(Washington) L’ambassadrice du Canada aux États-Unis estime que les liens privilégiés tissés par les deux pays lors de la renégociation de l’accord de libre-échange en 2018 expliquent en grande partie le succès des efforts bilatéraux communs déployés maintenant pour gérer la pandémie de COVID-19.

Kirsten Hillman, qui était au cœur de ces négociations qui ont abouti à l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), a déclaré que les relations diplomatiques qui en découlent ont permis de procéder rapidement et de façon ordonnée à une interdiction des déplacements non essentiels entre les deux pays.

À son tour, cet accord sans précédent — entré en vigueur il y a un mois, au plus fort des tentatives effrénées dans le monde pour fermer la porte au nouveau coronavirus — donne le ton depuis aux pourparlers en cours pour garder les chaînes d’approvisionnement intactes, faciliter les importations d’équipements de protection individuelle et permettre les déplacements transfrontaliers du personnel médical essentiel.

« Je crois sincèrement que les relations nouées au cours des deux dernières années lors de la négociation (de l’ACEUM) ont été essentielles en ces temps » de crise, a déclaré Mme Hillman en entrevue. « Pas seulement avec les responsables du commerce, mais aussi avec l’ensemble de l’administration américaine et des responsables à travers le pays-donc les relations personnelles et les voies de communication qui avaient été développées par moi et par d’autres.

“La sensibilisation accrue, des deux côtés de la frontière, que le partenariat canado-américain est essentiel pour notre sécurité économique, notre bien-être économique, mais aussi, franchement, la sécurité énergétique, et maintenant les chaînes d’approvisionnement et les produits de santé : le travail préparatoire a probablement été important pour nous permettre de passer assez rapidement à un ton de collaboration avec les États-Unis », a estimé l’ambassadrice.

Ancienne ambassadrice adjointe à Washington de son prédécesseur David MacNaughton, Mme Hillman était ambassadrice par intérim depuis l’été dernier, avant que sa promotion ne soit finalement annoncée le mois dernier-au cœur de la tempête.

Rapatriement difficile des Canadiens

L’accord sur les mouvements transfrontaliers, qui permet le maintien du commerce tout en interdisant les voyages non essentiels, n’était même pas la partie la plus ardue de la réponse commune à la pandémie, a-t-elle suggéré : c’est plutôt, dans les jours précédents, l’énorme défi logistique de rapatrier les ressortissants canadiens, alors que les voyages internationaux étaient paralysés.

Depuis lors, les deux pays ont maintenu une étroite collaboration dans une variété de dossiers, y compris le partage de la recherche en cours, ainsi que le défi de garder les chaînes d’approvisionnement intactes. Mais il y a eu aussi quelques irritants points et des désaccords.

Les médias ont rapporté le président Donald Trump avait tenté d’interdire à l’entreprise américaine 3 m, qui vend des masques N95 en Amérique latine et au Canada, de restreindre ses exportations. Même le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, pourtant un fidèle allié du président Trump, a accusé les États-Unis de bloquer les précieuses expéditions.

Le Canada et le Mexique ont finalement été exemptés de la grogne présidentielle, et la dernière version de la nouvelle directive de l’Agence fédérale de gestion des urgences, sur l’exportation des équipements de protection individuelle, qui est entrée en vigueur plus tôt cette semaine, a été assouplie.

« Les impacts négatifs sur les travailleurs, y compris le manque d’équipements de protection individuelle, dans ces secteurs et dans d’autres secteurs critiques au Canada et au Mexique peuvent entraîner des interruptions importantes des chaînes d’approvisionnement correspondantes aux États-Unis et, à leur tour, perturber le flux important du commerce transfrontalier avec nos voisins », lit-on dans le document définitif.

Ensuite, le président Trump avait évoqué la possibilité de déployer des soldats américains à la frontière canadienne — une idée qui, selon Mme Hillman, n’a probablement jamais vraiment levé : elle a probablement été lancée par une personne inquiète mais qui était peu consciente des conséquences diplomatiques d’une telle mesure.

Tout comme au Canada, les militaires américains sont appelés à intervenir dans toutes sortes d’urgences civiles, a-t-elle déclaré — souvent à des moments où les responsables tentent désespérément de garder la tête hors de l’eau et d’assimiler un feu incessant de renseignements nouveaux et préoccupants.

Alors que la pandémie continue d’évoluer, le Canada et les États-Unis surveillent de près un autre élément essentiel des restrictions de voyage : le mouvement continu des travailleurs de la santé qui vivent au Canada mais travaillent en première ligne de l’autre côté de la frontière.

L’objectif, a déclaré Mme Hillman, est de veiller à ce que ces travailleurs soient bien protégés — non seulement contre le virus, mais également contre tout effort visant à limiter leur mobilité de peur qu’ils le ramènent chez eux.

« Que ce soit au Michigan, dans l’État de New York ou ailleurs, des gens me contactent et me disent : “Ces travailleurs sont essentiels, ils sont très, très importants pour nous. Pouvons-nous faire quelque chose afin que les Canadiens sachent que nous avons les protections nécessaires en place pour ces travailleurs, de sorte qu’ils ne puissent pas mettre en danger la santé et la sécurité des Canadiens” en rentrant chez eux. »