Hausse des ventes de chemises et diminution de la demande pour des pantalons et des jupes. Depuis le début de la pandémie, le comportement des consommateurs surprend parfois les détaillants, comme c’est le cas chez Tristan, où, en raison des réunions virtuelles, les clients ont investi dans leur haut, histoire de bien paraître à l’écran d’ordinateur, au détriment de ce qu’ils portaient… en bas.

« Notre marché cible, ce sont les jeunes professionnels », a expliqué mercredi la présidente de Tristan, Lili Fortin, au cours d’une conférence organisée par le Conseil québécois du commerce de détail (CQCD) portant sur les transformations vécues par les détaillants pendant la crise. « Professionnels voulaient dire, avant 2020, qu’ils travaillent au bureau. Du jour au lendemain, les gens ne portaient plus de vestons, plus de cravates. »

Les travailleurs semblent toutefois se soucier du haut qu’ils portent. En 2020, 70 % des articles vendus par Tristan étaient des chemises, des chandails ou des blouses, contre 59 % en 2019. Seulement pour l’automne 2020, les hauts représentaient 56 % des ventes, contre 45 % pour la même période l’année précédente. La raison ? Pas de restos, pas de sorties, que des rencontres virtuelles, répond Mme Fortin.

« On a rééquilibré notre budget d’achat pour [répondre] aux besoins de la clientèle, a ajouté Mme Fortin, au cours d’une entrevue accordée à l’issue de la conférence. On voit que tous nos meilleurs vendeurs sont vraiment dans les hauts. On garde toujours une partie de notre offre de tailleurs, de complets, mais c’est juste moins important. »

Car selon elle, ce goût pour les vêtements plus chics reviendra en même temps que l’ouverture des tours de bureaux. Impossible toutefois de savoir à quel moment ce phénomène reviendra. « Je ne sais plus, avec la troisième vague… C’est dur, cette gestion dans un contexte aussi incertain. Des vêtements, ça ne se produit pas en trois jours, ni même en trois semaines. C’est difficile de faire de la planification de production à plus long terme. » Rappelons qu’au début de la pandémie, Tristan, qui compte 39 magasins, s’était adaptée en se lançant dans la fabrication de visières de plastique.

Or et diamants en demande

En ce qui concerne l’achat de bijoux, le comportement des consommateurs depuis le début de la crise a aussi surpris Jean-Christophe Bédos, président et chef de la direction de Groupe Birks, qui prenait également part à la conférence du CQCD. Les gens auraient été plus nombreux à opter pour un modèle de montre en or plutôt que pour celui en acier. On sentait également un intérêt plus marqué pour les bijoux en or, plutôt qu’en argent, a-t-il donné en exemple.

« J’ai constaté une chose qui m’a beaucoup surpris : c’est l’augmentation du prix moyen [de chaque facture]. On a vendu beaucoup moins de volume, évidemment. Mais ce qu’on a vendu était plus précieux que ce qu’on vendait avant. Ça, ça bouscule mon imaginaire », a-t-il admis. Groupe Birks exploite 30 magasins au Canada.

En entrevue, M. Bédos a toutefois refusé de révéler le montant moyen des factures en 2020 par rapport à celui de 2019. « Les matières précieuses avaient quelque chose d’éternel, de rassurant comme un refuge, a-t-il expliqué. Les produits en or, les diamants, ces matières précieuses là, ont été des refuges. Parfois, chez certaines personnes, [c’était] une urgence. »

En plus d’évoquer le besoin de se faire plaisir pendant la crise, M. Bédos croit qu’il y a eu un transfert des dépenses. Pour certains, le budget consacré aux voyages ou aux loisirs a été utilisé pour l’achat de bijoux. « Je crois que la notion de “précieux” a changé. Je ne sais pas si elle va durer. Mais pendant l’année 2020, ç’a été assez frappant de voir que les choses précieuses, c’était l’amour de sa famille, de dire je t’aime à quelqu’un qui compte. Et les gens n’ont pas hésité, même en ligne, à dépenser plus pour ça. »