L’affrontement entre les deux plus grands chemins de fer du pays, qui convoitent chacun le Kansas City Southern (KCS), n’est pas tout à fait terminé. Le Canadien Pacifique (CP) a décidé de bonifier son offre, sans toutefois offrir davantage que la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), établie à Montréal.

Cette proposition de l’entreprise établie à Calgary risque néanmoins d’être suffisamment élevée pour faire réfléchir certains actionnaires du transporteur ferroviaire américain, qui doivent se prononcer le 19 août sur le mariage proposé avec le CN. Explications.

Qu’est-ce qui est sur la table ?

Ce sont les promesses du CN qui ont été retenues par KCS. L’offre en espèces et en actions du plus important transporteur ferroviaire au pays est estimée à 325 $ US par titre, soit 29,8 milliards US. Elle valorise l’américaine à 33,6 milliards US en tenant compte de la dette.

Avant de voir son rival montréalais lui damer le pion, le CP avait conclu une entente de 275 $ US par action, ou 25,2 milliards US avec KCS. Le CP fait maintenant miroiter 300 $ US par action dans le cadre d’une proposition en espèces et en actions estimée à 27,2 milliards US et 31 milliards US en incluant la dette.

« Vous pouvez promettre [la Lune], mais si vous n’êtes pas en mesure de réaliser l’accord, comment la valeur se concrétise pour les actionnaires ? », a expliqué le chef de la direction du CP, Keith Creel, mardi, au cours d’une conférence téléphonique avec les investisseurs, en référence à l’offre du CN.

Le CN a réitéré, dans une déclaration, que son entente avec KCS demeurait « supérieure », tandis que l’entreprise établie au Missouri a fait savoir qu’elle évaluerait la nouvelle offensive du CP.

Qu’est-ce qui permettrait à une offre moins élevée d’être évaluée ?

Il y a deux options pour KCS et ses actionnaires : la proposition moins onéreuse du CP, qui semble moins risquée d’un point de vue réglementaire, ou l’offre plus élevée du CN, qui s’accompagne d’un niveau d’incertitude plus élevé.

« Le CP offre quelque chose qui devrait faire réfléchir les actionnaires de KCS à l’approche d’un vote sur le regroupement avec le CN », a souligné l’analyste Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale, dans une note.

Chez Valeurs mobilières Desjardins, l’analyste Benoit Poirier estime que le rapport publié vendredi dernier par Institutional Shareholder Services a encouragé le CP à revenir à la charge. L’agence de conseil aux actionnaires recommandait d’appuyer l’offre du CN en soulignant que celle émanant du CP ne représentait pas une solution de rechange valable.

Quels sont les défis pour le CN ?

Le chemin de fer de Montréal attend toujours la décision – annoncée pour avant le 31 août – du Surface Transportation Board (STB), le responsable des fusions dans le secteur ferroviaire au sud de la frontière, afin d’obtenir la permission de mettre sur pied une fiducie avec droit de vote qui serait utilisée pour conclure l’accord.

Cette fiducie détiendrait les actions de KCS pendant l’examen de la transaction, ce qui permettrait aux actionnaires de l’américain de recevoir un paiement de contrepartie complet sans avoir à attendre l’approbation du STB, qui pourrait s’échelonner jusqu’à la fin de 2022.

De son côté, le CP avait obtenu cette autorisation de la part du STB avant de voir KCS se tourner vers la proposition du CN en mai dernier.

Par ailleurs, une fusion entre le CN et KCS serait évaluée en vertu de règles plus strictes. Le STB ne s’est pas penché sur un projet de fusion dans l’industrie ferroviaire depuis les années 1990. Si le contexte réglementaire a été resserré en 2001, ce nouveau cadre n’a pas encore été mis à l’épreuve. La proposition du CP avait bénéficié d’une exemption à ce chapitre, ce qui abaisse le niveau de risque.

Pour tenter d’apaiser les craintes des autorités réglementaires américaines, le CN s’est notamment engagé à se départir d’un tronçon d’environ 113 kilomètres exploité par KCS et qui relie La Nouvelle-Orléans et Baton Rouge. Il s’agit d’un endroit où les réseaux des deux transporteurs se chevauchent.

Qu’est-ce qui est au cœur de l’affrontement entre le CN et le CP ?

Les deux rivaux souhaitent chacun exploiter un réseau qui traverse les États-Unis pour se rendre jusqu’au Mexique. C’est ce qu’offrent les actifs de KCS.

L’entreprise exploite un réseau qui s’échelonne sur 11 400 kilomètres, relie de nombreux ports et serait complémentaire à ceux du CN et du CP.

À la Bourse de Toronto, mardi, l’action du CN clôturé à 143,43 $, en baisse de 1,47 $, ou 1 %, tandis que le titre du CP a retraité de 1,09 $, ou 1,2 %, à 90,41 $. Du côté de la Bourse de New York, l’action de KCS a bondi d’environ 7,5 %, ou 20,15 $ US, à 289,75 $ US.