Sitôt annoncé, sitôt contesté. Le projet des dirigeants-actionnaires des Industries Dorel de racheter toutes les actions de l’entreprise pour les retirer de la Bourse en partenariat avec la firme Cerberus Capital, de New York, fait face à une première opposition d’importance.

Il s’agit de la firme montréalaise Letko Brosseau, qui gère 27 milliards en actifs et qui est le principal actionnaire non dirigeant de Dorel avec 13,1 % des actions de catégorie B.

Dans une rare communication publique, Letko Brosseau indique qu’elle entend « voter contre la transaction de privatisation de Dorel » proposée par les actionnaires de contrôle de l’entreprise – quatre dirigeants de la famille Schwartz – et Cerberus Capital.

Letko Brosseau considère que « l’offre proposée est opportuniste et sous-estime considérablement la valeur de la société [Dorel]. » Entre autres, « le prix proposé [à 14,50 $ par action] n’offre aucune prime par rapport au dernier cours de l’action, soit 14,39 $, avant l’annonce de la transaction », indique Letko Brosseau.

Aussi, elle considère que « basé sur les estimés d’analystes, l’offre évalue Dorel à environ seulement 11,3 fois son bénéfice de 2020 et 2 fois les flux financiers par action ».

Enfin, Letko Brosseau affirme que Dorel « a démontré sa résilience pendant la pandémie avec deux de ses trois divisions d’affaires [Dorel Sports et Dorel Maison] affichant des ventes records pendant le deuxième trimestre de 2020 ».

« Pas intéressée à vendre »

En entrevue avec La Presse, le vice-président à la gestion des investissements chez Letko Brosseau, Stéphane Lebrun, a expliqué que sa firme « n’est pas intéressée à vendre présentement » ses actions de Dorel.

« Nous sommes actionnaires de Dorel [pour nos clients] depuis une douzaine d’années et nous avons l’intention de le demeurer pour longtemps encore. D’autant qu’après quelques années difficiles chez Dorel, on pense que l’entreprise a retrouvé beaucoup de potentiel sur le long terme », a indiqué M. Lebrun.

Par conséquent, on pense que ce n’est pas un bon moment pour nous et l’ensemble des actionnaires de Dorel de vendre nos actions à une offre de privatisation alors que l’on commence à voir des signes très positifs parmi plusieurs de ses divisions.

Stéphane Lebrun, vice-président à la gestion des investissements chez Letko Brosseau

Selon le vice-président de Letko Brosseau, « Dorel est devenue une entreprise d’envergure mondiale, qui fait affaire avec de très bonnes marques dans ses gammes de produits [articles pour enfants, bicyclettes de gamme supérieure et mobilier résidentiel] avec les plus grands détaillants dans des dizaines de pays ».

« Certes, ces marchés de Dorel ont été très volatils durant les premiers mois de la pandémie. Mais ils se sont vivement redressés depuis », poursuit M. Lebrun.

Respect pour les dirigeants-actionnaires

Par ailleurs, le vice-président de Letko Brosseau a mentionné que « nous avons beaucoup de respect pour les membres de la famille Schwartz [dirigeants-actionnaires et fondateurs de Dorel] qui ont bâti cette compagnie au cours des années et qui en ont fait un grand succès international.

« Mais le fait qu’ils veulent demeurer actionnaires de Dorel après la privatisation de son capital-actions nous indique qu’ils voient comme nous aussi beaucoup de potentiel pour l’entreprise lors des prochaines années. »

Dans ce contexte, on ne voit pas de raisons pourquoi nous et l’ensemble des actionnaires minoritaires devrions être écartés de cette compagnie alors que son potentiel devient très intéressant sur le long terme.

Stéphane Lebrun

En fin de journée mardi, les dirigeants de Dorel n’avaient pas répondu à l’avis d’opposition de Letko Brosseau. Ils en avaient été informés privément dans les heures qui ont suivi l’annonce de leur projet, lundi.

La prochaine étape de ce projet est attendue avec la finalisation des détails de cette offre de rachat, prévue d’ici le 10 novembre. Entre-temps, les dirigeants de Dorel pourraient profiter de la présentation des résultats du troisième trimestre, le 6 novembre, pour commenter la suite de leur projet.

Selon la réglementation boursière, une transaction de ce type devait d’abord être votée par une majorité des voix parmi les actionnaires minoritaires, avant d’être approuvée par les autorités réglementaires et judiciaires en droit des entreprises.

Les membres de la famille Schwartz détiennent 19,18 % des actions en circulation de Dorel, sur une base de valeur de marché, mais ils contrôlent 60,17 % des droits de vote avec leurs actions à votes multiples.

Le titre de Dorel a gagné 0,8 % mardi à la Bourse de Toronto, à 15,17 $.

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