Il y a quelques années, avant que la COVID-19 ne frappe, le concept d’autonomie alimentaire était au cœur d’un vaste projet de serres évalué à au moins 100 millions dollars, impliquant plusieurs entreprises de l’industrie des fruits et légumes, a appris La Presse. Or, ce grand chantier appuyé par le Fonds de solidarité FTQ n’a finalement jamais vu le jour.

« L’idée était d’unir les forces de plusieurs entreprises pour faire de la mise en marché [commune] et d’essayer de travailler sur un site commun », se souvient Claude Laniel, directeur général des Producteurs en serre du Québec, questionné à propos de ce projet autour duquel plane le plus grand mystère.

L’idée a été élaborée il y a trois ou quatre ans. Aujourd’hui, le premier ministre François Legault ne cesse de rappeler l’importance d’augmenter la production locale de fruits et légumes afin de réduire les importations et de favoriser l’autonomie alimentaire du Québec.

Selon Claude Laniel, on aurait tenté à deux reprises de donner vie à ce que l’on pourrait qualifier de vaste serre. À la seconde tentative, les discussions étaient devenues plus sérieuses et on était en voie de réaliser quelque chose, nous révèle-t-on.

Au départ, les serres Demers (Lévis), Hydrosserre (Mirabel) et les serres Lefort (Sainte-Clotilde-de-Châteauguay), maintenant propriété d’Hydroserre, étaient impliquées dans le dossier. Il a toutefois été impossible d’obtenir des commentaires et des confirmations de leur part. Selon nos informations, elles ont toutes signé des ententes de confidentialité.

Des mésententes entre les entreprises expliqueraient l’échec du projet. « Tous n’avaient pas la même vision », confie une source proche du dossier, qui ne veut pas être nommée, car elle n’est pas autorisée à parler publiquement du projet. La capacité – ou l’incapacité – des producteurs compterait également parmi les raisons pour lesquelles cette association a été mise sur la glace.

« Pour financer ces projets-là, il faut que les entreprises réussissent à faire des investissements », ajoute pour sa part M. Laniel.

L’idée de se réunir dans un même endroit posait également problème.

Les entreprises sont un peu partout sur le territoire. Ce n’est pas simple de se regrouper sur un seul site.

Claude Laniel, directeur général des Producteurs en serre du Québec

Le Fonds de solidarité a refusé d’émettre des commentaires à propos de ce projet de serres en particulier. Il reconnaît toutefois l’importance d’investir dans cette industrie. 

« Pour appuyer le développement et la croissance du secteur serricole québécois, le Fonds de solidarité FTQ a effectué au cours des dernières années des investissements dans des entreprises comme les Productions Horticoles Demers et les Fermes Lufa, a rappelé Patrick McQuilken, conseiller principal aux relations de presse pour le Fonds. Pour favoriser une plus grande autonomie alimentaire au Québec, nous continuerons d’appuyer cette industrie. La pandémie actuelle nous rappelle justement à quel point il faut en faire plus pour l’autonomie alimentaire. » 

Hydro-Québec

Questionné à propos de ce projet, André Mousseau, président des Producteurs en serres du Québec et propriétaire du Cactus Fleuri n’avait pas de souvenirs précis sur cette initiative. Il ajoute toutefois que, dans l’industrie, ce ne sont pas les idées qui manquent. 

Il y en a eu plusieurs de ces projets. De grands projets, ce n’est pas ça, le problème. Le problème, ce sont les tarifs d’Hydro-Québec.

André Mousseau, président des Producteurs en serres du Québec et propriétaire du Cactus Fleuri

André Mousseau milite en effet pour que toutes les serres qui consomment 50 kWh et plus aient droit à un tarif d’électricité préférentiel. Pour le moment, seules les serres qui consomment plus de 300 kWh ont droit à un tarif de 5,5 cents le kilowattheure pour la facture d’éclairage destiné à la photosynthèse.

Le Québec compte 1000 producteurs en serre. Mais ce sont environ 15 entreprises qui contribuent à 85 % de la production, selon les chiffres donnés par M. Mousseau. En ce moment, la province fournit 30 % des produits en serre consommés au Québec. André Mousseau estime que les tarifs préférentiels permettraient de doubler la production.