Dans 67 % des cas, les traitements contre la dépression sont inefficaces au premier essai. La jeune pousse montréalaise Aifred Health a créé une plateforme permettant aux médecins de famille et aux psychiatres de prescrire le meilleur remède plus rapidement.

En juin prochain, Aifred Health pourrait remporter le concours IBM Watson AI, qui souligne son innovation en intelligence artificielle dans le milieu de la santé. La jeune pousse est l’une des trois finalistes, aux côtés d’équipes d’Israël et des États-Unis, pouvant mettre la main sur un prix de 3 millions de dollars américains.

Néanmoins, avec ou sans ce gain, Aifred, fondée en 2017 par des diplômés de l’Université McGill et propulsée notamment par le programme Startup en résidence, de Desjardins, est sur son erre d’aller dans la résolution d’un problème de taille dans les traitements contre la dépression.

Alors que les patients dépressifs trouvent rarement au premier essai la médication adéquate pour enrayer leur souffrance, Aifred vient en aide aux médecins de famille et aux psychiatres pour mieux déterminer le traitement approprié.

C’est un sujet cher à mon cœur, car mon jeune frère a souffert de dépression majeure avec psychose. Il a été très malade pendant très longtemps. Il a fallu 10 ans pour le stabiliser. Les allers-retours avant de trouver la bonne médication sont douloureux pour les patients et leur famille. J’en sais quelque chose !

Marina Massingham, PDG d’Aifred Health

Aifred a ainsi fait intervenir l’intelligence artificielle dans l’élaboration d’un outil destiné aux médecins et à leurs patients. Ses utilisateurs se fient à des données sociodémographiques et comportementales (âge, genre, niveau d’études, origines, etc.) pour déterminer un traitement approprié. « Elles peuvent aider à prédire une réponse pour un patient donné à un traitement donné, explique Marina Massingham. Ce sont des données très prédictives, car il n’y a pas de biais. On ne prend pas les habituelles informations médicales, souvent colligées de façon standardisée. »

Le long chemin vers l’approbation

Aifred a amorcé sa collecte de données en Amérique du Nord et en Europe il y a trois ans. La jeune pousse s’est rapprochée, en cours de route, d’établissements comme l’Institut universitaire en santé mentale Douglas et l’Hôpital général juif, en plus de médecins de famille pour ses premiers tests. « Le produit n’est pas approuvé, dit Marina Massingham. On a fait une étude l’automne dernier. Les médecins ont aimé utiliser l’outil, particulièrement pendant la [pandémie de] COVID-19. Le patient était plus engagé dans ses traitements. Ça a dirigé les médecins vers des traitements différents auxquels ils n’auraient pas pensé autrement. Là, on se sent prêts pour une grande étude clinique. »

Celle-ci fera appel à 350 patients, à l’automne, dans l’espoir de faire approuver l’outil, notamment par Santé Canada et la Food and Drug Administration aux États-Unis, et d’officialiser plus de fonctionnalités. « On a assez d’argent [récolté notamment lors de deux tours de financement en 2019 et en 2020] pour la faire, dit Marina Massingham. La grande étude clinique ne dépend pas du prix de 3 millions. »

Actuellement, l’outil permet au patient de remplir un questionnaire. Une fois les données analysées, le médecin peut être guidé sur l’état de la maladie et la façon de la traiter, par la médication ou la psychothérapie, notamment. L’approbation de la plateforme d’Aifred permettrait en plus de préciser une médication.

« J’aimerais que ça devienne une façon reconnue de traiter les patients au Canada et dans le monde, dit Marina Massingham. Il y aura des différences dans la population. Déjà, les données couvrent un large groupe, mais il en faudra plus, de la population asiatique, par exemple, car la réponse va être différente. Dans notre grande étude clinique, on recherche la diversité, car on veut s’assurer que l’outil est utilisable par le plus grand nombre. »

Si tout se passe comme souhaité, l’outil pourrait être offert à l’été 2022 au Canada et en 2023 aux États-Unis.