L’explosion survenue en août 2020 dans le port de Beyrouth a suscité une vague de sympathie pour le Liban, un pays si souvent éprouvé dans le passé. Mais l’intérêt de la communauté internationale s’est rapidement tari au fil des mois, comme ça arrive trop souvent.

Loin de s’estomper, les problèmes qui plombent l’économie du Liban continuent de s’aggraver. Et ils ne se limitent pas à la reconstruction d’une ville détruite, selon la Banque mondiale, qui s’alarme de la faillite imminente du pays.

Dans une analyse qui vient d’être publiée, les économistes de l’organisation affirment que la crise économique actuelle au Liban est l’une des pires qu’ait connues le pays, mais aussi une des plus graves de l’histoire du monde moderne. Le pays de 7 millions d’habitants, qui a pour voisins Israël et la Syrie, a connu les ravages de la guerre. Mais la crise qui sévit actuellement est la pire à survenir en temps de paix.

Cette fois, selon la Banque mondiale, les dommages sont auto-infligés par les élites politiques et économiques, qui mènent le pays directement à la catastrophe.

La livre libanaise a perdu 90 % de sa valeur, l’inflation culmine à plus de 80 % et un nombre croissant de Libanais peine à se nourrir dans un pays qui exporte pourtant des denrées alimentaires. Même avant la pandémie, qui a mis à mal le secteur touristique et fait disparaître beaucoup d’emplois, le pays souffrait d’un taux de chômage élevé.

Des politiques au cœur du problème

Les problèmes sont multiples. Par exemple, le Liban subventionne les importations de biens jugés essentiels, comme l’essence et les médicaments, ce qui favorise la population la plus riche. Cette politique, qui coûte 287 millions US (347 millions CAN) selon l’estimation de la Banque mondiale, est en train de vider la réserve de devises étrangères de la banque centrale.

L’an dernier, le pays a cessé de payer les intérêts sur ses emprunts en devises étrangères, ce qui a eu pour effet de le couper des sources de financement internationales. La situation s’est détériorée au point où le pays n’a plus les moyens de payer en devises pour l’approvisionnement de ses centrales électriques et l’entretien de son réseau d’eau potable. Les tensions sociales s’accroissent et menacent de faire sombrer le pays dans l’anarchie.

Les solutions qui permettraient de remettre l’économie sur une meilleure trajectoire sont connues. Elles ont même été promises depuis longtemps à la population, notamment par le président de la République, Michel Aoun, 88 ans, en poste depuis 2016. La Banque centrale du Liban, au cœur du chaos monétaire, a le même gouverneur, Riad Salamé, depuis 28 ans.

Si rien ne change, c’est que le système actuel profite encore à certains. Pas pour longtemps, prévient la Banque mondiale.

Le pays n’a plus de gouvernail depuis la démission du premier ministre quelques jours après l’explosion au port de Beyrouth. Son remplaçant nommé par intérim ne parvient pas à former un gouvernement et s’occupe tant bien que mal des affaires courantes.

Une élection est annoncée pour quelque part en 2022, mais en attendant, toutes les discussions sur une éventuelle aide internationale, dont celle du FMI, sont suspendues.

Le naufrage du Liban se passe dans l’indifférence générale, mais des alliés traditionnels du pays s’en préoccupent encore. La France et son président, Emmanuel Macron, tentent d’aider le pays à se doter d’un gouvernement prêt à entamer les réformes nécessaires, sans trop de succès jusqu’à maintenant.

Signe que la situation est peut-être désespérée, le Vatican a aussi décidé de s’y mettre. Le 1er juillet, le pape François recevra les responsables des communautés chrétiennes du Liban « pour évoquer la profonde crise que traverse le pays », a fait savoir Vatican News. Ça ne peut pas nuire, mais il faudra plus que des prières pour le salut du Liban.