Sur les routes du Québec, le nombre d’accidents avec blessés ou morts a tellement diminué en 2020 que la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) peut se permettre de faire un cadeau inédit aux automobilistes. Ce bilan avantageux nous permettra-t-il aussi d’économiser sur nos assurances auto ?

La SAAQ nous a appris la semaine dernière que le nombre de personnes accidentées avait reculé de 33 % par rapport à la moyenne des cinq années précédentes. C’est une amélioration marquée.

En toute logique, les réclamations auprès des assureurs de dommages devraient donc avoir suivi la même courbe vers le bas.

De fait, le bilan du Groupement des assureurs automobiles ressemble à celui de la SAAQ. L’an dernier, 507 919 sinistres ont été déclarés aux assureurs, ce qui constitue une baisse appréciable de 27,4 %.

Les indemnités versées ont pour leur part diminué de 20,6 % pour atteindre 2,4 milliards de dollars.

Et la tendance semble se poursuivre cette année. Desjardins a dévoilé jeudi dernier une hausse de 513 millions de dollars de ses excédents avant ristournes au trimestre clos en mars. Ce bond s’explique notamment par « une sinistralité moins importante en assurance automobile ».

Or, il ne faut pas se faire d’attentes, affirme Louis-Thomas Labbé, président et chef de la direction de GPL, un cabinet indépendant en assurances de dommages. À son avis, les primes vont continuer d’augmenter. Parce que les routes sont à nouveau bondées. Parce qu’on ne conduit pas mieux. Et parce qu’un rattrapage était nécessaire.

« La concurrence est féroce entre les assureurs depuis 8, 9, 10 ans. Portez attention : à la radio, à la télé, sur les panneaux, il y a des publicités partout. Alors les prix ne sont pas exagérés, ils dépendent des réclamations. […] Depuis 24 mois, il fallait qu’ils corrigent le tir, alors la tarification est partie à la hausse », rapporte l’expert.

C’est aussi l’avis du Bureau d’assurance du Canada (BAC), qui parle d’un marché « en redressement ».

« Les primes exigées servent à payer les sinistres futurs et les montants demandés n’ont pas suffi au cours des dernières années, exception faite de 2020 ; 2020 demeure une année exceptionnelle qui n’est certainement pas le reflet de ce qui nous attend », indique la porte-parole Pauline Triplet.

De 2015 à 2019, selon le BAC, l’industrie de l’assurance automobile au Québec a déclaré des pertes de 1,2 % à 6,5 %.

Aussi les assureurs jugent-ils avoir déjà donné un répit aux automobilistes. Un rabais a été consenti à ceux que la pandémie avait transformés en télétravailleurs. Certaines compagnies d’assurance ont même élargi leur politique.

Beneva (née de la fusion de SSQ Assurance et de La Capitale), par exemple, a offert une réduction de prime de 20 % à tous ses clients, « qu’ils aient ou non réduit le kilométrage qu’ils parcourent habituellement ».

Attention, le renouvellement du « rabais télétravail » n’est pas toujours automatique. Appelez votre assureur ou votre courtier pour le réclamer.

***

À l’intention des automobilistes frustrés par les hausses de primes, Louis-Thomas Labbé souligne que les voitures sont de plus en plus sophistiquées, avec leurs capteurs en tout genre et leurs caméras. Ces nouvelles technologies font exploser le coût des réparations.

En 2020, le coût moyen des sinistres s’est chiffré à 4744 $, en hausse de 9,3 % par rapport à l’année précédente, confirme le BAC.

Ainsi, de 2015 à 2019, le coût total des sinistres au Québec a bondi de 35 %. Pendant ce temps, les primes ont augmenté de 27 %.

« Sur une période de 10 ans, la différence est encore plus grande : la prime a augmenté de 23 % alors que le coût des sinistres a augmenté de 67 % », ajoute Pauline Triplet.

Si le BAC ne se prononce pas sur le prix éventuel des primes, Louis-Thomas Labbé s’attend de son côté à une stabilisation des prix dès 2022. Tout comme Beneva, qui prédit « une certaine stabilité des taux ».

***

Chose certaine, notre bilan routier amélioré – ainsi que la surperformance de la Caisse de dépôt et placement – nous permettra, en 2022 et 2023, de payer notre permis de conduire beaucoup moins cher.

Pour la première fois de l’histoire du régime public d’assurance automobile, qui remonte à 1978, nous n’aurons pas un sou à payer sur notre permis de conduire pour bénéficier de l’assurance de la SAAQ.

Cette année, le permis coûte 87,28 $, ce qui comprend 63,93 $ pour l’assurance qui indemnise les victimes de la route.

En deux ans, l’économie pour les automobilistes frôlera donc les 128 $ par rapport au tarif actuel. Selon Québec, le rabais atteint plutôt 184 $, son calcul tenant compte des tarifs d’assurance qui étaient prévus, mais qui ne se concrétiseront jamais.

La facture d’immatriculation diminuera aussi, d’environ 9 $ par année, puisqu’elle inclut une somme pour l’assurance.

Moins d’accidents, de blessés, de vies brisées et une assurance gratuite pendant deux ans. On a vu pire scénario. Reste à voir le jeu des compagnies d’assurance de dommages.