(Montréal) En partie propriétaire de l’Eurostar depuis environ cinq ans après avoir injecté 850  millions, la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) voit son investissement confronté à de l’incertitude puisque la pandémie de COVID-19 contraint l’exploitant du lien ferroviaire empruntant le tunnel sous la Manche de tirer la sonnette d’alarme.

La crise sanitaire a provoqué un effondrement du volume de passagers, qui a plongé de 95 % depuis mars dernier, ce qui a incité l’entreprise à lancer un appel à l’aide aux gouvernements britanniques et français.

Même la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) — qui contrôle 55 % d’Eurostar — a reconnu que la situation était critique.

Dans des entrevues accordées à des médias européens, la direction d’Eurostar, dont les trains relient la Grande-Bretagne, la France ainsi que la Belgique depuis 1994, a même évoqué un dépôt du bilan d’ici le printemps. L’an dernier, la société a dit avoir perdu plus de 80 % de son chiffre d’affaires par rapport à celui de 2019, qui avait été de 1,1 milliard d’euros.

Le bas de laine des Québécois, qui a une participation de 30 % dans la société, s’est montré prudent dans ses commentaires, mardi, affirmant suivre la situation « de près ».

« La mobilité entre les villes en Europe est une tendance durable, a indiqué son porte-parole, Serge Vallières, dans un courriel. Comme investisseur institutionnel, on a une perspective de long terme dans nos investissements, bien que des défis peuvent survenir en cours de route. »

Le gestionnaire de régimes de retraite ne s’est pas avancé sur les gestes qui pourraient être posés pour intervenir.

Au moment d’annoncer son investissement, en mars 2015, la Caisse avait estimé qu’elle devenait partenaire d’un « actif hautement stratégique » qui allait générer des « rendements stables et prévisibles ». Selon son rapport annuel pour l’année se terminant le 31 décembre 2019, la valeur du placement de la CDPQ dans cet actif oscillait entre 500  millions et 1  milliard.

La Caisse compte un représentant au conseil d’administration de l’Eurostar. Il s’agit de l’ex-maire de Montréal Denis Coderre.

Pour Jacques Roy, professeur de gestion des transports à HEC Montréal, l’investissement de la Caisse dans l’Eurostar et celui dans l’aéroport Heathrow de Londres font partie de ceux qui sont mis à mal par la crise sanitaire.

Au cours d’un entretien téléphonique, l’expert a également ajouté que le secteur des trains à grande vitesse était confronté à une concurrence féroce.

« Je ne crois pas que la demande va chuter éternellement, a dit M. Roy. Les gens vont vouloir continuer à se déplacer entre le Royaume-Uni, la France et l’Europe. Le marché est là, mais il y a des concurrents, comme les (transporteurs aériens) à bas coût qui sont présents. C’est la menace pour les trains à grande vitesse. »

En 2019, Eurostar avait transporté 11,1 millions de passagers, ce qui représentait une hausse annuelle de 1,7 %. Les données pour la dernière année n’ont pas encore été dévoilées.

Outre la CDPQ et la SNCF, Hermes Infrastructure (10 %) et la Société nationale des chemins de fer belges (5 %) sont les autres actionnaires de l’entreprise.

— Avec des informations de l’Associated Press