Les Rôtisseries St-Hubert pourraient manquer de poulet rôti si le conflit entre les 525 travailleurs de l’usine de transformation de volaille de Saint-Anselme et la direction d’Exceldor coopérative perdure.

St-Hubert, dont 123 restaurants sur 126 au Québec seront complètement ouverts la semaine prochaine, pourrait ne pas avoir une quantité suffisante de poulet rôti pour répondre à la demande de ses clients, selon Josée Vaillancourt, directrice, communications et Fondation St-Hubert. « Ça pourrait aller jusque-là, si le conflit perdure. »

Avec l’ouverture des terrasses la semaine dernière et celle des salles à manger à Laval et Montréal lundi, l’approvisionnement en poulet est devenu un véritable casse-tête pour des restaurateurs depuis le déclenchement d’une grève dans l’une des plus importantes usines d’abattage de volaille au Québec, le 23 mai.

Craignant de ne pouvoir répondre à la demande, certains envisagent de promouvoir d’autres plats sur le menu. Le prix du mets emblématique de plusieurs chaînes pourrait aussi augmenter. Les croquettes et autres produits de poulet sont également menacés, prévient Exceldor. C’est que, en raison du conflit à l’usine d’abattage de Saint-Anselme, où on produit différentes découpes de poulet cru — entier ou en pilon —, les activités d’autres installations de l’entreprise, comme celles de Saint-Bruno-de-Montarville, sont au ralenti. Cette usine attend de recevoir le poulet qu’elle pourra ensuite transformer en croquettes, ailes et poitrines assaisonnées précuites.

Selon le syndicat des Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce (TUAC), les salaires et les assurances comptent parmi les principaux points de mésentente. Les négociations sont dans une impasse, confirment les deux parties. Exceldor affirme que, depuis le début du conflit, près de 200 000 poulets ont été euthanasiés, faute de pouvoir être transformés, et 300 000 autres s’ajouteront d’ici la fin de la journée dimanche. L’entreprise, dont l’usine de Saint-Anselme, dans Chaudière-Appalaches, transforme 1 million de volailles par semaine, calcule que près de 400 000 poulets seront euthanasiés sur une base hebdomadaire, s’il n’y a pas de règlement.

Environ 40 % de nos restaurants sont approvisionnés par Exceldor. Par contre, ceci touche 100 % de nos restaurants puisque nous devons [équilibrer les stocks] tous les jours afin de nous assurer de protéger les approvisionnements de toutes nos rôtisseries pour ne pas manquer de poulet frais.

Josée Vaillancourt, directrice, communications et Fondation St-Hubert

Les produits transformés ne viennent toutefois pas d’Exceldor.

Éventuellement, la chaîne pourrait tenter d’inciter ses clients à opter pour ses côtes levées ou sa guédille au homard, par exemple. « On va s’assurer d’avoir des approvisionnements de nos autres articles sur notre menu en plus grande quantité », ajoute Mme Vaillancourt.

D’autres rôtisseries s’acharnent aussi à trouver des moyens d’avoir suffisamment de poulet. « J’ai hâte que ça finisse. C’est un cauchemar », lance Peter Mammas, président de Foodtastic (Au Coq, Benny).

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LAPRESSE

Peter Mammas, président de Foodtastic (Au Coq, Benny)

Près d’une douzaine de ses restaurants s’approvisionnent chez Exceldor. S’il a réussi à dénicher de la volaille chez d’autres fournisseurs, celle-ci n’arrive pas toujours prête à embrocher et à cuire dans le rôtisseur. M. Mammas a donc attribué à quatre personnes à temps plein la tâche de préparer le poulet avant qu’il soit cuit. « J’ai aussi deux personnes à temps plein qui cherchent du poulet », dit-il.

Mercredi, le patron de Foodtastic craignait de ne pas trouver de volaille pour la semaine prochaine. Dans pareil contexte, il souligne que le prix du produit qu’il achète a augmenté de 10 %. « Pour l’instant, on garde les mêmes prix [pour les clients]. On espère que ça se règle. » Sinon, les consommateurs pourraient voir leur facture augmenter, reconnaît-il.

« Nous avons trouvé des solutions temporaires avec de nouveaux fournisseurs et nos fournisseurs actuels, mais il s’agit de solutions à très court terme », affirme par courriel Nicolas Filiatrault, vice-président, finances et administration, de Benny&Co.

Sans une offre locale de transformation de volailles, la situation actuelle va créer des impacts majeurs pour notre entreprise, et ce, dès la semaine prochaine. On espère un dénouement rapidement, surtout en considérant le contexte économique qui est plus particulier.

Nicolas Filiatrault, vice-président, finances et administration, de Benny&Co

Du côté d’Olymel, qui possède deux usines d’abattage de volailles au Québec, on confirme que la demande est plus grande depuis le début du conflit chez Exceldor. Difficile, toutefois, pour l’entreprise de répondre à toutes les demandes puisque, en temps normal, Olymel n’a jamais de poulets en surplus, explique le porte-parole Richard Vigneault.

Intervention du gouvernement

« On veut dénouer cette impasse-là », assure Jordan Ouellet, conseiller, communication et relations publiques, chez Exceldor. « Les derniers échanges entre les parties patronale et syndicale remontent [au 25 mai]. La rencontre a duré 6-8 minutes. L’offre patronale était finale et globale. C’est pour ça qu’on interpelle aussi le gouvernement pour voir s’il y a moyen de faire une loi spéciale ou quoi que ce soit, en nous considérant comme service essentiel comme ç’a été le cas par le passé. »

Il va assurément y avoir une rareté si ça perdure plusieurs semaines. Peut-être, éventuellement, que ça pourrait mener à une hausse du prix de la volaille.

Jordan Ouellet, conseiller, communication et relations publiques, chez Exceldor

Près de 40 % des ventes de volailles d’Exceldor sont destinées aux restaurants.

« [La situation en restauration] devrait faire une pression sur l’employeur pour qu’il vienne s’asseoir à la table de négociation, répond Roxanne Larouche, porte-parole des TUAC. Ça se joue à deux, tout ça. Si l’employeur avait été à l’écoute de ses travailleurs, on n’en serait pas là aujourd’hui. La façon la plus rapide de faire revenir les travailleurs, c’est que l’employeur s’assoie à la table de négociation de bonne foi. »

Interpellés dans ce dossier, les ministres du Travail, Jean Boulet, et de l’Agriculture, André Lamontagne, disent souhaiter un règlement du conflit. « En vertu du droit actuel, les activités de l’entreprise ne sont pas assujetties au maintien des services essentiels, rappelle le cabinet du ministre Boulet. Conséquemment, il est important que les parties concentrent toutes leurs énergies à la table de négociation, car c’est à cette même table que se réglera ce conflit. »