Le CP s’accrochera-t-il ou décrochera-t-il ? La question se pose toujours après l’annonce, jeudi soir, que le transporteur ferroviaire Kansas City Southern mettait fin à son accord de fusion avec le Chemin de fer Canadien Pacifique, dont l’offre était inférieure aux 33,6 milliards proposés par le CN.

Bien que le Canadien Pacifique (CP) ait répété vendredi qu’il ne renchérirait pas, sa décision finale, qui doit être rendue avant l’échéance du 21 mai à 17 h, sera lourde de conséquences, et d’aucuns croient que la partie n’est pas encore jouée.

Confirmant son changement d’aiguillage, la compagnie Kansas City Southern (KCS) a annoncé au CP qu’elle accrochait sa destinée à la locomotive du Canadien National (CN), après avoir déterminé que l’offre de celui-ci constituait « une proposition supérieure ».

Aux termes de l’accord annoncé jeudi soir, le CN, dont le siège social est situé à Montréal, paiera 200 $ US en espèces et 1,129 action du CN pour chacune des 90,9 millions d’actions de Kansas City Southern, une bonification de l’offre de 1,059 action de sa proposition initiale du 20 avril.

Le CN, qui assumera 3,8 milliards US de dette de KCS, a accepté de rembourser à KCS les frais de résiliation de 700 millions que celle-ci devra verser au CP.

Les actionnaires de Kansas City Southern, qui doivent approuver la transaction, devraient détenir 12,6 % de la société fusionnée.

« La question clé à ce stade-ci est : que va faire le CP ? », demande l’analyste Benoit Poirier, de Valeurs mobilières Desjardins, dans une courte note. « Sur la base de nos calculs, une offre équivalente est réalisable. »

De son côté, l’analyste Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale, estime qu’une contre-offre du CP provoquerait une surenchère du CN, un jeu dans lequel le Canadien Pacifique refusera d’être entraîné.

« En tant que tel, le CP est peut-être content de voir KCS résilier son accord de fusion, ce qui lui permet de percevoir les 700 millions US de frais de résiliation et d’attendre la décision du Surface Transportation Board (STB) au sujet de la fiducie du CN », a-t-il suggéré dans un rapport. Pour l’instant, le CP campe sur ses positions, en espérant que les autorités réglementaires américaines refuseront la fiducie avec droit de vote proposée par le CN.

Un veto potentiel

Le Surface Transportation Board, préoccupé par le maintien de la concurrence sur le territoire américain, avait déjà approuvé le 6 mai dernier une proposition similaire du CP. « À notre avis, il existe de plus grandes inquiétudes potentielles de concurrence avec une combinaison CN-KCS qu’avec une combinaison CP-KCS », a souligné Cameron Doerksen.

L’offre bonifiée du CN « ne fait que souligner la reconnaissance par le CN des importants risques et des importantes difficultés en matière de réglementation qui sont associés à son offre anticoncurrentielle », a indiqué le CP, par voie de communiqué. « Nous pensons que l’accord négocié entre le CP et KCS est la seule véritable combinaison de classe 1 de bout en bout qui soit dans l’intérêt des expéditeurs et des collectivités nord-américains. »

Le 21 mars dernier, le Canadien Pacifique avait annoncé un accord de 25 milliards US pour la prise de contrôle du réseau ferroviaire américain, qui s’étend dans le sud des États-Unis et au Mexique.

Le 20 avril, le CN avait à son tour fait une proposition, qui établissait alors la valeur de l’entreprise à 33,7 milliards US.

Les réseaux du CN et de Kansas City Southern se chevauchent en Louisiane entre Baton Rouge et La Nouvelle-Orléans, soit 1 % du réseau total, ce que le CN ne tient pas pour un obstacle significatif.

Les titres des trois protagonistes ont baissé vendredi.

Celui du CN s’est contracté de 3,7 %, à 130,07 $, alors que le CP subissait une légère compression de 0,5 % à 97,01 $, au terme d’une première séance après un fractionnement d’actions.

Le titre de Kansas City Southern a perdu 1,4 % à la Bourse de New York, pour entrer en gare à 309,01 $ US.

Avec La Presse Canadienne