La publicité parue le week-end dernier allait droit au but.

« À ce jour, nous n’avons aucun cas de COVID-19 », pouvait-on lire en gros au centre de l’image publiée par le groupe Cogir, où on apercevait en arrière-plan les visages souriants de plusieurs personnes à la tête grise. 

Puis, en sous-texte : « Grâce à l’incroyable travail de nos collègues et résidants. Ne baissons pas la garde. Un énorme merci. Joyeuses Pâques ! »

L’annonce a été diffusée sur différentes plateformes numériques, notamment dans La Presse, samedi.

Cogir, pour ceux qui ne le savent pas, est une entreprise privée qui gère des maisons de retraite pour les aînés. 

C’est un acteur important dans ce secteur. Le groupe loge environ 12 000 aînés, avec une quarantaine de maisons au Canada et 3000 employés. Il a aussi 12 résidences aux États-Unis, dont quelques-unes à Seattle.

Une des raisons pour lesquelles l’entreprise tenait à passer cette annonce, m’a-t-on expliqué, c’était pour rassurer les familles des résidants au Québec et remercier le personnel.

Parce que souvent, on met tout dans le même paquet et on s’inquiète de toutes les résidences pour personnes âgées quand on voit les manchettes. Or, tout n’est pas pareil.

Les établissements qui ont fait la une sont des centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD), qui sont des résidences avec des soins quasi hospitaliers pour ceux qui ont besoin de beaucoup d’aide. 

Les résidences pour personnes âgées (RPA) que gère Cogir sont ces maisons où peuvent habiter des gens qui ont besoin d’un peu d’encadrement ou d’appui, mais qui gardent une certaine autonomie ou sont carrément autonomes.

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Quand j’ai vu cette publicité samedi, j’ai réagi de plusieurs façons.

D’abord, comme bien des gens à qui j’ai parlé, j’ai trouvé l’affirmation quand même assez risquée. Ne sommes-nous pas dans un monde qui change sans arrêt ? Ou à peu près la seule certitude par les temps qui courent, c’est que tout peut basculer du jour au lendemain. D’ailleurs, quand j’ai parlé avec le grand patron de l’entreprise, Mathieu Duguay, lundi, il m’a dit que finalement, il y a un cas. Un résidant de la région métropolitaine, asymptomatique, parti se faire soigner à l’hôpital pour un problème sans lien avec le virus, et diagnostiqué là-bas.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Mathieu Duguay, président de Cogir

M. Duguay affirme que le résidant est encore à l’hôpital. Et le patron de Cogir est convaincu que c’est là qu’il a attrapé le virus. « On n’a aucun autre employé ou résidant, personne d’autre… »

Et puis, ajoute-t-il, ce qui était écrit sur la pub, c’est « à ce jour ». 

Au Québec, contrairement aux États-Unis, l’entreprise ne peut pas acheter des tests pour garantir que tous les résidants et tout le personnel ne sont pas contaminés. 

« Nous, on fonctionne avec l’information qu’on a, ajoute-t-il. Mais on sait qu’on n’est pas à l’abri. »

Donc, finalement, le bilan de Cogir n’est pas parfaitement parfait. Et aux États-Unis, où le groupe peut acheter et faire des tests, il a relevé trois cas dans ses résidences.

Donc voilà pour ce premier point.

L’autre chose qui m’a frappée, c’est aussi le moment un peu délicat. Il est vrai que les CHSLD qui ont fait la une avec leurs lacunes gravissimes ne sont pas des résidences comme celles de Cogir, donc il n’était pas question de se comparer, mais quand même… M. Duguay était un peu d’accord. « Le contexte a changé », m’a-t-il expliqué, entre le moment où la décision a été prise de publier cette pub et sa publication.

Mais il y a une troisième question que je me suis posée en voyant cette annonce : comment se fait-il qu’eux aient réussi à avoir un tel bilan ?

Selon M. Duguay, le premier élément de la réponse est simple : les CHSLD dont on entend parler aux nouvelles sont des centres où les patients sont particulièrement vulnérables et où ils ont besoin de plus de soins et donc plus de personnel pour veiller sur eux.

Dans une maison de retraite, bien des résidants peuvent encore prendre leur douche eux-mêmes. Pas dans les CHSLD.

Donc plus de monde, plus de contacts, plus de proximité nécessaire, plus de risques.

Aussi, comme Cogir a des maisons à Seattle, une des premières villes frappées par la crise, l’entreprise a pu rapidement appliquer les protocoles appris là-bas, en plus des directives du ministère de la Santé ici. Le groupe avait de l’avance.

Ajout de personnel, contrôles constants, règles serrées sur la stérilisation et la distanciation, achat pour un demi-million d’équipement médical avant tout le monde, incluant un véhicule pour servir des repas, « on est très diligents », dit M. Duguay.

Des ententes ont en outre été conclues avec la RAMQ pour que le personnel des résidences puisse offrir des services et effectuer des suivis en soins de santé normalement faits par du personnel hospitalier, soit à l’extérieur, soit en résidence. Le but : réduire le nombre de personnes avec qui les aînés sont en contact.

M. Duguay est fier de tous les efforts qui ont été déployés. Et qui ont été portés par ses équipes. Et qui ont donné de bons résultats jusqu’à maintenant.

D’où l’annonce.

Mais la tâche n’est pas simple, et le grand patron a hâte que ses employés reçoivent pour vrai les augmentations de salaire promises par le gouvernement depuis le début de la crise. « Il y a 3000 personnes qui lisent les nouvelles tous les jours, dit-il. On n’a pas de doute qu’on va le voir, cet argent. Mais où, quand, comment ? » 

Bonne question. Il faut prendre soin des anges gardiens.