursiers nord-américains, est plus critique envers la valeur boursière attribuée au secteur bancaire ces temps-ci.

« Les actions des banques canadiennes ne sont plus bon marché, en termes absolus et par rapport au marché. Au total, je crains que les actions du secteur bancaire n’entrent très bientôt dans une phase de correction face à l’indice S&P/TSX de la Bourse canadienne », indiquait récemment M. Roberge dans son infolettre hebdomadaire aux clients-investisseurs de Canaccord Genuity.

Son vis-à-vis à la Banque Scotia, Hugo Ste-Marie, analyste principal des marchés boursiers, se montre moins inquiet à court terme envers la valeur boursière des banques canadiennes.

Néanmoins, par prudence, il vient d’en réduire la pondération sectorielle dans le portefeuille modèle « Strategic Edge » qu’il supervise pour les clients-investisseurs de la Banque Scotia.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Hugo Ste-Marie, analyste de la Banque Scotia, dans son plus récent bulletin de stratégie boursière

Je reste d’avis que la tendance haussière des actions semble susceptible de s’étendre dans le temps. Toutefois, certaines préoccupations économiques à court terme et les rendements obligataires (taux d’intérêt) toujours insensibles aux mesures d’inflation plus élevées m’incitent à faire certains ajustements dans notre portefeuille modèle.

Hugo Ste-Marie, analyste de la Banque Scotia, dans son plus récent bulletin de stratégie boursière

« Avec des rendements obligataires incapables d’augmenter pour l’instant, et des inquiétudes concernant une éventuelle augmentation de l’impôt fédéral [sur les profits des banques], je préfère ajouter des coussins dans notre portefeuille modèle en réduisant d’un cran la pondération en actions de banques », précise M. Ste-Marie.

Chez la Financière Banque Nationale (FBN), l’analyste du secteur bancaire Gabriel Dechaine estime aussi qu’à court terme, « la valorisation des actions de banques canadiennes pourrait être limitée en raison des perspectives économiques encore incertaines en fin de pandémie ».

Aussi, souligne-t-il, « un autre facteur qui devrait peser sur les actions bancaires est le résultat de l’élection fédérale, alors que la plateforme électorale du Parti libéral contient des éléments potentiellement négatifs pour le secteur bancaire ».

Cela dit, à plus long terme, Gabriel Dechaine estime que la valeur boursière courante du secteur bancaire canadien demeure « attrayante » pour les investisseurs.

« Un vent favorable dans le marché du crédit qui souffle toujours, l’amélioration de la dynamique de croissance des résultats, des annonces potentiellement positives en matière de capital d’ici quelques mois [reprise autorisée des hausses de dividendes et des rachats d’actions] ainsi qu’un multiple de prix à 10,9 fois les bénéfices annuels attendus rendent les actions de banques attrayantes à moyen et long terme », indique M. Dechaine dans son plus récent rapport sectoriel aux clients-investisseurs de la FBN.

Cet avis est partagé par Bernard Gauthier, directeur général et gestionnaire de portefeuilles en actions canadiennes pour la firme montréalaise Jarislowsky Fraser, une filiale de la Banque Scotia.

« Parmi les analystes boursiers qui fonctionnent surtout avec des résultats à court terme, on perçoit un peu plus d’hésitation avec le potentiel de valorisation additionnelle des actions de banques à court terme », constate M. Gauthier, lors d’une discussion avec La Presse.

« Mais pour les investisseurs et les gestionnaires de portefeuilles comme nous qui ont des objectifs de rendement à moyen et long terme, les actions de banques canadiennes demeurent des titres de base avec des perspectives économiques et financières très favorables pour les prochaines années.

« Même qu’avec des multiples cours-bénéfice aux environs de 10 à 11 fois, le secteur bancaire m’apparaît comme l’un des plus attrayants ces temps-ci pour les gestionnaires de portefeuilles en actions de haute qualité sur la Bourse canadienne. »