Les représentants du milieu des affaires de la région de Montréal et de tout le Québec réclament l’intervention du gouvernement fédéral pour endiguer la menace d’une grève illimitée dès lundi des débardeurs au Port de Montréal, et les dommages économiques qu’elle pourrait provoquer rapidement.

« Les débardeurs du port seront en grève générale illimitée lundi. C’est irresponsable ! a commenté Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Le syndicat prend l’économie en otage pour marquer des points. Le gouvernement du Canada et sa ministre du Travail, Mme Filomena Tassi, devront imposer l’arbitrage et le retour au travail. »

Au Conseil du patronat, le PDG Karl Blackburn estime que la menace d’une « interruption des activités du Port de Montréal est très préoccupante, particulièrement dans le contexte de relance économique actuel ».

« C’est une très mauvaise nouvelle qui aura des impacts énormes, que l’on pense à l’autonomie alimentaire du Québec ou aux enjeux des chaînes logistiques [de transport], a-t-il indiqué à La Presse. Les impacts sont multiples dans toutes les régions et les conséquences seront importantes. »

À la Fédération des chambres de commerce du Québec, le PDG Charles Maillard a déclaré à La Presse qu’on espérait « depuis le début une résolution rapide de ce conflit de travail. Malheureusement, l’annonce par le Syndicat des débardeurs nous éloigne de cet objectif ».

Il est plus urgent que jamais que le gouvernement fédéral s’implique activement pour favoriser la fin du conflit.

Charles Maillard, PDG de la Fédération des chambres de commerce du Québec

Au Conseil canadien du commerce de détail, qui représente un grand nombre de détaillants, petits et grands, dans tous les secteurs de la consommation, on a jugé nécessaire de diffuser vendredi auprès des membres un message spécial d’alerte face au risque de paralysie du Port de Montréal, à compter de lundi.

« Le Port de Montréal dessert plusieurs détaillants et grossistes à travers le Canada, et les produits qui y transitent sont diversifiés. Nous vous envoyons cette alerte afin que vous puissiez tenir compte de cette nouvelle situation dans la gestion de vos opérations, notamment en ce qui a trait à la circulation des marchandises entrant normalement au Port de Montréal », indique le message dont La Presse a obtenu copie.

La direction du Conseil y mentionne aussi être « en discussion avec les gouvernements provinciaux et fédéraux dans le but de faciliter la recherche d’une solution face à cet enjeu ».

Au cabinet de la ministre fédérale du Travail, Filomena Tassi, on a indiqué à La Presse en fin de journée vendredi que le gouvernement « comprend l’importance du Port de Montréal et de ses travailleurs pour l’économie canadienne ».

« Nous continuons à soutenir et croire au processus de négociation collective. Les ministres Tassi [Travail] et Garneau [Transports] continuent à suivre la situation de près », lit-on dans le commentaire par courriel.

« Les ministres ont parlé aux deux parties la semaine dernière pour leur faire part de l’importance qu’ils concentrent leurs efforts pour résoudre leurs différends, parvenir à un accord et éviter d’autres perturbations. Les médiateurs du Service fédéral de médiation et de conciliation ont travaillé en étroite collaboration avec les parties et resteront à leur disposition pour les aider. »

Avis de grève

Le Syndicat des débardeurs a déposé un préavis de grève générale illimitée, menaçant ainsi de « fermer le port lundi » à défaut d’une « entente de trêve » d’ici là avec la partie patronale.

« La balle est dans le camp des patrons », a lancé le représentant du Syndicat des débardeurs du Port de Montréal, Michel Murray, lors d’une conférence de presse vendredi.

Selon le syndicat, ce préavis est devenu nécessaire en raison des récentes modifications apportées aux conditions de travail des débardeurs par les compagnies maritimes, et ce, après quelques semaines d’une escalade des tensions avec l’Association des employeurs maritimes dans le contexte de négociations de renouvellement d’une convention collective échue depuis décembre 2018.

Les pourparlers achoppent principalement sur la question des horaires de travail. Le représentant syndical, Michel Murray, a expliqué que les débardeurs sont sollicités pour travailler 19 jours sur 21, avant d’avoir un congé de deux jours, à cause de la forte activité au port de Montréal.

En 2015, les débardeurs du Québec gagnaient en moyenne 110 000 $ avant les prestations, selon les chiffres du ministère du Travail. Les avantages sociaux des débardeurs montréalais s’élèvent à 22 000 $ annuellement, y compris un régime de retraite à prestations déterminées payé par l’employeur.

Négociations difficiles

Deux fois au cours des dernières semaines, le Syndicat des débardeurs du Port de Montréal a déclenché une grève de quatre jours.

Et au cours des derniers jours, selon le syndicat, les principaux exploitants de terminaux au Port de Montréal – qui emploient les débardeurs – auraient déjà dérouté quelques navires à destination de Montréal vers d’autres ports du nord-est du continent, dont ceux d’Halifax, de New York et de Saint John au Nouveau-Brunswick.

En réaction au préavis de grève du Syndicat des débardeurs, l’Association des employeurs maritimes se dit « déçue » que « même après 65 séances de négociation depuis septembre 2018, nous soyons encore dans l’impasse ».

Dans une communication par courriel avec La Presse, l’Association affirme « avoir déposé une contre-proposition de trêve, avec obligations de résultat, que le comité exécutif du syndicat a refusée ».

— Avec La Presse canadienne