Moins d’un an après avoir été annoncée, l’acquisition de Bombardier Transport par Alstom sera officiellement complétée le 29 janvier et le grand patron du nouveau géant industriel n’a qu’un seul regret, celui de ne pouvoir venir célébrer le mariage en personne à Montréal. « C’est dur de se marier sans se toucher », confesse Henri Poupart-Lafarge, qui souhaite néanmoins la bienvenue aux nouveaux équipiers de Bombardier qui vont se joindre à la famille Alstom.

L’intégration de Bombardier Transport par Alstom pourra donc débuter dès le 1er férvier et elle se réalisera, anticipe Henri Poupart-Lafarge, de façon souple et conviviale puisque les deux groupes ont un ADN commun : la passion du transport sur rail et l’innovation dans le domaine de la mobilité durable.

« On ne fait pas cette acquisition pour lancer de grands plans de restructuration industrielle, mais pour augmenter notre capacité d’innovation dans le cadre d’un marché très porteur », m’a expliqué le PDG d’Alstom, mardi, dans une entrevue pour marquer le coup de la naissance du deuxième constructeur ferroviaire du monde.

PHOTO FRANÇOIS LO PRESTI, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Henri Poupart-Lafarge, PDG d’Alstom

En acquérant les activités de Bombardier Transport, Alstom doublera pratiquement ses revenus de 12,4 à 23 milliards de dollars, derrière le géant chinois CRRC et ses 43 milliards, mais devant l’allemande Siemens et ses 11 milliards de revenus annuels. La nouvelle entité Alstom comptera sur un carnet de commandes de 108 milliards et un réseau de plus de 170 usines dans le monde avec 75 000 employés.

« Le mariage de Bombardier et d’Alstom permet de créer un leader mondial qui va offrir les meilleures solutions de transport vert et de mobilité durable à ses clients partout à travers le monde », insiste Henri Poupart-Lafarge.

Malgré la forte empreinte industrielle du nouveau groupe fusionné, le PDG ne prévoit pas de grands chambardements opérationnels puisque les deux entreprises ont développé au fil des ans des activités dans des marchés complémentaires plutôt que concurrentiels.

« Bombardier avait une forte présence en Angleterre et en Allemagne où on était peu présents alors qu’on est forts en Italie et en Espagne où Bombardier n’était pas très active.

« Bombardier était bien implantée en Chine alors que nous, on a une bonne présence en Inde. Même chose en Amérique latine où Alstom est l’acteur dominant alors que Bombardier est bien établie au Mexique et en Amérique du Nord », constate Henri Poupart-Lafarge.

C’est d’ailleurs la position enviable de Bombardier en Amérique du Nord qui fera des installations de Bombardier à Saint-Bruno le siège social des activités des deux Amériques de la nouvelle Alstom.

Le PDG estime également que la meilleure façon d’assurer du travail aux usines québécoises de La Pocatière et de Sorel-Tracy est de mettre au point de nouveaux produits innovants.

« On va nommer prochainement un président du groupe des Amériques et c’est aussi Montréal qui deviendra le centre du développement de la mobilité intelligente [Smart Mobility] verte de tout le groupe Alstom », précise le PDG.

Une pause dans la course à la consolidation

L’acquisition de Bombardier Transport par Alstom va aussi mettre un terme à la course folle à la consolidation dans laquelle étaient engagés les deux groupes ferroviaires depuis des années, convient Henri Poupart-Lafarge.

Avec l’émergence du groupe chinois CRRC, qui s’est imposé comme le plus grand manufacturier de matériel roulant du monde, les autres grands acteurs n’ont cessé de tenter des rapprochements pour mieux affronter la vague chinoise. Alstom et Bombardier ont essayé à plusieurs reprises de se regrouper, puis ç’a été des tentatives entre Bombardier et Siemens et enfin entre Siemens et Alstom.

Henri Poupart-Lafarge a planché durant trois ans sur la fusion avec Siemens qui a été refusée par la Commission européenne, avant de réaliser l’ultime union avec Bombardier.

« Depuis trois-quatre ans, c’est vrai que les projets stratégiques de regroupement nous ont beaucoup occupés. Mais celui entre Alstom et Bombardier Transport s’est conclu en moins d’un an, ce qui peut paraître long, mais qui est court pour une transaction de cette envergure », souligne le PDG.

Toutes les autorités de la concurrence dans les pays où Alstom et Bombardier Transport font affaire ont donné le feu vert. Deux sites industriels ont été exclus de la transaction à la demande de la Commission européenne, une usine d’Alstom en Alsace et une de Bombardier à Berlin.

Si la crise sanitaire induite par l’épidémie de coronavirus a empêché le PDG d’Alstom de venir célébrer officiellement à Montréal le mariage avec Bombardier Transport, il ne pense pas que la COVID-19 mettra en péril l’avenir du développement du transport collectif et de la mobilité durable.

« La crise sanitaire est bien présente, mais elle devrait être vaincue avec la vaccination. La crise climatique, elle, est là pour durer encore bien des années et il faut que les modes de transport deviennent durables, on n’a pas le choix », constate-t-il.

Puisqu’il est question de durée, M Poupart-Lafarge salue encore une fois l’arrivée de la Caisse de dépôt et placement comme nouvel actionnaire de référence du groupe mondial avec sa participation de 18 % au capital de l’entreprise.

« La Caisse est un actionnaire de long terme qui croit au développement durable et avec qui l’on souhaite soumissionner sur des appels d’offres de projets de partenariats public-privé de transport partout dans le monde », anticipe le PDG d’Alstom.