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Consultant et formateur depuis cinq ans, auparavant entrepreneur, Pierre songe à renouer avec ses anciennes amours en achetant une entreprise. Mais à 56 ans, risque-t-il de mettre l’avenir financier de ses vieux jours en péril ?

« J’ai l’intention d’acquérir une entreprise de 35 ans spécialisée en fabrication d’équipements institutionnels pour le réseau de la santé et le réseau scolaire. Elle est sans relève et à un prix d’acquisition raisonnable », nous écrit Pierre.

Ayant signé une entente de confidentialité avec le vendeur de l’entreprise, Pierre ne peut nous divulguer que la mise de fonds estimée pour l’acquisition, soit 300 000 $, la valeur totale de l’achat, d’environ 1,5 million de dollars, et les revenus annuels nets non vérifiés qui seraient de 300 000 $.

« Est-il raisonnable de vouloir acquérir une entreprise manufacturière compte tenu de mon âge et en fonction de mes actifs actuels ? se questionne-t-il. J’estime qu’il me reste entre 10 et 12 ans à travailler pour consolider mes actifs de façon significative. »

Pierre est déchiré entre sa passion pour l’entrepreneuriat, qui a été une grande partie de sa carrière en affaires, et sa raison… Il ne veut surtout pas compromettre la retraite de sa femme, Sylvie, et la sienne.

L’achat de l’entreprise

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

André Lacasse, planificateur financier indépendant

Acheter une entreprise n’est pas une mince affaire. Il y a des méthodes d’évaluation reconnues qui vont au-delà de l’estimation des profits générés dans les prochaines années, affirme André Lacasse, planificateur financier indépendant de Brossard.

« Ça prend absolument des experts, car c’est une spécialité pointue, soutient-il. Il y a une multitude de facteurs à considérer. Le fait, par exemple, que l’entreprise soit locataire ou propriétaire d’une petite bâtisse. Puis, est-ce que ce sont les propriétaires actuels qui entretiennent les relations avec tous les clients ou bien est-ce que ce sont les employés en place et qui vont rester en place ? Ça joue pour beaucoup dans l’évaluation d’une entreprise. »

Situation de retraite sans achat

Avant de signer, Pierre aimerait bien avoir une boule de cristal. Or, André Lacasse, du cabinet Services financiers Lacasse, suggère de dresser le portrait de son avenir financier avec les données connues, tout en sachant cependant que le destin pourrait y mettre du sien.

Tout d’abord, Pierre et Sylvie estiment qu’ils auront besoin de 200 000 $ par année à leur retraite. Avant même d’avoir sorti la calculatrice, André Lacasse sourcille. « Le couple doit absolument vérifier si ce coût de vie est le bon, car actuellement, il ne semble pas dépenser autant d’argent annuellement. »

Le planificateur prendra plutôt comme point de départ 133 000 $ par année, somme qui représente les revenus actuels du couple après impôts.

Imaginons que Pierre et Sylvie poursuivent leur vie de consultant jusqu’à l’âge de 65 ans avec une augmentation de salaire annuelle de 2 %, des revenus de placements qui rapportent 4 % chaque année en plus des revenus obtenus avec les locataires du condo locatif et ceux des quatre logements.

À la retraite, le couple aurait le maximum de la Régie des rentes du Québec, la Sécurité de la vieillesse, et utiliserait au départ les placements non enregistrés, puis les REER.

« J’ai présumé qu’ils pourraient vendre les immeubles à 75 ans, explique André Lacasse. Ces propriétés auront pris de la valeur et pourraient se vendre 1,3 million de dollars. J’ai calculé un profit net avec la vente de 500 000 $. Cette somme est réinvestie dans des CELI, puis dans des placements non enregistrés. De cette façon, le couple aurait assez d’argent jusqu’à 90 ans. »

Situation de retraite avec achat

Le planificateur a aussi fait ses calculs pour essayer d’y voir clair dans un avenir où Pierre aurait réalisé le rêve d’acheter l’entreprise.

En reprenant les informations fournies par le lecteur, le planificateur soustrait les 300 000 $ de mise de fonds. Que disent les chiffres ? Advenant un cuisant échec entrepreneurial, le couple n’aurait plus d’argent à 83 ans.

« Ça raccourcit de six ou sept ans les fonds de retraite. Et s’ils cotisent 6000 $ par année dans des REER, il manque 344 000 $, le montant de l’investissement finalement. »

André Lacasse rappelle que si Pierre fait un emprunt de plus de 1 million de dollars à la banque avec comme seule garantie l’entreprise, une faillite ne ruinera pas ses épargnes personnelles. Toutefois, si la banque exige un endossement personnel, l’avenir financier se noircit. « Ça peut être catastrophique pour son avenir, soutient le spécialiste. Tout dépend de ce que la banque va demander comme financement. »

Pierre connaît bien la vie d’entrepreneur et doit aussi savoir qu’il ne pourra peut-être pas se verser le même salaire qu’actuellement au cours des premières années.

« Il se peut aussi que ça bonifie son plan de retraite, précise André Lacasse. Peut-être que c’est l’affaire du siècle. »

Quelle que soit la décision de Pierre, le planificateur tient à rappeler que l’actif le plus précieux de Pierre, c’est sa capacité à travailler et à générer un revenu. Avec un salaire de 100 000 $ par année, c’est 1 million de dollars en 10 ans. Il lui suggère donc fortement de prendre une assurance salaire.

Et comme le destin ne nous avertit pas de ses projets, un testament serait judicieux.

« Ça prend un testament même s’ils sont mariés, parce qu’ils ont des actifs qui ne rentrent pas dans le patrimoine familial », croit André Lacasse.

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Les chiffres

Pierre et Sylvie, 56 ans

Revenus :
100 000 $ et 125 000 $

Revenus locatifs :
45 000 $ brut

Hypothèque de condo et quadruplex :
600 000 $ (valeur de 1 million)

REER :
400 000 $

CELI :
200 000 $

Placements non enregistrés :
800 000 $

Maison :
Valeur de 400 000 $ (libre d’hypothèque)