Les entreprises de haute technologie ont insufflé un vent de dynamisme et permis de diversifier l’économie de la Vieille Capitale, déjà fortement ancrée dans le secteur des services, en permettant d’industrialiser la connaissance, selon les mots du maire Régis Labeaume. J’ai profité de mon passage à Québec pour discuter avec trois dirigeants d’entreprises technos qui ont le vent dans les voiles et qui sont au cœur du développement de la nouvelle économie québécoise.

La ville de Québec est reconnue pour la forte concentration d’entreprises du secteur de l’assurance qu’on y trouve, avec les sièges sociaux de SSQ Assurance et de La Capitale qui ont fusionné pour former le groupe Beneva, l’Industrielle Alliance et le groupe Promutuel. Mais les entreprises de technologies émergentes y sont aussi de plus en plus nombreuses et diversifiées.

Il y a deux semaines, l’entreprise Coractive, un fabricant de fibre optique spécialisée, a annoncé un investissement de 34 millions pour la construction d’une nouvelle usine dans le parc technologique l’Espace d’innovation Michelet qui lui permettra de quintupler sa production annuelle.

L’entreprise, fondée à Québec en 1998, est une société dérivée de l’Institut national de l’optique (INO) qui a été rachetée à 80 % par la société chinoise Han’s Laser Technology Industry, en 2016.

« C’est la meilleure chose qui pouvait nous arriver, explique Jean-Noël Maran, PDG de Coractive. Un des fondateurs de l’entreprise est décédé et l’industrie était en pleine consolidation lorsque Han’s Laser a décidé d’investir pour que l’on poursuive le développement de nos nouvelles technologies. »

Les produits de fibre optique que fabrique Coractive sont destinés principalement à l’industrie manufacturière et permettent d’amplifier ou d’atténuer l’intensité de la lumière qui circule sur des réseaux de centaines de kilomètres.

« On est dans la télécommunication optique, on fabrique des lasers à fibre et de la fibre optique qui permet la prise de décision des senseurs installés dans les voitures. Il peut y avoir jusqu’à cinq mètres de fibre optique spécialisée dans chacune des voitures autonomes ou semi-autonomes », précise M. Maran.

L’investissement de 34 millions permettra de hausser la capacité de fabrication de 3000 à 15 000 km de fibre spécialisée par année. L’entreprise exporte 95 % de sa production et emploie 70 personnes, des effectifs qui seront bonifiés d’une trentaine de postes une fois la nouvelle usine en exploitation.

1 milliard de vaccins pour Medicago

Medicago est une autre entreprise de Québec qui a le vent dans les voiles et qui a encore fait parler d’elle il y a deux semaines, lorsqu’on a annoncé que les tests cliniques pour son vaccin contre la COVID-19 étaient passés à l’étude de phase III en Amérique du Nord.

La société biopharmaceutique de Québec est une autre société dérivée, issue en 1999 de la collaboration de chercheurs de l’Université Laval et d’Agriculture Canada en vue de développer des vaccins et des protéines thérapeutiques à partir de la luzerne et de plantes de tabac.

L’entreprise a obtenu des fonds de développement à l’époque de la Société générale de financement et du Fonds de solidarité FTQ avant de devenir une société publique en 2006 et d’être privatisée en 2013, avec l’arrivée de la société pharmaceutique japonaise Mitsubishi Tanabe et du géant Philip Morris comme actionnaires principaux.

« On a une usine-pilote à Québec et une autre commerciale à Durham, en Caroline du Nord, où on a fabriqué des vaccins pour le H1N1 et l’influenza », explique Nathalie Landry, vice-présidente exécutive, Affaires scientifiques et médicales, de Medicago.

« On a développé un vaccin contre la COVID-19 que l’on fabrique actuellement à Durham pendant qu’on est en attente d’une homologation. Le gouvernement fédéral nous a passé une commande pour la production de 76 millions de doses pour la campagne de rappel, on va être prêts », prévient la scientifique.

Medicago, qui emploie 300 personnes à Québec et 200 en Caroline du Nord, s’affaire aussi et surtout à réaliser la construction d’une toute nouvelle usine de vaccins à Québec qui aura une capacité de production de 1 milliard de doses par année, à partir de 2024, ce qui en fera un acteur des ligues majeures.

« Notre vaccin a démontré qu’il produisait des anticorps à un niveau très élevé. Il va se conserver en réfrigérateur et on va pouvoir le déployer partout dans le monde », souligne Nathalie Landry.

La construction de l’usine de vaccins dans le parc technologique d’Estimauville, à Québec, est un projet de 250 millions et a été financée en partie grâce à l’aide financière d’Ottawa, qui a injecté 80 millions pour sa réalisation.

Eddyfi à la conquête

L’expertise de la ville de Québec en optique et en photonique, développée au départ par l’Université Laval et l’Institut national de l’optique, s’est consolidée au fil des ans grâce au rayonnement d’entreprises québécoises internationales comme Exfo ou Optel et d’acteurs émergents comme Leddartech.

Eddyfi est elle aussi une entreprise solidement engagée dans ce qui semble une irrépressible lancée. Active dans le développement d’équipements et de logiciels d’inspection de composants critiques pour les secteurs de la pétrochimie, du nucléaire et de l’aérospatial, Eddyfi a multiplié, au cours des cinq dernières années, les acquisitions et élargi son empreinte industrielle et commerciale à d’autres infrastructures.

« On garde un rythme de croisière de deux acquisitions par année. Avant, on fabriquait des équipements de tests, mais aujourd’hui, on offre aussi le service aux entreprises, ce qui assure une récurrence de revenus », souligne Martin Thériault, PDG et fondateur d’Eddyfi.

L’entreprise de Québec vient tout juste encore d’annoncer mardi matin l’acquisition d’une autre entreprise britannique, Senceive Ltd, un leader mondial des technologies de surveillance sans fil, sa dixième acquisition en cinq ans.

Il y a cinq ans, l’entreprise enregistrait des revenus de 50 millions, alors qu’ils dépassent aujourd’hui les 350 millions à partir de 5 plateformes réparties dans 27 bureaux dans le monde. L’entreprise emploie 1300 personnes.

Appuyée financièrement par la Caisse de dépôt et Novacap, Eddyfi a une valorisation qui surpasse aujourd’hui le milliard de dollars et son PDG envisage maintenant de réaliser un premier appel public à l’épargne pour avoir les moyens financiers de poursuivre ses ambitions. Cette prochaine étape pourrait se réaliser en cours d’année, évalue-t-il.

« On a conclu deux acquisitions importantes au moment même où débutait la pandémie et cela nous a un peu affectés, mais on a enregistré un très bon quatrième trimestre et un excellent premier trimestre. On génère des liquidités », souligne le PDG.

« On est des spécialistes des infrastructures et la Caisse de dépôt connaît bien ce secteur d’activités. On est un joueur de long terme et on veut rester un groupe de propriété québécoise. On est perçus dans le marché comme un bon consolidateur et on veut poursuivre dans cette voie », expose-t-il.

Visiblement, la nouvelle économie a pris racine dans la ville de Québec et ses pousses amorcent leur croissance avec une belle assurance, comme en témoignent ces trois entreprises aux parcours différents, mais qui ont une volonté commune, celle d’aller plus haut.