Je pense que mes enfants commencent à me trouver un peu intense, mais il est vrai que je suis rendue avec six types de poubelles, parfois sept en saison, policées hardiment.

Ti-Mé et moi, on se comprend.

Il y a le contenant pour le compost, où je balance les matières organiques – sauf celles destinées à mes animaux –, qui seront ramassées par la Ville.

Il y a le bac pour les bouteilles et canettes consignées, que je rapporte à l’épicerie, fastidieusement, là où on les reprend. Et j’ai très hâte que les bouteilles de vin, allô, la SAQ, en fassent partie.

Il y a le sac où je mets les papiers qui serviront à allumer des feux, chose de plus en plus rare.

Il y a la boîte où sont placés les contenants de shampooing, les grosses bouteilles de crèmes hydratantes, de savons à main, lavés, qui seront apportés à l’épicerie sans déchets, où j’achète de plus en plus de produits de nettoyage pour moi et pour la maison. (L’idée de jeter ces vaporisateurs de chasse-taches, de nettoyant à comptoir ou de démaquillant me dérange de façon croissante, comme si j’avais été reprogrammée par Greta et compagnie.)

Il y a le bac pour le reste des matières récupérables.

Et il y a la poubelle qui prend tout ce qui ne va pas dans toutes ces autres poubelles.

Je gère ça moi-même. Je surveille. Quand un carton de rouleau de papier de toilette finit à la corbeille traditionnelle, ça m’énerve. Je remets les choses à leur place.

Mais chaque fois que je pars avec mes boîtes qui font « dreligne dreligne » – parfois en auto, je n’en suis pas à une contradiction près – parce que les bouteilles trop nombreuses s’y entrechoquent, je me dis qu’il devrait quand même y avoir une nouvelle façon de faire plus simple, moins énergivore. Qu’entre le charriage d’emballages à la mitaine et la consommation insouciante de contenants délestés à qui mieux mieux, on pourrait bien trouver une solution intelligente conviviale.

Et c’est ici qu’arrive le sujet de cette chronique : Loop.

Loop, la sœur de TerraCycle, Loop l’entreprise qui vient de lancer ses services au Canada, en collaboration avec Loblaw et plusieurs autres marques de produits de supermarché vendues ici.

PHOTO LA PRESSE CANADIENNE

Loop veut permettre aux marques de vendre leurs produits grand public dans des emballages réutilisables.

Loop comme dans « entreprise qui lutte contre les emballages jetables », à ne pas confondre avec Loop les jus de fruits, la bière, etc., l’entreprise montréalaise qui lutte contre le gaspillage alimentaire.

Loop l’anti-emballage jetable a aussi été fondée par un Canadien, mais un Torontois, Tom Szaky, un autre obsédé de la poubelle, qui a décidé différemment de transformer sa passion – d’aucuns diraient obsession – en occasions d’affaires.

C’est à l’Université de Princeton, où il a étudié au début des années 2000, que Szaky a démarré TerraCycle, son entreprise principale. Au départ, TerraCycle était vouée à la commercialisation de vermicompost – de la crotte de vers de terre, un fertilisant ultra riche – produit à partir des déchets de cuisine et vendu dans des emballages faits de bouteilles de plastique recyclées.

Mais après avoir connu un solide succès avec ce projet, Szaky a décidé d’élargir son approche et d’offrir d’autres solutions sur le thème du recyclage improbable de déchets courants, comme les mégots – qu’il transforme en plastiques – ou les couches sales.

Puis, en 2017, il est arrivé avec une autre idée pour une autre entreprise, Loop : mettre en place des systèmes permettant aux marques de vendre leurs produits grand public dans des emballages réutilisables.

« Actuellement, quand on achète du shampooing, par exemple, on achète la bouteille et le shampooing, même si on ne veut pas de la bouteille, car on va finir par la jeter », explique Eric Rosen, porte-parole de la société. « Avec Loop, la marque est propriétaire de la bouteille et ne vend que le contenu. »

PHOTO GEOFF GEORGE, FOURNIE PAR LOOP

Le sac Loop dans lequel sont retournés les bouteilles et contenants réutilisables vides.

Donc on fait l’épicerie en ligne chez Loopstore.ca et les produits sont livrés par FedEx et quand la bouteille de ketchup ou de jus ou le paquet de gruau est vide, on le remet dans le sac Loop, qui sera récupéré par FedEx. Ensuite, tout sera rapporté à l’entrepôt, puis lavé industriellement comme il se doit et redonné aux marques pour qu’elles les re-remplissent.

Eric Rosen ne sait pas encore quand Loop sera offert à travers le Canada et donc à Montréal, mais c’est dans les plans. Pour le moment, l’entreprise est en projet pilote dans la région métropolitaine de Toronto. Cela dit, Loop n’en est pas à ses tout débuts et connaît déjà les défis logistiques du terrain : elle est déjà en France et aux États-Unis depuis 2019 et au Royaume-Uni depuis 2020. Et le plan est de s’installer en Australie et au Japon dans quelques mois.

Est-ce que cette entreprise anti-déchets a une approche holistique ? Ne fait affaire qu’avec des fabricants de produits biologiques ? Fait livrer ses produits en camion électrique ?

On n’est pas rendus là, dit M. Rosen.

Mais il est clair, note-t-il, que les consommateurs demandent des produits qui respectent l’environnement.

D’ailleurs, même si plusieurs des marques partenaires de Loop sont des marques associées à des choix « écolos », style les céréales Nature’s Path ou le lait Organic Meadow, de grands acteurs s’adressant à tous les publics, qui voient bien la demande venir de partout, ont embarqué dans le projet dès le début. On parle ici de géants comme Unilever, Pepsi, Procter & Gamble. Et à côté du café éthique et de la limonade bio, il y a donc aussi le ketchup Heinz, les Chipits et la sauce Frank.

J’avoue que si Loop arrive à Montréal, je vais être très tentée de commander. Le sac livré et récupéré par le livreur deviendrait une huitième destination pour les rebuts, mais avec la certitude tellement agréable pour l’esprit de faire la bonne chose pour l’environnement.

De la livraison électrique et une sélection de produits bio et équitables ajouteraient beaucoup aux arguments pour me convaincre.

Mais bon, il faut commencer quelque part.

Et même si j’adore mes poubelles, j’adore surtout savoir que ce dont je me débarrasse ne va pas au milieu de l’océan ou dans la cour de gens qui n’en veulent pas plus que moi.

Hâte que ça débarque ici.