Les éleveurs de porcs sont en détresse, et leurs bêtes souffrent.

La grève qui se prolonge à l’usine d’abattage et d’équarrissage d’Olymel, à Vallée-Jonction, en Beauce, pourrait inciter certains producteurs à opter très bientôt pour l’euthanasie, d’autant que la canicule qui se profile exacerbera le problème de promiscuité dans leurs bâtiments.

Au nom du bien-être de leurs animaux – et du leur –, les Éleveurs de porcs du Québec demandent une fin rapide au conflit de travail qui sévit depuis le 28 avril.

« C’est un cri du cœur de tous les éleveurs de porcs du Québec », a lancé avec émotion le président de l’organisme, David Duval, lors d’une conférence tenue le 9 août, en Beauce.

Les éleveurs font les frais de cette grève et sont en détresse, « sur le plan tant économique que psychologique », a-t-il insisté.

« Les producteurs commencent à être à bout, fatigués, désemparés. »

Leurs bêtes aussi.

Alors que leur nombre n’excède pas 10 000 en temps normal, quelque 136 000 porcs sont en attente d’abattage, un « chiffre jamais atteint au cours des 50 dernières années », a soutenu David Duval.

Entre-temps, les bêtes prennent du poids et se compriment dans leurs parcs, malgré les mesures prises par les éleveurs pour adoucir leurs conditions.

« Imaginez que 40 personnes s’entassent dans un 1 1/2 au troisième étage d’un immeuble, sans air climatisé : c’est ce que les porcs vivent présentement », a-t-il décrit.

Pour réduire la pression, quelque 20 000 bêtes sont abattues chaque semaine aux États-Unis et ailleurs au Canada.

Beaucoup sont transportées par camion jusqu’en Alberta, au coût de 65 $ par tête. Le stress et la durée du trajet entraînent un taux de mortalité qui peut atteindre 15 %, affirme David Duval.

Cependant, même cette échappatoire se refermera à la fin de l’été, quand tous les producteurs d’Amérique feront converger leurs porcs vers les abattoirs pour la haute saison.

Abattage « humanitaire »

Les Éleveurs de porcs du Québec veulent éviter le gaspillage alimentaire qu’entraînerait un abattage « humanitaire » – une perspective qui se confirme. « Le mur est très proche », a indiqué David Duval en entrevue téléphonique.

« Si la période de canicule est très intense, il y en a qui vont peut-être passer de la parole aux actes. »

« Le producteur fait tout, tout, tout ce qu’il peut présentement pour conserver le meilleur bien-être des animaux, fait-il valoir. Mais il se trouve démuni, sans perspective de règlement. »

Il appelle les parties à revenir à la table de négociation et à résoudre le conflit dans les plus brefs délais.

« Je pense que le ministre du Travail a un devoir, en tant que conciliateur en chef au niveau du Québec, de ramener le plus rapidement l’ouverture de cet abattoir. »

Même s’il se dit sensible au désarroi des éleveurs et aux conditions de vie des bêtes, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, se refuse à suspendre l’épée de Damoclès d’une loi spéciale au-dessus d’un conflit privé.

« J’essaie d’augmenter la pression et que nos conciliateurs soient le plus diligents possible », a-t-il dit lors d’un entretien téléphonique.

« Il y aura vraisemblablement une nouvelle rencontre de négociation demain [ce mardi], et on peut anticiper que ça va déboucher. »

L’occlusion perdure malgré 22 séances de conciliation.

Le président du Syndicat des travailleurs d’Olymel Vallée-Jonction–CSN, Martin Maurice, s’est refusé à commenter la sortie des Éleveurs de porcs du Québec, qui s’est effectuée au moment même où les syndiqués tenaient un vote sur la proposition patronale d’organiser les quarts du soir en quatre jours de 10 heures de travail.

« On a dit que les travailleurs n’étaient pas d’accord avec ça. On est allés le faire valider en assemblée, et ç’a été voté à 82,2 % en refus, a-t-il expliqué. À la suite de ça, on a convoqué le conciliateur et on attend des dates. On est disponibles, on est prêts. »

Les quarts du soir sont le dernier écueil, avec les quelques centimes qui séparent les parties sur la question salariale.