Alors que les familles qui ont perdu leurs revenus à cause de la COVID-19 grattent les fonds de tiroirs, ce serait bien la moindre des choses que les commerçants les remboursent pour les services annulés en raison de la pandémie.

Légalement, les clients ont le droit de récupérer leur argent quand une entreprise ne livre pas la marchandise à cause d’une force majeure.

« Si on applique le Code civil, les commerçants sont tenus de rembourser les consommateurs et de cesser les prélèvements dans leur compte », explique Alexandre Plourde, avocat chez Option consommateurs.

Ça paraît évident. Mais sur le terrain, les annulations, reports, crédits, remboursements causent un fameux méli-mélo.

Il y a des incertitudes juridiques qui pourraient mener à des débats longs et coûteux. Par exemple, certains contrats contiennent une clause prévoyant que les clients doivent continuer à payer même si le commerçant ne leur fournit plus le service en cas de force majeure, ou que les clients auraient droit à un crédit plutôt qu’à un remboursement.

Mais une telle clause « pourrait être jugée abusive et donc sans effet », estime l’Office de la protection du consommateur (OPC).

Veut-on vraiment se lancer dans des poursuites ? Devant l’urgence de la situation, ne pourrait-on pas couper court et rembourser les consommateurs qui ont besoin de leurs liquidités maintenant ?

Centres d’entraînement et abonnements

Certains « gyms » offrent de suspendre les abonnements, mais d’autres continuent de facturer le service aux clients en offrant de prolonger leur abonnement. « Disons qu’en ce moment, j’aurais davantage besoin de conserver mes sous », m’écrit François.

« Je ne veux pas payer d’avance, ajoute Gabriel. Surtout que le gym aura éventuellement un manque à gagner et peut-être des problèmes financiers. » En effet, lors d’une faillite, les consommateurs ne récupèrent que des miettes.

Alors, quels sont les droits des consommateurs ? De manière générale, il n’est pas illégal pour un commerçant d’offrir un report de l’abonnement. Mais dans le cas des centres d’entraînement, cela soulève des questions, car la Loi sur la protection du consommateur (LPC) limite leurs contrats à un an et interdit les renouvellements automatiques.

Mais de toute façon, le client n’est jamais forcé d’accepter une offre de report d’abonnement. Si vous ne bénéficiez pas du service, « vous pouvez suspendre les paiements que vous auriez normalement dû effectuer », affirme l’OPC.

Centres de ski et abonnement de saison

La saison s’est terminée abruptement dans les centres de ski. Les clients auront droit à un remboursement pour les leçons qui n’ont pas eu lieu, promet l’Association des stations de ski du Québec (ASSQ).

Lorsqu’un commerçant n’a pas rempli ses obligations en entier, le client est tenu « d’exécuter la sienne jusqu’à concurrence de son enrichissement », selon l’article 1694 du Code civil. Les skieurs pourraient donc s’attendre à un remboursement au prorata.

Mais au prorata de quoi ? De rien, estime l’ASSQ.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’Association considère que la saison était terminée lorsque les centres de ski ont dû fermer le 15 mars, alors que le plus beau du ski de printemps était à venir.

« D’un point de vue légal, la saison a été livrée », m’a dit le président-directeur général, Yves Juneau. Pour lui, les stations peuvent dire « mission accomplie » quand elles sont ouvertes de Noël jusqu’à la relâche scolaire.

Peut-être pour les plus petites stations. Mais pour les grandes qui ne ferment jamais avant la fin de mars, voire plus tard, la clientèle va rester sur sa faim.

Billets de spectacle

Côté spectacles et matchs sportifs, on en voit de toutes les couleurs. Souvent, l’évènement est reporté à une autre date à laquelle les billets seront honorés. Mais si le consommateur ne peut pas y être ? Et s’il préfère un remboursement immédiat, parce qu’il n’a plus l’argent pour cette petite douceur ?

« Si le spectacle ou l’évènement a été annulé à la suite d’une ordonnance gouvernementale en lien avec la COVID-19, le commerçant doit normalement vous rembourser. Le commerçant peut aussi vous proposer une nouvelle date pour la tenue de cet évènement. Vous êtes libre d’accepter ou de refuser cette offre », expose l’OPC sur son site internet.

Voilà qui est très clair. Ne reste plus aux commerçants qu’à se conformer à cette directive…

Un bel outil : la rétrofacturation

Pour tous les achats sur l’internet, les consommateurs disposent d’un outil méconnu : la rétrofacturation.

Si le commerçant refuse de vous rembourser dans les 15 jours suivant l’annulation de votre achat, vous pouvez demander à l’émetteur de votre carte de crédit de vous rétrofacturer. Mais attention : vous disposez de 60 jours pour lui en faire la demande par écrit.

>> Consultez le mode d’emploi de la rétrofacturation

Rénovation et entretien

Pour les ménages qui n’ont plus les moyens de continuer à payer des services d’entretien ou des rénovations, sachez qu’il est possible d’annuler en tout temps un « contrat d’entreprise », même au milieu d’un contrat.

Les consommateurs devront évidemment payer les services déjà rendus et le matériel déjà acheté. « Ils peuvent aussi avoir à rembourser l’entreprise pour le préjudice, mais ça ne veut pas dire la perte de profit reliée à la résiliation du contrat », dit Me Plourde.

>> Consultez les explications d’Éducaloi

Écoles privées

Qu’en est-il des différents frais dans les écoles privées et publiques ?

« C’est difficile de faire des remboursements à ce point-ci pour le volet enseignement. Et je crois qu’ultimement, peu d’écoles vont rembourser, car elles vont s’arranger pour offrir un service minimal à distance. Mais pour le transport scolaire, les services de garde ou de dîner, les activités parascolaires, les programmes sport-études, les parents n’ont pas à payer pour des services qui ne sont pas rendus », m’a répondu Yann Bernard, avocat spécialisé en droit scolaire associé chez Langlois avocats.

>> Relisez la chronique « La valse-hésitation des remboursements dans les écoles »