Je suis toutes sortes de gens sur Instagram.

Pour rire, pour apprendre, pour faire « ah bon » ou « wow ! ». Des artistes, des amies, des journalistes, des chefs, des marques.

Et je suis quelques « influenceuses », dont une médecin de Las Vegas qui a un discours très féministe et me tient au courant d’un certain Zeitgeist américain. En m’apprenant qu’elle doit constamment défendre son choix auprès de son entourage de ne pas avoir d’enfants à 30 ans ou de changer de nom une fois mariée, elle me rappelle ou m’indique toutes sortes de choses sur la société dont elle est issue. Il y a plusieurs mois, elle a parlé de sa vaccination, alors que c’était à peine commencé ici, expliqué ses effets secondaires, le tout entre des recommandations musicales (du country !) et des explications sur sa routine de Pilates et ses choix de carrière…

Intéressant.

Et comme c’est une professionnelle de la santé, je l’ai crue le jour où, répondant à une question d’une internaute, elle a révélé la marque du sérum qu’elle utilise, clé du succès, dit-elle, pour avoir un visage toujours rayonnant.

Sauf que voilà.

Récemment, j’ai remarqué un nom en petits caractères en haut d’une de ses vidéos. J’ai cliqué dessus et compris que ça me menait à un « filtre » qui transforme ses photos.

Plus besoin de sérum, ai-je compris.

Avec un gadget numérique comme ça, tous les visages ont l’air bronzés et satinés.

J’aurais aimé qu’elle le précise avant de nous parler du produit dont elle faisait la promotion. Et ça aussi, j’aurais aimé qu’elle le dise clairement : elle est porte-parole de la marque.

Instagram est truffé de telles histoires, rempli de gens qui présentent produits et services en échange de quelque chose. Et qui ne sont pas toujours parfaitement transparents à cet égard.

Parfois, on leur a simplement fait un cadeau, et pour remercier le donateur, ils en disent plein de bien. Parfois, ils sont carrément payés pour devenir des porte-parole de marques. C’est l’univers des influenceurs.

Au Canada, tous ces liens commerciaux doivent être dévoilés, en vertu des Normes de la publicité.

Mais ici comme ailleurs, ce n’est pas toujours fait très clairement. « Mais ça doit absolument être divulgué », affirme Danielle Lefrançois, porte-parole de l’organisme, qui ne reçoit pas des tonnes de plaintes à cet égard, mais quand même une quantité notable.

À l’influenceur de choisir s’il met #pub ou #ad ou ce genre de précision sous ses photos sur Facebook ou Instagram ou ailleurs.

L’important, c’est que ça soit clair.

PHOTO MARIE-CLAUDE LORTIE, LA PRESSE

Exemple d'une photo de notre chroniqueuse sans filtre Instagram...

Je leur dirais donc, de préférence, d’éviter « merci à la marque machin » et d’opter plutôt pour « ceci est une pub pour la marque truc ».

PHOTO MARIE-CLAUDE LORTIE, LA PRESSE

... en comparaison avec une photo avec un filtre Instagram

Personnellement, ce sont les influenceurs qui sont transparents qui m’inspirent le plus confiance.

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En Norvège, l’influenceuse Janka Polliani – suivie par 166 000 personnes sur Instagram –, une des figures omniprésentes sur le circuit de la mode scandinave et internationale, veut aller encore plus loin pour clarifier les pratiques des influenceurs.

PHOTO FOURNIE PAR JANKA POLLIANI

L’influenceuse Janka Polliani

Elle fait campagne auprès du gouvernement de son pays pour faire adopter une nouvelle règle obligeant à signaler les modifications numériques des images commerciales des influenceurs, donc celles publiées en vertu de leurs contrats avec des annonceurs.

« Ce qu’on veut, c’est que ça soit étiqueté », m’a expliqué celle qui attend la fin du confinement pour aller parler devant le gouvernement à Oslo. Pour le moment, dit-elle, les discussions avancent.

Ça prend des règles parce qu’actuellement, le public est exposé à des images transformées et ne le sait pas.

L’influenceuse Janka Polliani

Pour expliquer son propos, Polliani a publié une vidéo – sur Instagram – où elle montre combien il est facile de modifier une image grâce à des applications hyper conviviales. On n’a plus besoin de connaître les logiciels professionnels pour amincir un visage, effacer des rides, allonger des jambes. Ça se fait en quelques clics.

Et ça crée de fausses images.

Est-ce qu’une telle réglementation devrait être mise en place au Canada ?

Personnellement, je crois que oui.

Parce que les images ainsi transformées ne sont plus vraies.

Et la publicité doit être vraie.

La pub trompeuse, c’est interdit.

« Si on a une pub de fond de teint avec une image où la peau a été retouchée, ce n’est pas du réel », explique Danielle Perreault, des Normes de la publicité.

Mais pour Janka Polliani, ça va plus loin. C’est une question de santé mentale. On doit montrer la réalité au public pour ne pas créer de distorsion dans la perception de notre propre image, source de bien des maux.

J’ai demandé à Mitsou, qui porte aujourd’hui le chapeau d’influenceuse en plus de tous les autres, ce qu’elle pense de cette idée d’identifier ici aussi les images retouchées, et elle trouve exagérée l’idée d’exiger un étiquetage de ces images.

« Va-t-on le faire aussi pour les tomates des publicités des supermarchés ? », demande-t-elle.

J’aurais tendance à dire que oui.

Mais l’animatrice trouve ça irréaliste.

La correction numérique est partout dans nos vies, réplique-t-elle, en commençant par la musique, par exemple. Les voix de nos chanteurs préférés sont corrigées après l’enregistrement. « Est-ce qu’on va demander que ça aussi, ça soit signalé ? »

« Même les photos de Marilyn Monroe étaient retouchées à l’époque », ajoute Mitsou.

« Selon moi, poursuit-elle, la porte de sortie, c’est plutôt la fraîcheur qu’apportent ceux qui n’utilisent pas ces formes de retouches. Et les gens ont faim de ça. »

De naturel. De vrai.