Je voyage beaucoup, mais chaque fois qu’on décolle et qu’on atterrit, chaque fois que ça brasse, j’ai peur. Quand même pas mal peur.

Ça a commencé quand j’étais ado. Une mauvaise expérience de vol au-dessus du Liberia, en Afrique, entre le Cameroun où j’étais allée voir un oncle, avec ma famille, et le Sénégal, où on allait finir les vacances. J’ai appris cette fois-là, en regardant les agents de bord et les adultes paniqués, que parfois, oui, c’est risqué de prendre l’avion.

À cela se sont ajoutés avec les années quelques vols difficiles au Canada, dont un en partance de Victoria, par temps extrêmement venteux, ou aux États-Unis, dans un coucou nolisé en allant couvrir la tuerie de Virginia Tech. Avec chaque fois cette même angoissante constante : un pilote ou une autre personne en autorité qui confirme que oui, même si ça s’est bien fini, un risque a été pris qui n’aurait peut-être pas dû l’être.

À un moment, pour pouvoir continuer de voyager, en reportage, j’ai même commencé à prendre des calmants prescrits par un médecin, dont les effets secondaires se sont avérés pires que le remède.

En fin de compte, ce sont des jeux vidéo captant toute l’attention de mon cerveau le temps du décollage ou de l’atterrissage ou de trop fortes turbulences qui ont su le mieux me calmer. Ça et les explications de pilotes, dont Robert Piché lui-même, décortiquant doucement les bonnes raisons de ne pas angoisser.

Plus d’une trentaine d’années après mon premier traumatisme, je prends encore l’avion.

Mais est-ce que je prendrais le Boeing 737 MAX ? Le gros porteur américain cloué au sol depuis mars 2019, après l’écrasement de deux appareils ayant causé 346 morts ? Pas sûre.

Il va falloir que les compagnies aériennes, déjà mises à mal par la pandémie et la chute libre du nombre de voyages et de voyageurs depuis le début de 2020, mettent les bouchées doubles pour me convaincre.

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Cela dit, pour les transporteurs, je suis depuis toujours une cliente qui peut être influencée par de bonnes campagnes de marketing et de stratégies de prix.

J’achète des billets. Souvent. Et je ne suis pas sur le pilote automatique, pour faire ici un jeu de mots un peu nul.

Ce que je veux dire, c’est que contrairement à bien des grands voyageurs qui se déplacent régulièrement pour le boulot, dont les billets sont payés presque les yeux fermés par leurs employeurs, après avoir choisi une compagnie aérienne en particulier avec tous les avantages pour grands voyageurs que cela confère – et donc difficiles à faire changer d’idée –, je réagis aux fluctuations du marché.

Je ne voyage pas en classe affaires, je cherche les bons prix. Mon employeur aussi. Vous ne me trouverez pas dans les salons de voyageurs assidus.

Donc, le bon vieil argument du prix, qui finit toujours par faire flancher les âmes qui aiment bien voyager, malgré toutes leurs peurs aériennes, pourrait, pourra m’influencer.

Et on aura probablement la chance, post-confinement, mauvais souvenirs d’écrasements ou pas, d’avoir droit à de sacrés soldes quand le temps de se déplacer à nouveau arrivera enfin. Les transporteurs n’auront pas le choix. En plus, les vols en 737 MAX ne coûteront probablement pas bien cher.

Mais avis aux agences de pub et autres stratèges qui devront vendre les vols en 737 MAX : ça va prendre de bonnes campagnes pour notre nouvelle double anxiété. Bonne chance.

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Et comment devra-t-on gérer les cyniques ? Bas prix et haute qualité sont rarement synonymes…

Tous ceux qui connaissent les avions avec qui j’ai parlé au fil des années m’ont toujours dit la même chose : lorsqu’on vole, on n’a pas le choix de faire confiance à des professionnels qui savent vraiment ce qu’ils font.

Oui, il y a les anomalies, comme celles qui ont fait que les 737 MAX ont été en exploitation malgré des problèmes qui auraient dû être réglés avant que des centaines de personnes ne périssent.

Mais, de façon générale, quand on sait le nombre d’avions commerciaux qui volent tous les jours partout dans le monde, plusieurs milliers jour après jour après jour, force est de constater que les accidents graves sont peu nombreux.

Donc si la FAA, une référence mondiale jusqu’à la catastrophe du 737 MAX, dit que l’avion peut voler, on devrait lui faire confiance.

Surtout qu’aucun avion ne volera à partir du Canada ou vers celui-ci tant que nos autorités ici ne donneront pas leur feu vert, ajoutant ainsi une autre strate de sécurité.

On peut les croire, on peut les croire, on doit les croire…

Je vous écris et je vois bien que je suis en train d’essayer de me convaincre moi-même.

Et je pense au commentaire que m’a fait suivre un petit rigolo quand je lui ai dit qu’avec une bonne opération de mise en marché et des prix dérisoires, je finirais probablement par être convaincue de prendre la passerelle et d’embarquer.

« Et avec un parachute comme accessoire de base. »

Ouin…