« J’ai toujours des idées compliquées, farfelues et dures à faire », admet en riant Serge Bohec, grand patron de La Petite Bretonne. Il vend des madeleines au sirop d’érable aux Français et des biscuits dans l’une des plus grosses chaînes de dépanneurs au Mexique. Mais à 73 ans, celui qui s’évertue, depuis 1964, à démocratiser ici les croissants et les chocolatines s’est mis une autre idée en tête : faire en sorte que les Québécois adoptent les madeleines et qu’ils en redemandent.

« Ça m’a pris 56 ans pour faire connaître la madeleine au Québec. Là, je vais créer de la demande », a lancé avec détermination M. Bohec, lorsque La Presse a visité l’une des deux usines de La Petite Bretonne, à Blainville. L’homme qui se rappelle, alors qu’il était tout jeune, avoir préparé des madeleines dans le four de la maison familiale avec l’objectif de les vendre admet que la petite douceur n’est pas, encore aujourd’hui, totalement ancrée dans les habitudes alimentaires des Québécois.

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La Petite Bretonne vend entre 3 et 4 millions de madeleines par année.

Malgré tout, l’entreprise québécoise produit et commercialise déjà le petit gâteau aux œufs en forme de coquillage d’origine française. Elle en vend entre 3 et 4 millions par année. Les sacs de madeleines arborant le visage souriant d’une jeune fille, le célèbre logo de l’entreprise, se retrouvent sur les tablettes des supermarchés aux quatre coins du Québec.

M. Bohec veut tripler ce chiffre. Comment ? En produisant plus de madeleines. « On va créer une demande encore plus forte, explique-t-il. Le volume d’un produit et la réussite d’un produit sont toujours reliés au prix. On va pouvoir mettre la madeleine en spécial. Et pour faire des spéciaux, ça prend du volume. Tu ne peux pas baisser ton prix si tu n’es pas équipé pour produire. Sinon, tu vas manger de l’argent. »

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La Petite Bretonne a décidé de miser sur ses madeleines en investissant 4,6 millions pour mécaniser sa chaîne, ce qui permettra d’en produire 38 000 à l’heure et ainsi de quadrupler ses ventes annuelles.

Voilà pourquoi La Petite Bretonne, qui emploie au total 244 personnes, a décidé de miser sur ses madeleines en investissant 4,6 millions pour mécaniser sa ligne, ce qui permettra d’en produire 38 000 à l’heure et ainsi de quadrupler ses ventes annuelles.

À la fine pointe de la technologie

Lors de notre passage, on s’affairait aux dernières installations de cette ligne sous le regard à la fois fier et impatient de Serge Bohec, qui aspire à être sans cesse à la fine pointe de la technologie. Celle-ci devrait être en fonction à l’usine d’ici quelques semaines et créera 15 nouveaux emplois.

« Je m’étais toujours dit : je mécaniserai la madeleine quand les Européens viendront ici pour vendre [les leurs] », a affirmé le grand patron il y a quelques semaines, lors du point de presse visant à annoncer un prêt du gouvernement fédéral pour réaliser le projet de mécanisation. « Et c’est ce qui est arrivé l’année dernière. Les Européens sont venus vendre des madeleines ici puisque le marché avait été ouvert par La Petite Bretonne. Je me suis dit : c’est le temps d’investir dans une ligne entièrement mécanisée. »

Croissants, chocolatines et danoises

Partout dans l’usine, l’homme nous montre avec un sourire satisfait « ses robots » et machines qui lui permettent de produire en grandes quantités croissants et chocolatines. Plus récemment, il s’est lancé dans les danoises, destinées exclusivement au marché américain et emballées à un rythme de 200 à la minute. En plus de la modernisation de la machinerie pour les madeleines, plusieurs millions de dollars ont été investis dans des mélangeurs et des chaînes de laminage pour les autres viennoiseries.

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Vue de la machinerie de l’usine de Blainville

Serge Bohec se rappelle un passé pas si lointain où le roulage de la pâte à croissant nécessitait 40 personnes, faute de machinerie.

Bien que les madeleines semblent être son dada, dès les débuts de son entreprise, l’homme a dû se résoudre à se lancer dans la production d’autres douceurs.

Au fil des années, quand on fait des madeleines qui ne se vendent pas, pour continuer, il faut trouver des produits qui sont plus populaires.

Serge Bohec, fondateur et président-directeur général de La Petite Bretonne

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La Petite Bretonne fabrique 1 million de croissants par jour qui sont notamment destinés aux marchés québécois, américain et mexicain.

Voilà pourquoi La Petite Bretonne s’est mise aux croissants et aux chocolatines. M. Bohec se targue d’ailleurs d’être le premier à avoir produit un croissant industriel en Amérique du Nord. Aujourd’hui, il en fabrique 1 million par jour qui sont notamment destinés aux marchés québécois, américain et mexicain.

Présence à l’étranger

Rappelons en effet que l’entreprise ne vend pas seulement ses sacs de viennoiseries dans les supermarchés québécois. En plus du Mexique et des États-Unis, ses micro-croissants sont aussi vendus dans les Caraïbes. Beaucoup de ses biscuits, produits à l’usine de Joliette, prennent le chemin du Mexique où ils sont vendus dans la chaîne de dépanneur Oxxo, l’une des plus importantes au pays.

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La Petite Bretonne emploie au total 244 personnes.

Fait intéressant, La Petite Bretonne a même réussi à se tailler une place sur les tablettes du Costco à Paris avec ses madeleines au sirop d’érable. « On ne vivra pas avec [ces ventes-là], admet humblement M. Bohec. Mais au moins, on a réussi. Envoyer un seul paquet dans un pays étranger, c’est ça qui est le plus difficile. Après ça, le reste va suivre. Les contacts sont là. »

« Il faut s’adapter à chaque pays. » Il raconte qu’un jour, son fils a débarqué à Mexico avec des madeleines, dans le but de les faire connaître, mais que le sac a explosé en raison de l’altitude.

L’homme infatigable, qui soutient que son chiffre d’affaires de 40 millions augmentera de 38 % au cours des 12 prochains mois, affirme néanmoins mettre d’abord ses énergies dans ce qu’il appelle le marché de proximité.

« Il faut toujours être présent. On doit d’abord être maître chez soi, avant d’aller ailleurs. Sinon, la journée où ils vont fermer les frontières et qu’on voudra revenir au Québec, il n’y aura rien. On va s’écrouler. Donc, il faut toujours consolider notre chez-soi, c’est très important. »

La Petite Bretonne en bref

Siège social : Blainville
Nombre d’usines : deux (Blainville et Joliette)
Nombre total d’employés : 244
Chiffre d’affaires : 40 millions
Production de croissants : 50 000 à l’heure
Productions de grosses chocolatines : 25 000 à l’heure