Éric Lachance, le nouveau PDG d’Énergir, le principal distributeur gazier du Québec et du Vermont, entend accélérer l’utilisation du gaz naturel renouvelable (GNR) au cours des 10 prochaines années pour qu’il représente 10 % de la contribution du total des livraisons du groupe. Énergir veut dorénavant privilégier la valeur au volume et participer ainsi plus activement à la décarbonation de l’économie québécoise.

Vous avez été nommé il y a un an nouveau PDG d’Énergir, le principal distributeur gazier du Québec et du Vermont, et vous êtes entré en fonction le 1er janvier dernier pour remplacer Sophie Brochu. Qu’est-ce qui vous a amené à diriger la nouvelle Gaz Métro ?

J’ai passé l’essentiel de ma carrière à la Caisse de dépôt, où j’ai œuvré de 2000 à 2016. J’étais responsable des investissements en infrastructures et j’ai siégé au conseil de Gaz Métro, de 2011 à 2014, avant de partir à Paris pour diriger le portefeuille d’infrastructures de la Caisse en Europe.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LAPRESSE

Éric Lachance, le PDG d'Énergir

C’est à ce moment que Gaz Métro m’a offert le poste de vice-président Finances, que j’ai occupé à partir de 2017 avant de devenir chef de la direction financière pour finalement remplacer Sophie Brochu, en octobre 2019, selon un processus de succession vraiment bien structuré.

Vous êtes arrivé en 2017, l'année où Gaz Métro a été rebaptisée Énergir ; ça tombait bien, non ?

Oui, c’est un nom qui traduit bien les transformations qu’a subies le groupe au cours des 10 dernières années. Gaz Métro avait acquis il y a plus de 20 ans Vermont Gaz, une première entreprise du secteur de l’énergie aux États-Unis. Puis on a fait l’acquisition de Green Mountain Power, un producteur et distributeur d’électricité, et enfin Central Vermont Public Service, un autre distributeur d’électricité.

Parallèlement, on a investi avec Boralex dans le parc éolien de la Seigneurie de Beaupré et on a fait l’acquisition en 2017 aux États-Unis de Standard Solar, un développeur d’infrastructures d’énergie solaire. Énergir résume bien ce que l’on fait, on est dans le secteur de l’énergie et on agit.

Vous avez entrepris une réflexion stratégique sur le positionnement d’Énergir pour l’horizon 2030-2050. Où cette réflexion doit-elle vous mener d’ici 10 ans ?

En distribuant du gaz naturel, on participe à la décarbonation de l’économie en éliminant d’autres alternatives fossiles comme le charbon ou le mazout, mais on doit augmenter les solutions pour réduire notre empreinte environnementale.

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Siège social d'Énergir à Montréal

On a fait des gains avec l’efficacité énergétique, on en fait de nouveaux avec les GNR en utilisant les matières organiques qui se décomposent et qui émettent des gaz que l’on capte et que l’on filtre pour arriver à une carboneutralité.

On va avoir recours à l’hydrogène et laisser la place à l’électricité dans plusieurs secteurs qui sont plus propices, comme celui des transports. Notre réseau de distribution gazier est arrivé à maturité et là on souhaite l’optimiser en misant sur la valeur plutôt que sur le volume.

Comment comptez-vous y arriver ?

Le défi, c’est de développer des offres commerciales nouvelles à même notre réseau, comme le font les entreprises de télécom qui vont offrir des produits à valeur ajoutée via leurs infrastructures.

On veut surtout utiliser davantage le gaz naturel renouvelable que l’on obtient à partir des sites d’enfouissement où les résidus organiques sont transformés par des coopératives agricoles, comme la Coop Agri-Énergie Warwick qui a lancé une usine de biométhanisation. On a plus d’une quinzaine de projets au Québec qui vont démarrer.

L’objectif que l’on vise, c’est que le GNR représente 10 % de notre offre totale d’ici 10 ans. Le potentiel québécois nous permet d’envisager d’atteindre éventuellement 60 % de gaz naturel renouvelable. C’est du gaz qui aurait été émis de toute façon, c’est donc carboneutre.

À terme, d’ici 10 ans, cela implique que vous allez réduire de 10 % vos importations de gaz naturel ?

Oui, puisque notre réseau devrait atteindre sa pleine maturité d’ici un an ou deux. On ne prévoit pas de hausse de la distribution de gaz naturel, c’est donc dire que les GNR vont remplacer au fil du temps nos achats.

Avec votre entrée sur le marché américain et l’ajout de l’éolien, de l’électricité et du solaire, comment se déclinent vos activités aujourd’hui ?

Sommairement, on peut résumer cela ainsi. On tire 50 % de nos revenus du gaz naturel et 50 % de l’électricité, et on réalise 50 % de notre chiffre d’affaires au Québec et l’autre 50 % aux États-Unis.

Quelle est la taille de vos revenus et quels sont les objectifs financiers que vous souhaitez atteindre dans 10 ans ?

Nos revenus sont de l’ordre de 2,7-2,8 milliards, mais les prix du gaz naturel et de l’électricité fluctuent, ce n’est donc pas le meilleur indicateur. On génère 200 millions de bénéfice net par année et la valeur de nos actifs s’élève à 8,5 milliards.

L’objectif est de doubler à plus de 16 milliards la valeur de nos actifs et notre bénéfice net d’ici 10 ans. On va y arriver en réalisant des acquisitions du côté des États-Unis.

Vous êtes maintenant une entreprise privée, détenue notamment par des investisseurs financiers, et c’est la Caisse de dépôt qui est votre actionnaire prépondérant. Qu’est-ce que cela signifie au plan opérationnel ?

On a des actionnaires patients qui sont très friands de projets d’infrastructures. La Caisse de dépôt cherche à réduire l’empreinte carbone de son portefeuille et c’est exactement ce que l’on fait. On a des partenaires qui sont favorables à ce que l’on accélère la décarbonation de nos activités et qui sont prêts à participer au financement de notre expansion.

Dans 10 ans, est-ce que la distribution de gaz naturel va représenter le même pourcentage de vos revenus ?

Cela va dépendre des acquisitions que l’on va réaliser et du secteur dans lequel elles vont se faire. Chose certaine, les prix sont rendus très élevés dans le secteur des infrastructures énergétiques et les attentes de rendement sont à la baisse.

On était auparavant une fiducie de revenus et notre statut a été modifié, mais on assure encore un dividende annuel de l’ordre de 4,5 % à nos actionnaires, ce qui n’est quand même pas mal du tout.