(Montréal) GardaWorld n’est pas seule à s’intéresser au numéro un mondial de la sécurité G4S : une entreprise américaine dont la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) est le deuxième actionnaire en importance vient de tenter sa chance, ce qui a donné lieu à un échange de reproches entre la multinationale québécoise et la Caisse.

Déposée la semaine dernière, l’offre « hautement conditionnelle » d’Allied Universal Security Services valorise G4S à environ 5,7 milliards CAN et elle a été rejetée, a confirmé mardi la société britannique. Cette somme est néanmoins supérieure à la proposition hostile estimée à 5,2 milliards CAN présentée par GardaWorld à la fin septembre.

Le fondateur ainsi que président et chef de la direction de l’entreprise québécoise, Stéphane Crétier, n’a pas semblé apprécier l’offensive, estimant, dans une déclaration envoyée par courriel, qu’il y aurait des « enjeux insurmontables » pour Allied Universal en matière de concurrence aux États-Unis advenant une transaction.

Il s’est également interrogé sur les motivations de la CDPQ qui appuie une entreprise qui souhaite en acquérir une autre dont les lacunes sont « graves » en matière de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) et qui est sur la « liste noire » de plusieurs gestionnaires de régimes de retraite.

« Nos employés québécois ne peuvent en effet comprendre les raisons qui motivent “leur” Caisse de dépôt à investir dans une entreprise faisant l’objet de nombreux scandales, a fait valoir M. Crétier. Parmi ceux-ci, notons des poursuites liées à de la torture au sein de prisons sous sa gouverne en Afrique du Sud, des paiements versés aux talibans pour protéger ses activités en Afghanistan, des pratiques d’emploi propres à l’esclavage au Moyen-Orient ainsi que des enquêtes pour corruption en Europe. »

La CDPQ n’a pas tardé à réagir. Au cours d’un entretien téléphonique, son porte-parole, Maxime Chagnon, a estimé qu’il y avait quelque chose de « fondamentalement incohérent » dans l’approche de GardaWorld.

« Un jour elle approche la Caisse pour un partenariat, puis elle renonce ensuite à son entente avec (elle), a-t-il dit au cours d’un entretien téléphonique. Un jour elle cherche à faire l’acquisition de G4S et l’autre, elle cherche à critiquer les éléments ESG de l’entreprise qu’elle souhaite acquérir. »

La CDPQ était sur les rangs afin d’épauler GardaWorld en matière de financement – par l’entremise d’une offre en actions privilégiées de plus de 1 milliard US selon les informations colligées par La Presse Canadienne – pour l’aider à acquérir G4S. La multinationale québécoise avait finalement opté pour un syndicat bancaire ainsi qu’une proposition de la société d’investissement américaine HPS Investment Partners.

Beaucoup d’argent

En date du 31 décembre dernier, la CDPQ évaluait son placement dans Allied Universal à plus de 1,5 milliard, selon les informations figurant dans son dernier rapport annuel. En février 2019, le bas de laine des Québécois avait été impliqué dans une transaction lui permettant de devenir le plus important actionnaire de la société américaine. Le fonds d’investissement américain Warburg Pincus a toutefois repris le premier rang depuis.

G4S, dont la réputation a été malmenée au cours des dernières années en raison d’une série d’évènements, compte plus de 533 000 salariés dans plus de 85 pays, dont le Canada. Ses profits ont été, pour les six premiers mois de l’année en cours, d’approximativement 165 millions CAN sur des revenus de 5,7 milliards CAN.

Allied Universal dit compter plus de 200 000 employés dans des marchés comme les États-Unis, le Canada, le Mexique et le Royaume-Uni, en plus de générer des revenus annuels supérieurs à 8,5 milliards US.

Fondée il y a plus de 25 ans, GardaWorld emploie plus de 102 000 salariés en Amérique du Nord, en Afrique, en Asie ainsi qu’au Moyen-Orient.

Depuis l’an dernier, BC Partners, établie à Londres, est le plus important actionnaire de la société québécoise après avoir conclu une entente de 5,2 milliards en échange d’une participation de 51 %. M. Crétier détient une participation de 43 %, alors que le reste appartient à d’autres dirigeants de la société.

Avant l’annonce de cette transaction, la CDPQ détenait des obligations de GardaWorld dont la valeur oscillait entre 150 millions et 300 millions, d’après son rapport pour l’année terminée le 31 décembre 2018.