Le prix du CO2 à la Bourse du carbone fait un bond de 30 %

Polluer au Québec coûtera désormais 30 % de plus.

Le prix des émissions de CO2 est passé de 22,66 $ à 29,41 $ la tonne au Québec lors des dernières enchères trimestrielles du Marché du carbone Québec-Californie. Cette hausse marquée du prix des émissions de CO2 se traduira en pratique par une hausse d’environ 1,55 cent le litre du prix de l’essence à court terme.

En trois mois, le prix de la tonne de CO2 a ainsi progressé davantage (+ 6,75 $) que lors des cinq années précédentes (+ 6,27 $).

« La dernière augmentation du prix des crédits carbone prouve que la Bourse du carbone fonctionne bien. Il coûte maintenant de plus en plus cher aux entreprises pour émettre des GES, et c’est de cette façon que nous allons les encourager à les réduire », a indiqué par courriel le cabinet du ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette.

« La hausse montre que le système fonctionne. On voit un petit choc tarifaire, mais ça reste faible par rapport à ce qui s’en vient », dit le professeur Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal.

Au cours de ces enchères trimestrielles d’août 2021, le Marché du carbone a vendu pour 303 millions CAN en permis d’émettre du CO2 à des entreprises au Québec. Ces 303 millions seront versés au Fonds d’électrification et de changements climatiques (l'ancien Fonds vert). Le précédent record trimestriel de 256 millions avait été établi en mai 2019.

Cette hausse du prix du carbone est « en partie une bonne nouvelle », selon l’organisme environnemental Équiterre. « On vient de récolter 300 millions qui vont être réinvestis dans la réduction de nos gaz à effet de serre », dit Émile Boisseau-Bouvier, analyste des politiques climatiques et de la transition écologique chez Équiterre. « C’est important que les acteurs économiques aient un prix qui reflète le coût social du carbone. »

Avant le prix de 29,41 $ des enchères d’août 2021, le prix du carbone avait atteint un sommet de 23,48 $ en mai 2019, avant de diminuer légèrement durant la pandémie de COVID-19.

En Californie, le Marché du carbone a vendu pour 1,1 milliard de dollars américains (1,4 milliard CAN) en droits d’émissions de CO2 pour le trimestre d’août 2021. Le prix sur le Marché du carbone Québec-Californie a augmenté de 24 % en trois mois, pour s’établir à 23,30 $ US la tonne de CO2. Cette hausse de 24 % en dollars américains est une meilleure indication de la tendance du prix du carbone que la hausse en dollars canadiens, car cette dernière varie aussi en fonction du taux de change, selon le professeur Pierre-Olivier Pineau.

Les spéculateurs s’invitent

Détail intéressant : les spéculateurs ont été beaucoup plus nombreux à acheter des permis de polluer lors des dernières enchères.

En août 2021, 68 % des permis de polluer ont été achetés par des entreprises assujetties au Marché du carbone, et 32 %, par des spéculateurs, qui estiment visiblement que le prix du carbone augmentera. « On est content que les gens spéculent. Ils envoient un signal de prix avant que la vraie pénurie [des permis de polluer] se fasse sentir », dit le professeur Pineau.

À chaque enchère depuis 2013, les émetteurs de CO2 assujettis avaient toujours fait au moins 80 % des achats. Parmi les émetteurs assujettis, Bombardier, Énergie Valero, Énergir, Gazifère, Hydro-Québec, Les Pétroles Irving, Suncor, Pétrolière Impériale et TC Énergie (anciennement TransCanada) ont notamment participé aux enchères d’août 2021.

La taxe sur le carbone du Québec

Méconnu du grand public, le Marché du carbone Québec-Californie a néanmoins des conséquences financières pour les Québécois : il établit un tarif sur le carbone à payer pour les grandes entreprises, qui refilent ensuite la facture aux consommateurs.

Par exemple, les pétrolières refilent le tarif sur le carbone dans le prix de l’essence. Si on taxe le carbone à 10 $ la tonne de CO2, cette taxe revient à environ 2,3 cents le litre d’essence. Pour une tarification de 29,41 $ la tonne de CO2, comme c’est le cas au Québec depuis cette semaine, ça veut donc dire une taxe de 6,76 cents par litre d’essence.

Au Québec, le Marché du carbone remplace la taxe fédérale sur le carbone. En vertu de ce système fédéral, chaque province doit établir son système de tarification du carbone, sinon la taxe fédérale s’applique. Ottawa reconnaît le système du Québec au moins jusqu’à la fin de 2022.

Plutôt que de seulement taxer la pollution comme la taxe fédérale, le Marché du carbone Québec-Californie est conçu à long terme de façon à ce que les entreprises soient forcées de réduire leurs émissions de CO2. Le volume de permis de polluer émis par le Marché du carbone diminuera au fil des ans : de 55 millions de tonnes de CO2 en 2021, à 44 millions de tonnes en 2030.

Si le Québec réduit par lui-même sa pollution, le prix de la tonne de CO2 restera stable. Si le Québec est en retard sur ses cibles, le prix de la tonne de CO2 augmentera, car il y aura une pénurie de droits de polluer. Ça incitera ainsi davantage les entreprises à diminuer leur empreinte de CO2. « C’est une bonne chose que le prix du carbone monte, mais c’est aussi un symptôme du fait qu’on ne réduit pas assez [nos émissions] », résume Pierre-Olivier Pineau.

Le Marché du carbone vise environ 83 % des émissions de CO2 au Québec.

En 2018, le Québec a émis 80,6 millions de tonnes de CO2.

L’objectif du Québec est de réduire ses émissions de CO2 de 37,5 % en 2030 par rapport au niveau de 1990, et d’être carboneutre (zéro émission) en 2050.