(Montréal) La grève des débardeurs pourra bel et bien avoir lieu au port de Montréal. Les employeurs maritimes ont échoué dans leur tentative de faire déclarer comme services essentiels la totalité des activités de débardage.

Les 1125 débardeurs du port de Montréal, membres du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), affilié à la FTQ, avaient voté en faveur de la grève, en décembre 2018. Ils n’ont toutefois pas débrayé durant une seule journée depuis.

C’est que l’Association des employeurs maritimes s’était adressée au Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) — un tribunal quasi judiciaire spécialisé en relations de travail au fédéral — demandant le maintien de la totalité des activités des débardeurs, même en cas de grève.

Les employeurs demandaient au CCRI d’intervenir, alléguant qu’il y aurait « manifestement des risques imminents et graves pour la santé et la sécurité du public », advenant le déclenchement d’une grève des 1125 débardeurs.

Ils soutenaient qu’une grève causerait une perturbation des chaînes d’approvisionnement, des pénuries de biens essentiels et des risques pour la sécurité maritime.

Le CCRI a tenu 25 jours d’audiences, de février à octobre 2019. L’Association des employeurs a fait entendre 22 témoins.

Et elle a échoué dans sa tentative de faire déclarer la totalité des activités des débardeurs comme services essentiels en cas de grève.

« Aucune preuve directe ne permet au Conseil de conclure que ces inconvénients causeraient un risque imminent et grave pour la santé et la sécurité du public », écrit le CCRI dans sa décision de 93 pages.

Le CCRI concède qu’une éventuelle grève aurait des répercussions économiques, mais rappelle que le droit de grève est protégé par le Code du travail et que la Cour suprême du Canada a statué en 2015 que ce droit bénéficie d’une protection constitutionnelle.

« À moins d’une preuve directe et convaincante, ce qui fait défaut en l’espèce, le maintien dans leur intégralité des services de débrayage au port de Montréal en cas de grève, demandé par l’employeur, rendrait inefficace l’exercice du droit de grève », écrit le CCRI.

« La liberté de négocier collectivement est gravement compromise si les employés ne peuvent pas exercer leur droit de grève pour faire contrepoids à la puissance économique de l’employeur », écrit le CCRI.

Le CCRI rappelle qu’il existe d’autres solutions de rechange, comme le chemin de fer, l’avion-cargo, le camionnage, et d’autres ports, comme Halifax, Saint-Jean, Baltimore et New York, si une grève des débardeurs venait à être déclenchée à Montréal.

Il rappelle également qu’avant de déclencher une grève, le syndicat est tenu de donner un préavis de 72 heures à l’employeur — ce qui lui donnerait du temps pour se préparer.

Par ailleurs, le Syndicat des débardeurs s’est engagé à maintenir le service pour les navires Océanex, Connaigra et Avalon, en direction ou en provenance de Terre-Neuve-et-Labrador. Le CCRI en a pris acte.

Il y avait déjà eu un lock-out décrété par l’employeur au port de Montréal, en 2010, qui avait duré six jours.

Le port de Montréal dessert le Canada et plusieurs États américains. Ses sites s’étendent sur 26 kilomètres sur l’île de Montréal et 4 kilomètres à Contrecœur.

En 2018, quelque 1700 000 conteneurs et 39 000 000 de tonnes de marchandises y ont transité. Environ 2000 navires par année y accostent et jusqu’à 2500 camions s’y rendent chaque jour. Un navire peut avoir jusqu’à 2500 conteneurs.