Musicien professionnel, Pascal Castonguay avait fondé son école de guitare pour compenser les aléas du métier. Mais la COVID-19 a pulvérisé son programme.

« Partez là-dessus avec moi, je vous attends. »

Il a plaqué un accord sur sa guitare acoustique, l’a répété, puis a commencé à chanter. Le refrain est venu…

« Big wheel keep on turning – si mineur !

« Proud Mary keep on burning – et on revient à ré !

« Rolling, rolling, rolling on the river – et on reste sur ré pour l’autre couplet ! »

Le samedi 2 mai, Pascal Castonguay donnait sur Facebook Live un des rendez-vous de guitare hebdomadaires qu’il tient depuis bientôt huit semaines.

Plus précisément depuis que la COVID-19 a fermé son école de guitare. Elle porte sans ambiguïté le nom coursdeguitare.ca.

Le musicien professionnel l’avait fondée il y a 15 ans, justement comme une forme d’assurance contre les récessions musicales.

Entre 2002 et 2006, il a accompagné Lynda Lemay dans ses tournées européennes, « jusqu’à ce qu’elle tombe enceinte ». Finies, les enceintes acoustiques et les tournées.

Comble de malchance, sa conjointe arrivait au même moment au terme d’un contrat de recherche.

« J’avais déjà eu l’idée de partir une école, relate le musicien. Sans contrat, plus de rentrée d’argent, avec un nouveau petit garçon à la maison, j’ai parti ça sur les chapeaux de roues, dans mon sous-sol à Magog. »

Il s’adressait aux adultes qui souhaitaient apprendre les rudiments de la guitare. Le succès venant, il a engagé une première professeure. Puis son frère, musicien lui aussi, a proposé le cours à Drummondville. De fil en aiguille, une dizaine de villes du Québec se sont ajoutées à la liste. Les cours se donnent souvent dans des salles de classe de la région. Les sessions d’automne et d’hiver rejoignent chacune quelque 500 élèves de tous les âges, dans des groupes de 10 à 15 personnes.

« En 15 ans, dit-il, c’est devenu une grosse école qui offre des cours un peu partout dans la province, et qui engage une dizaine de professeurs. »

La fausse note

Pascal Castonguay a appris l’interdiction des rassemblements de plus de 250 personnes en arrivant à Val-d’Or, où il devait accompagner la tournée du chanteur country Irvin Blais, en mars dernier. Il a fait demi-tour vers Magog et a fait monter au passage son fils, qui étudie à Montréal en technologies numériques.

Bien lui en prit, on le verra.

La semaine suivante, le confinement mettait une sourdine aux cours de guitare.

En point d’orgue, son groupe Reel Country Band, qui avait lancé son premier album au début de mars, devait présenter la première de son spectacle en mai à Magog. Annulée, bien sûr.

Le coronavirus a tout balayé : spectacles, tournée, école. Son assurance musicale lui faisait faux bond. « Oui, il y avait un stress. Est-ce qu’on va devoir arrêter, rembourser tous ces gens ? Ça aurait été une catastrophe pour les finances de l’entreprise. On a dû se retourner de bord, se retrousser les manches. » De chemises et de guitares.

Son école pourrait-elle se transposer en ligne ?

Il a trouvé une plateforme simple et stable. « Je cherchais une formule qui ne serait pas trop compliquée pour ma clientèle de 40 à 60 ans, pas toujours hyper à l’aise avec les technologies. »

Après seulement une semaine d’interruption, il a proposé aux élèves de terminer leur session d’hiver en ligne, en groupes de 50 à 60. Les cours seraient donnés par le directeur de l’école lui-même !

Comme je travaille aussi comme musicien, j’ai déjà mon studio maison. J’avais tout ce qu’il me faut. Et depuis un an ou deux, je faisais déjà beaucoup de vidéos d’appoint pour mes cours.

Pascal Castonguay

Mais combien accepteraient la proposition ? « On avait peur que plusieurs décrochent. » Surprise, à peine une dizaine de personnes se sont récusées. « Il y en a même plusieurs qui disent qu’ils aiment bien la nouvelle formule : ils n’ont pas à sortir. »

Le succès est suffisant pour qu’il instaure une mini-session printanière en ligne – une première dans l’histoire de l’école.

Mais il ignore encore quelle forme prendra la rentrée d’automne. Les cours en ligne pour guitaristes débutants sont plus difficiles à mettre en œuvre. « Ce sera soit en remplacement de ce qu’on fait présentement si on ne peut toujours pas donner des cours en groupe, ou ce sera en parallèle, pour qu’on ait les deux options », indique-t-il.

Les choralies de Coralie

Aux cours en ligne, toutefois, il manquait la convivialité.

« Les gens ne se rassemblent plus, n’ont plus la chance de jouer ensemble, soulève Pascal Castonguay. Je me suis dit : on va le faire virtuellement. »

L’idée lui est venue le vendredi 20 mars.

« J’ai lancé ça à la dernière minute en ne sachant même pas comment faire. C’est là que mon fils est venu à la rescousse. »

Le lendemain, il faisait sa première prestation sur Facebook Live.

« Pendant une heure, j’amène une dizaine de chansons vraiment faciles, trois ou quatre accords. Je leur dis : voici la suite d’accords, prenez-les en note. Le motif rythmique va ressembler à ça. Et on part. »

Sa session hebdomadaire et gratuite réunit jusqu’à 350 amateurs, certains de Vancouver, du Nouveau-Brunswick, de France ou de Belgique. Une Belge, Coralie, lui a demandé de lui envoyer une petite vidéo pour son anniversaire.

« Je l’ai chanté en direct le samedi. » Les bons vœux ont afflué. « Maintenant, Coralie, tout le monde la connaît. »

Et il est de retour en Europe.