(Ottawa) Le gouvernement canadien a signalé pour la première fois qu’il serait des négociations visant la levée des brevets sur les vaccins contre la COVID-19, sans toutefois aller jusqu’à appuyer clairement le principe.

La ministre du Commerce international, Mary Ng, en a fait l’annonce lors de la période des questions à la Chambre des communes, jeudi.

« Nous participerons activement aux négociations sur la levée de la protection de la propriété intellectuelle des vaccins COVID-19 et sur l’Accord de l’OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce [Accord sur les ADPIC] », a-t-elle déclaré.

« Notre gouvernement a toujours été et sera toujours un ardent défenseur des vaccins COVID-19 équitables, accessibles, abordables, sûrs et qui sauvent des vies dans le monde entier », a ajouté la ministre Ng en réponse à une intervention du chef du NPD, Jagmeet Singh.

PHOTO PATRICK DOYLE, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Mary Ng, ministre du Commerce international

Celui-ci avait exhorté le gouvernement à se joindre au groupe de pays qui veulent entreprendre ce chantier.

« On est dans une pandémie globale. Bien sûr, on doit vacciner toute la population canadienne, mais on a la responsabilité d’aider les gens à travers le monde. Les pays moins nantis ont besoin d’une levée des brevets des vaccins contre la COVID-19 », a-t-il lancé.

« Au lieu de protéger les profits des grandes sociétés pharmaceutiques, le premier ministre s’engage-t-il à appuyer la suspension des brevets ? », a poursuivi le chef néo-démocrate.

Deux motions boudées

Même si les partis se sont chamaillés à coups de motions concurrentes en Chambre, jeudi, tous se disent favorables au principe.

Le chef conservateur Erin O’Toole a écrit à Justin Trudeau pour l’exhorter à « explorer la suspension des protections de la propriété intellectuelle pour les vaccins contre la COVID-19 jusqu’à ce que la pandémie de la COVID-19 puisse être vaincue dans le monde entier ».

Il a publié cette missive après que deux motions allant en ce sens – l’une bloquiste, l’autre libérale – eurent échoué à obtenir le consentement unanime nécessaire à leur adoption.

Celle d’abord déposée par le bloquiste Alexis Brunelle-Duceppe stipulait que la Chambre « salue et appuie la décision du président des États-Unis » et qu’elle demande au gouvernement d’appuyer également cette initiative ».

Après que les « non » émanant des banquettes eurent fait avorter la démarche, l’élu libéral Mark Gerretsen s’est levé afin de proposer une motion dont la mouture allait dans le même sens que les propos de la ministre Mary Ng, soit qu’Ottawa « accepte de participer aux négociations » entourant la levée des brevets.

On a entendu au moins un « non », de sorte que cette démarche a échoué, elle aussi.

Un peu plus tôt, Québec solidaire était parvenu à rallier les élus l’Assemblée nationale derrière une démarche similaire. Une fois que la motion qu’il avait mise de l’avant eut été adoptée à l’unanimité, le député Gabriel Nadeau-Dubois a interpellé Justin Trudeau et les autres chefs fédéraux sur Twitter.

PHOTO TIRÉE DE TWITTER

Washington défend l’idée

Les États-Unis ont suscité une certaine surprise avec leur proposition sur la levée des brevets protégeant les vaccins anti-COVID-19 par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) afin d’en augmenter la production et la distribution dans le monde.

« Il s’agit d’une crise sanitaire mondiale, et les circonstances extraordinaires de la pandémie de la COVID-19 nécessitent des mesures extraordinaires », a déclaré la représentante au commerce des États-Unis, Katherine Tai, dans un communiqué, mercredi.

L’administration [Biden] croit fermement aux protections de la propriété intellectuelle, mais pour mettre fin à cette pandémie, elle soutient la levée de ces protections pour les vaccins contre la COVID-19.

Katherine Tai, représentante au commerce des États-Unis

L’idée a depuis été appuyée par le président de la République française, Emmanuel Macron, ainsi que par le président russe, Vladimir Poutine. La chancellerie allemande n’y est toutefois pas favorable, la protection de la propriété intellectuelle étant « source de l’innovation » et devant « continuer à le rester ».

Il s’agit là du principal argument des pharmaceutiques comme Pfizer et Moderna, qui sont catégoriquement opposées à cette suggestion.

Dans un communiqué publié jeudi, Médicaments novateurs Canada a plaidé qu’une dérogation ne résoudrait pas « les problèmes causés par les barrières commerciales, l’engorgement de la chaîne d’approvisionnement mondiale et les pénuries de matières premières qui influencent l’approvisionnement en vaccins ».

La protection de la propriété intellectuelle « est un élément crucial d’un secteur des sciences de la vie florissant », a ajouté l’association qui représente la voix de l’industrie pharmaceutique canadienne.

En octobre dernier, dans une tentative de pallier l’iniquité vaccinale, l’Inde et l’Afrique du Sud ont déposé à l’OMC, avec l’appui de dizaines de pays, une demande de « dérogation temporaire à certaines obligations » de l’ADPIC.

Avec l’Agence France-Presse