Louis Garneau n’est jamais à court de défis. Après avoir été forcé il y a tout juste un an de placer son entreprise sous la protection de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et de compléter sa restructuration financière l’automne dernier, l’ancien coureur cycliste se donne maintenant l’objectif de réaliser l’inscription boursière de Louis Garneau Sports. « Je veux bâtir le prochain BRP ou Couche-Tard du vélo », lance avec conviction l’entrepreneur.

À pareille date l’an dernier, en plein début de pandémie, Louis Garneau m’expliquait en long et en large les difficultés qui l’avaient amené à demander la protection de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. Il venait de licencier quelques mois plus tôt les dernières couturières qui travaillaient pour l’entreprise et la moitié des 80 travailleurs restants du siège social de Saint-Augustin-de-Desmaures.

L’entreprise Louis Garneau Sports venait de traverser trois années difficiles qui ont coïncidé avec la faillite de deux importants clients de même que l’acquisition et l’intégration, en 2018, de Sugoi, le manufacturier de vêtements de cyclisme et de course à pied qui appartenait au groupe montréalais Dorel.

L’entrepreneur ne s’en cache pas. Après avoir aligné 36 années de rêve en affaires, il a vécu 36 mois de cauchemar. Au-delà des problèmes structurels qui minaient son entreprise, il vivait aussi des temps durs sur le plan personnel. « J’étais en burn-out, je n’avais plus d’énergie », confesse-t-il.

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Louis Garneau souhaite inscrire Louis Garneau Sports à la cote de la Bourse de Toronto.

Le recours à la protection des tribunaux a sonné le réveil. Il fallait traverser la crise et, surtout, ne pas abandonner comme à l’époque où il se faisait un point d’honneur de terminer toutes les courses dont il avait pris le départ.

Après s’être entendu avec ses créanciers en septembre dernier, Louis Garneau a annoncé en décembre que la Corporation financière Champlain se joignait au capital de l’entreprise, alors que la Banque Nationale lui accordait une marge de crédit de 10 millions et qu’Investissement Québec lui consentait un prêt de 5 millions, assorti d’un taux d’intérêt de 10 %, précise l’entrepreneur.

Louis Garneau a nommé un nouveau PDG, Jean-Marc Jahoo, qui était vice-président aux opérations et à la chaîne d’approvisionnement, alors que lui se consacre dorénavant au design et au développement.

« On a réglé quatre points fondamentaux. On a rapatrié au Québec les activités de design et de distribution qui étaient réalisées à Vancouver pour Sugoi. On a cessé la production de vêtements à Québec, où on n’était pas compétitif. On a réduit de moitié nos effectifs au siège social et on a haussé de 5 à 10 % les prix de nos produits pour la première fois en cinq ans », résume Louis Garneau.

Résultats des courses, Louis Garneau Sports vient de livrer pour la première fois en cinq ans des résultats meilleurs que ceux qui avaient été budgétés, l’entreprise est redevenue profitable et prévoit de retrouver le niveau de revenus de 60 millions enregistré en 2019.

Le groupe Louis Garneau Sports compte 255 employés, dont 80 au siège social québécois, plus de 125 au Mexique, et le reste dans ses bureaux et ses centres de distribution aux États-Unis, en Europe et en Chine.

La révolution électrique

« On a retrouvé notre agilité. On a instauré de la discipline. On a vendu toute notre collection d’hiver et d’été à nos 40 distributeurs à travers le monde. La pandémie a ravivé l’intérêt pour les sports d’extérieur. On n’avait plus de vêtements de ski de fonds ni de raquettes à vendre. Même chose pour les vélos. On va en manquer cet été », souligne Louis Garneau.

L’entrepreneur souhaite maintenant réaliser le projet de sa vie, soit d’inscrire Louis Garneau Sports à la cote de la Bourse de Toronto. Il se donne deux ans pour y arriver.

Je siège depuis 25 ans au conseil d’administration de Cascades et j’admire la discipline qu’exige une société publique. Je veux amener mon entreprise à concurrencer au niveau mondial, à devenir le BRP ou le Couche-Tard du vélo.

Louis Garneau

« Je ne suis plus seul comme avant. On a une bonne équipe pour y arriver, j’ai des partenaires financiers que je veux récompenser lorsqu’on deviendra une entreprise publique », explique Louis Garneau.

Même s’il est encore majoritaire dans l’actionnariat de son entreprise, l’entente qu’il a conclue avec la Corporation financière Champlain prévoit qu’il pourra racheter ses actions dans cinq ans ou se faire racheter.

Louis Garneau mise sur la popularité explosive du vélo électrique pour transformer la base de revenus de l’entreprise. Le groupe réalise 20 % de ses revenus actuels avec la vente de vélos et 80 % avec les vêtements et accessoires. Le plan est d’inverser les chiffres.

« À l’échelle mondiale, on prévoit que d’ici 2033, les vélos électriques vont être deux fois plus nombreux que les voitures. C’est ce marché-là que l’on veut développer et je pense que les vélos électriques vont représenter 70 % de nos revenus. C’est plus payant de vendre un vélo à 2000 $ qu’un cuissard à 25 $ », constate l’entrepreneur.

À 62 ans, Louis Garneau ne souhaite surtout pas prendre sa retraite. Si Joe Biden peut devenir président des États-Unis à 78 ans, il estime qu’il lui reste de belles années pour poursuivre le développement de l’entreprise qu’il a mise au monde en 1983. Il souhaite surtout encore relever de nouveaux défis.