Le gouvernement du Québec a inscrit dans ses documents budgétaires une somme de 18,7 milliards pour la construction des deux lignes du Réseau express métropolitain (REM) par la Caisse de dépôt et placement.

Cette somme, qui apparaît dans le document intitulé Plan québécois des infrastructures (PQI) 2021-2031, représente un écart de 2,2 milliards par rapport au chiffre officiel qui circule, soit 16,5 milliards, pour les deux tronçons : 6,5 milliards pour la ligne de l’Ouest et 10 milliards pour le REM de l’Est.

« La CDPQ Infra travaille présentement sur deux prolongements du REM. Cette somme de 2,2 milliards (et même davantage) sera requise lorsque la décision sera connue », a expliqué par écrit Florent Tanlet, attaché de presse de la présidente du Conseil du trésor, mardi en fin de journée lorsque La Presse a demandé plus d’information sur cet écart de 2,2 milliards.

Le Trésor assure que les 2,2 milliards ne sont pas une provision pour des dépassements de coûts du REM actuellement en construction. Mais impossible de connaître les détails sur les prolongements dont parlent la Caisse et le ministère des Transports. Des prolongements vers Lachine, la gare Via de Dorval, vers Mirabel ou encore Rivière-des-Prairies ont déjà été évoqués, mais rien n’est indiqué dans le document.

On sait par contre que le tronçon Chambly–Saint-Jean-sur-Richelieu a été abandonné. Les projets de Laval et du boulevard Taschereau, sur la Rive-Sud, sont toujours à l’étude. Ces deux derniers projets figurent ailleurs dans le PQI et ne sont pas compris dans les 18,7 milliards du REM.

Vendredi dernier, Harout Chitilian, vice-président, affaires corporatives, développement et stratégie, à CDPQ Infra, s’est limité à dire que c’était au gouvernement d’expliquer son chiffre.

Le ministère des Transports n’a pas donné suite aux questions de La Presse, lundi et mardi, et nous a dirigé vers le Conseil du trésor.

Des questions sur la transparence

« Il y a de gros problèmes de transparence dans la gestion du REM, a commenté Jean-Philippe Meloche, professeur à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal, à qui La Presse a demandé ce qu’il comprenait de cet écart-surprise de 2,2 milliards dans le REM. « C’est sûr que ça va coûter plus cher qu’on nous l’a dit, affirme-t-il. Pour le REM 1 [en cours de réalisation], on le sait déjà. Pour le REM de l’Est, on ne nous a pas dit grand-chose. Ça peut varier beaucoup. »

De son côté, François Pépin, président du conseil d’administration de Trajectoire Québec, groupe faisant la promotion des transports en commun, déplore l’absence complète de détails sur ces 2,2 milliards additionnels en transport collectif. « On aimerait savoir comment 6,5 milliards plus 10 milliards font 18,7 milliards », dit-il, un sourire dans la voix.

« Nous aurions effectivement dû être plus précis dans le PQI et le détailler davantage », reconnaît le Conseil du trésor, dans un courriel.

Délais et augmentations de coûts

En construction, la ligne Brossard–centre-ville–Deux-Montagnes, avec ses antennes vers l’aéroport et Sainte-Anne-de-Bellevue, mesure 67 kilomètres et compte 26 stations. Son coût est annoncé à 6,5 milliards par la Caisse. Quand on tient compte de toutes les contributions des partenaires gouvernementaux, la facture approche les 8 milliards, en incluant la contribution additionnelle des gouvernements pour la gare de l’aéroport qu’Aéroports de Montréal n’est plus capable de payer.

En novembre 2020, la Caisse a annoncé que le REM serait retardé de 18 mois à la suite de la découverte de résidus d’explosifs dans le tunnel sous le mont Royal. L’état de dégradation de celui-ci sous la station de métro McGill exige aussi plus de travaux qu’anticipé. À l’époque, la Caisse parlait d’un minimum de 80 millions à titre de surcoûts. Le patron de la Caisse, Charles Emond, a promis en février une mise à jour complète des coûts et des échéanciers du REM dans les prochaines semaines.

Le secteur de la construction fait face ces temps-ci à une inflation galopante des coûts des matériaux de construction. Récemment, un fabricant de glissières de sécurité s’est inscrit au registre des lobbyistes pour demander au gouvernement provincial de revoir à la hausse les modalités de son contrat en raison de la hausse vertigineuse du prix du bois et de l’acier. Le ministère des Transports lui a offert 14 % de plus, mais le fabricant juge l’offre inacceptable et exige « 25 % + 5 % », lit-on dans le mandat de lobbying.

Le REM de l’Est a fait l’objet d’une annonce officielle en décembre 2020. On parle d’une ligne à deux antennes totalisant 32 kilomètres et 23 stations pouvant être mise en service d’ici 2029. Il y a tout juste trois mois, les coûts de construction du projet étaient estimés à 10 milliards. Le projet prévoit la construction d’un tronçon aérien en plein centre-ville à l’est du boulevard Robert-Bourassa. L’ensemble du chantier du REM constitue le plus important projet de transport collectif de l’histoire du Québec.