L’industrie du taxi aura cinq mois supplémentaires pour doter ses véhicules d’un système d’enregistrement des ventes (SEV). Prévue ce mardi, l’entrée en vigueur de la mesure a été repoussée au 1er novembre. Une décision accueillie favorablement par le milieu, qui dit avoir peiné à obtenir des codes d’autorisation auprès de Revenu Québec au cours des dernières semaines.

Alors que Québec a justifié sa décision par les retards provoqués par la pandémie de COVID-19 chez les fournisseurs responsables de l’approvisionnement d’équipements comme des tablettes numériques et des imprimantes, certains acteurs de l’industrie estiment qu’un autre facteur a aussi pesé dans la balance.

« La demande a été tellement forte dans le dernier mois et demi pour avoir ces codes d’autorisation », a expliqué Luc Selesse, directeur de Coop Québec, qui compte environ 450 véhicules sur les routes. « Depuis plusieurs semaines, des membres m’appelaient en me disant qu’ils attendaient toujours même s’ils avaient transmis leur demande depuis longtemps. On a appelé le gouvernement pour mettre de la pression. »

Ce code d’autorisation, qui doit être obtenu en envoyant un formulaire à Revenu Québec, est nécessaire pour faire le lien avec l’agence gouvernementale et permettre à un chauffeur d’arriver à transmettre les informations de facturation après une course.

Par courriel, l’agence gouvernementale a expliqué que, jusqu’à présent, 80 % des demandeurs avaient opté pour le formulaire papier afin d’obtenir le code, ce qui a eu pour effet « d’allonger les délais de traitement ». De plus, le service en ligne s’est retrouvé en pause forcée entre le 18 et le 28 mai en raison de pépins techniques.

Cela n’a toutefois eu « aucune incidence » sur le report de l’entrée en vigueur des obligations, a précisé Revenu Québec, en réitérant que la décision était attribuable aux « problèmes d’approvisionnement » d’équipement.

« Plusieurs chauffeurs étaient mal pris (sans code), et ce report leur donnera un peu de répit », a expliqué Nerva Clerveau, directeur intérimaire de Taxi Coop de L’Est, au bout du fil. « Le processus semblait bloqué. »

L’implantation du SEV dans les taxis était l’une des nombreuses mesures prévues dans la Loi concernant le transport rémunéré de personnes par automobile présentée en mars 2019 et qui a redéfini les paramètres de l’industrie du taxi. Le système d’enregistrement des ventes doit notamment permettre à chaque client d’obtenir une facture obligatoire, comme c’est le cas dans les restaurants et les bars. La mesure, qui avait fait l’objet d’un projet-pilote, visait à encadrer l’industrie du taxi en matière de fiscalité.

Revenu Québec estimait en 2017 qu’environ 72 millions de dollars lui échappaient annuellement — une donnée que réfutait l’industrie.

Uber a fait valoir, dans une déclaration envoyée par courriel, que les modifications annoncées par Québec ne changeaient rien pour l’entreprise, qui s’« assure d’une remise complète de toutes les taxes facturées par les chauffeurs » qui utilisent son application.

En date du 24 mai, Revenu Québec avait reçu 3780 inscriptions, et 1767 exploitants avaient déjà commencé à lui transmettre des transactions.

Aide prolongée

Bien au fait des entreprises qui éprouvent des difficultés à se procurer l’équipement électronique nécessaire pour équiper leurs voitures dans un contexte où la crise sanitaire a fait bondir la demande pour cette catégorie de produits, M. Clerveau a expliqué que les commandes avaient été passées depuis « longtemps » chez Taxi Coop de L’Est, qui chapeaute environ 300 véhicules.

« C’est grâce à cela que nous n’avons pas eu de problèmes », a-t-il dit.

Quatre concepteurs — Synerdev, Fraxion, TaxiCaller Nordic et Paxi Technologies — dont les plateformes sont compatibles avec les exigences entourant les SEV sont certifiés par Revenu Québec.

L’industrie du taxi ayant obtenu plus de temps, la subvention pouvant atteindre 790 $ pour chaque personne admissible qui doit acheter de l’équipement informatique sera offerte jusqu’au 31 octobre.

M. Selesse, dont la voiture est déjà équipée d’un SEV, a commencé à remettre des factures à ses clients afin de pouvoir obtenir son remboursement qui, estime-t-il, ne couvre pas la totalité des dépenses.

« J’ai payé en tout 859 $, a-t-il dit. Le système doit fonctionner pour avoir la subvention. On en a besoin. Pour mon taxi, les revenus sont en baisse de 54 % depuis le début de l’année. On avait entre 6000 et 8000 appels par jour à Québec. C’est rendu à 3000. »

Sur son site web, Revenu Québec estime que la subvention de 790 $ doit couvrir, « dans plusieurs cas », la « totalité des frais d’acquisition du matériel ». Le coût du programme est estimé à 5 millions.