Après une pause forcée d’environ six mois provoquée par la pandémie de COVID-19, les avions de Transat A.T. recommenceront finalement à transporter des passagers à compter de ce vendredi. Ce retour dans les airs survient toutefois dans un contexte qui a commencé à changer avec des rivaux canadiens qui ont le marché de Montréal dans leur ligne de mire, ce qui devrait accroître la concurrence.

Peu de voyageurs se plaindront d’avoir plus d’options à leur disposition, mais la question est de savoir s’il y aura assez de place pour tous les acteurs à plus long terme. Avec une industrie qui redémarre progressivement après avoir été secouée par les turbulences de la crise sanitaire, il semble difficile, pour l’instant, d’avoir une réponse à cette question.

« Il se peut que la prochaine année soit un peu folle avec les gens qui ont envie de partir, souligne Jacques Roy, professeur de gestion des transports à HEC Montréal. Mais par la suite, plus il y a de joueurs qui apparaissent sur le marché, plus cela dilue la demande. Cela pourrait prendre des mois pour se faire une idée de tout ça. »

Des acteurs comme Air Canada, Transat A.T., WestJet et Sunwing sont bien présents depuis longtemps à l’aéroport Montréal-Trudeau. Toutefois, en ce qui a trait aux vols intérieurs, aux liaisons vers les États-Unis et aux destinations soleil, d’autres rivaux veulent obtenir leur part du gâteau.

Par exemple, le transporteur à bas prix albertain Flair Airlines, qui offre déjà depuis quelques semaines des vols intérieurs à partir de la métropole, a l’intention d’ajouter des destinations américaines (Fort Lauderdale, Orlando et Las Vegas, entre autres) à son offre dans le cadre de son plan d’expansion. OWG, filiale de Nolinor, devrait pour sa part recommencer à offrir des liaisons vers quelques destinations soleil à compter de l’automne.

PHOTO FOURNIE PAR NOLINOR AVIATION

Nolinor, avec sa filiale OWG (Off We Go), offre des vols vers le sud des États-Unis.

Entre avant la pandémie et maintenant, on constate plus de joueurs.

Marco Prud’Homme, président d’OWG

« Chez nous, explique au bout du fil Marco Prud’Homme, notre différence est au chapitre du service et c’est peut-être vers cela que les consommateurs vont se tourner. Avec la petite flotte que l’on a [deux Boeing 737-400], nous devrions pouvoir tirer notre épingle du jeu. »

Porter Airlines, qui pourrait acquérir jusqu’à 80 avions Embraer E195-E2 – un concurrent de l’A220 d’Airbus –, a l’intention pour sa part d’augmenter sa présence avec des destinations tant au Canada qu’aux États-Unis ainsi que dans le Sud. Il faudra attendre à l’an prochain avant de connaître les plans du transporteur aérien, mais Montréal figure dans ses projets.

Selon Isabelle Dostaler, doyenne de la faculté d’administration des affaires de l’Université Memorial, à Terre-Neuve, le désir de voyager des consommateurs devrait stimuler la demande à court et à moyen terme, ce qui aidera les transporteurs.

Toutefois, à plus long terme, l’experte du secteur des transports se demande si des acteurs comme Air Canada pourraient être tentés de casser les prix pour écarter leurs concurrents.

« Ces compagnies ont davantage les moyens de se priver de revenus pendant un certain temps et tuer certains concurrents, dit Mme Dostaler. Les liquidités seront le nerf de la guerre. »

La pandémie a également fait rétrécir les flottes des compagnies aériennes en raison de la baisse de la demande. Ce facteur pourrait jouer en faveur d’entreprises comme Flair et Porter dans leurs visées, d’après l’experte.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Transat A.T., Air Canada, WestJet et Sunwing sont bien présents et depuis longtemps à l’aéroport Montréal-Trudeau. Et voilà que de nouveaux acteurs pointent à l'horizon.

L’œil ouvert

Les transporteurs sont conscients des visées expansionnistes de certains rivaux.

Chez Transat A.T., le chef de la direction des ventes et du marketing, Joseph Adamo, rappelle que la relance des activités aériennes du voyagiste se fera progressivement, ce qui laisse du temps pour s’adapter si le contexte change.

En juin dernier, la nouvelle présidente et chef de la direction de Transat A. T., Annick Guérard, avait annoncé ses couleurs en enterrant le projet de chaîne hôtelière dans les Caraïbes, un projet qui avait été annoncé en 2018.

Transat A.T. recentrera ses activités aériennes sur le Québec, l’Ontario et les Maritimes pour les vols internationaux. Des liaisons intérieures à partir de villes comme Montréal, Québec et Vancouver sont aussi au menu.

En optant pour une flotte qui ne comptera que deux modèles (des Airbus A330 de 345 sièges et des A321LR de 199 sièges) comparativement à cinq auparavant, la société mère d’Air Transat devrait réaliser des économies substantielles pour rester concurrente, selon M. Adamo.

« La stabilisation de l’entreprise passe par la réduction des coûts et la simplification des activités, dit-il. Ce n’est pas une surprise de voir certains acteurs viser une expansion. On en tient compte dans notre plan. »

Chez Air Canada, la vice-présidente générale et chef des affaires commerciales, Lucie Guillemette, n’a pas voulu commenter la stratégie de transporteurs comme OWG, Flair et Porter, se limitant à dire que l’entreprise était prête à rivaliser « avec ce qui s’en vient ».

Les économies d’exploitation générées grâce à des appareils comme l’A220 ou le Boeing 737 MAX, combinées à la nouvelle mouture du programme de fidélisation Aéroplan, procurent « beaucoup de flexibilité » à Air Canada en matière de tarification, a expliqué Mme Guillemette.

Le redémarrage de Transat

Près de 800 employés ont retrouvé leur emploi.

Trois vols ce vendredi : Montréal-Punta Cana, Punta Cana-Montréal et Montréal-Vancouver

Une cinquantaine de liaisons offertes à compter de novembre

Effectif d’environ 2600 salariés en hiver (plus de 5200 employés avant la pandémie)