Quatre mois. C’est le délai maximal qui, selon Cogeco, devrait être imposé par le CRTC à Bell pour effectuer les travaux sur ses poteaux de téléphone afin de connecter les régions du Québec à l’internet haute vitesse.

Depuis le printemps dernier, le gouvernement du Québec a mis sur pied une table de concertation avec Bell, Telus et Hydro-Québec pour améliorer l’accès aux poteaux dans le cadre des projets de déploiement d’internet haute vitesse.

Mais le fédéral pourrait bien se mêler aussi du dossier de l’accès aux poteaux de Bell.

Ottawa et Québec ont le même objectif : accélérer le déploiement d’internet haute vitesse dans les régions. Environ 10 % des Québécois (340 000 foyers) n’ont pas accès actuellement à l’internet haute vitesse (50 Mb/s en téléchargement). Afin de brancher ces foyers, il faut parfois faire des travaux sur les poteaux, pour ensuite y passer l’internet haute vitesse. Les locataires de poteaux comme Vidéotron et Cogeco se plaignent des délais pour autoriser et faire ces travaux chez Bell.

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), l’organisme fédéral qui réglemente les télécoms, tient actuellement des audiences sur la question de l’accès à l’internet haute vitesse. Il s’intéresse à la question de l’accès aux poteaux de Bell, et il a demandé des solutions à l’industrie.

Actuellement, la réglementation ne prévoit pas de délai maximal pour que Bell fasse les travaux. « Cette absence de délai [maximal] est un problème critique, puisqu’elle permet à Bell d’agir comme bon lui semble en laissant traîner en longueur la réalisation des travaux préparatoires », écrit Vidéotron au CRTC.

La proposition de Cogeco : un délai de quatre mois (120 jours). Après ce délai, Cogeco propose, à certaines conditions, de pouvoir faire elle-même les réparations sur les poteaux de téléphone de Bell.

La solution de Vidéotron ? Pour les travaux simples, Vidéotron propose un délai maximal de 30 jours. Après ce délai, le locataire (par exemple Vidéotron) pourrait faire lui-même les travaux sur les poteaux, aux frais de Bell (le propriétaire du poteau). Pour les travaux complexes, le délai maximal accordé à Bell serait plutôt de 90 jours (trois mois). Après ce délai, Bell se verrait obligé de prioriser ces travaux complexes. Selon la proposition de Vidéotron, Bell devrait assumer le coût de toutes les réparations sur ses poteaux.

Québecor, qui poursuit déjà Bell pour 12,7 millions de dollars pour pratiques anticoncurrentielles dans le dossier de l’accès aux poteaux, demande aussi au CRTC d’instaurer un processus d’arbitrage accéléré pour gérer les plaintes relatives à l’accès aux poteaux.

Le CRTC doit rendre sa décision plus tard en 2021.

La solution cet hiver, dit Bell

Cogeco et Bell s’entendent au moins sur une chose : les locataires (par exemple une société de télécoms ou une MRC) voulant faire des travaux sur les poteaux de téléphone de Bell devraient pouvoir s’en occuper eux-mêmes.

Au début de février, Bell commencera à autoriser ses locataires de poteaux à faire eux-mêmes les travaux, tant que les travaux et les fournisseurs auront été autorisés par Bell. Cette décision a été prise dans le cadre de la table de concertation.

Dans ce contexte, Bell ne croit pas que le CRTC doive modifier sa réglementation visant l’accès aux poteaux de téléphone.

« Notre priorité est d’accélérer le déploiement des réseaux internet haute vitesse. Considérant tout le travail effectué [avec la table de concertation] depuis mai dernier, l’encadrement réglementaire n’a pas besoin de changer. Ce qu’on veut faire évoluer, c’est la capacité des entreprises à effectuer elles-mêmes les travaux. Avec tout ce qu’on met de l’avant [comme solutions avec la table de concertation], si on n’est pas d’avis que ça améliore l’accès aux poteaux, on devient un peu de mauvaise foi », dit Charles Gosselin, directeur des affaires gouvernementales de Bell au Québec.

Bell s’oppose à ce que le CRTC impose un délai maximal pour étudier une demande ou faire des travaux. « Si un problème de sécurité existe, ce n’est pas le temps qui va le faire disparaître », dit M. Gosselin.

Autre question importante devant le CRTC : qui doit payer le coût des travaux demandés, le locataire qui demande les travaux ou le propriétaire du poteau (Bell) ?

La question de l’accès aux poteaux semble un problème (très) québécois. En 2019, 63 % des demandes d’accès aux poteaux de Bell à travers le pays provenaient du Québec. Bell reçoit environ 100 000 demandes d’accès à ses poteaux par an. Environ 90 % de ces demandes sont autorisées en moins de 55 jours, 6 % d’entre elles sont refusées, et 4 % nécessitent des travaux sur les poteaux. Ce sont ces derniers 4 % qui posent problème et retardent les projets d’accès à l’internet haute vitesse.