Le gouvernement fédéral a revu son plan d’action et a finalement décidé de subventionner 75 % des salaires des employés des PME canadiennes qui sont toutes éprouvées par la crise du coronavirus. Mais fidèle à sa façon de faire depuis le début de la crise, Ottawa n’a procédé vendredi qu’à une simple annonce générique de sa nouvelle approche et a remis à plus tard les détails et modalités de son déploiement. Qui sera admissible et pourquoi ? On aura tout le week-end pour y penser…

Depuis le début de la semaine, le gouvernement fédéral faisait face à de fortes pressions des groupes patronaux et des lobbys d’affaires de partout au Canada pour instaurer un programme de subvention à l’emploi, comme il en existe en Europe, au Danemark, en Allemagne, au Royaume-Uni et en France notamment.

Plutôt que de sombrer dans le chaos administratif et bureaucratique le plus total pour gérer l’afflux de millions de nouveaux chômeurs générés par la crise du coronavirus, on proposait au gouvernement de subventionner le salaire des employés des entreprises en les maintenant sur leurs registres de paie.

Ottawa doit indemniser de toute façon les travailleurs qui perdent leur emploi, que ce soit par l’entremise du programme d’assurance-emploi ou par la proposition de laisser le soin aux entreprises de s’en occuper.

Au Québec, c’est Serge Godin, le président exécutif du conseil du Groupe CGI, qui s’est fait le promoteur de la solution de la subvention à l’emploi comme moyen le plus efficace pour permettre aux entreprises et aux travailleurs de passer à travers la violente crise qui déferle.

(Re)lisez la chronique « Subventionner les emplois plutôt que les chômeurs »

Pour l’entrepreneur en technologie, le fait de maintenir le lien d’emploi entre le travailleur et son entreprise permet d’abord d’alléger la pression insoutenable sur la machine fédérale et ses systèmes informatiques, mais la subvention à l’emploi permet surtout de faciliter le retour (que tous espèrent le plus rapide possible) à l’après-crise.

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Serge Godin, président exécutif du conseil du Groupe CGI

« Plusieurs PME qui perdent leurs employés vont se retrouver en faillite. Il faut les aider à passer à travers la crise en leur permettant de maintenir une certaine structure en place », avait notamment plaidé Serge Godin pour défendre le concept de la subvention à l’emploi.

Avec les mesures de confinement qui se sont généralisées sur l’ensemble du territoire canadien, le nombre de personnes qui ont perdu ou qui perdent leur emploi atteint des proportions astronomiques.

Avec le presque million de nouveaux chômeurs déclarés seulement la semaine dernière, la machine fédérale n’était pas en mesure d’absorber une cohorte de pareille ampleur.

C’est d’ailleurs pourquoi Ottawa a décidé d’instaurer en début de semaine la Prestation canadienne d’urgence (PCU) de 2000 $ par mois destinée à tous les travailleurs – salariés, contractuels, travailleurs autonomes… – dont les prestations de revenus sont affectées par la pandémie de coronavirus.

C’était une belle façon de délester le programme d’assurance-emploi qui est incapable de supporter la charge colossale à laquelle il faisait face, mais là encore, devant le nombre hallucinant de gens qui sont mis hors circuit, le fédéral se rend bien compte que la gestion des millions de cas qui vont se présenter pour un soutien par l’intermédiaire de la PCU va être elle aussi insoutenable.

Entre promettre et livrer

Le gouvernement fédéral a donc décidé dans un premier temps d’opter pour la subvention salariale pour les PME en annonçant vendredi que cette aide financière allait représenter 75 % du salaire des travailleurs.

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Justin Trudeau a annoncé hier qu’Ottawa subventionnerait 75 % des salaires des employés des PME canadiennes sans toutefois donner de détails sur les modalités d’application de cette mesure.

Mais c’est tout ce qu’on sait pour l’instant parce que comme à son habitude, le premier ministre Justin Trudeau n’a fait que confirmer la mise en place de cette mesure. Il est resté avare de détails sur ses modalités d’application, comme il l’a fait il y a deux semaines lorsqu’il a annoncé un programme d’aide de 10 milliards aux entreprises dont les détails n’ont été dévoilés que cinq jours plus tard.

Selon mes informations, Ottawa n’exclut pas d’élargir ce programme de subvention à l’emploi à la grande entreprise qui devra elle aussi traverser avec succès la période de transition qui surviendra lorsque la crise de la COVID-19 sera en mode régressif.

Mais pour l’instant, le communiqué qui a suivi l’intervention du premier ministre a été très peu loquace. On confirme l’annonce d’une subvention salariale de 75 % pour les entreprises admissibles qui sera rétroactive au 15 mars, mais on « précise » que les détails des critères d’admissibilité vont être communiqués avant la fin du mois…

Quelle sera la définition d’une PME, celle de Statistique Canada qui veut que ce soit une entreprise de moins de 500 employés avec des revenus inférieurs à 50 millions ?

Est-ce qu’Ottawa va plafonner son soutien financier par employé aux 2000 $ par mois que prévoit sa PCU ?

Est-ce que le programme va s’appliquer seulement aux employés qui ne travaillent plus ou plutôt à tous les employés qui sont toujours en poste malgré une situation déficitaire ?

Philippe Hugron, PDG de Dakis, une PME de Verdun qui conçoit des logiciels et des solutions de sites web, devra licencier temporairement 10 de ses 30 employés lundi matin parce que ses revenus ont chuté de 20 % et il prévoit qu’ils chuteront de 30 % de plus d’ici trois mois en raison de la crise de la COVID-19.

« Je veux garder mes 10 employés et j’ai besoin de cette subvention. Je veux que l’on soit pleinement prêts lorsque la crise s’estompera, mais ça me prend tout mon monde pour qu’on s’y prépare. Ça ne donnera rien à l’entreprise si on subventionne 75 % du salaire de 10 de nos employés qui ne sont plus avec nous », prévient-il.

Ottawa devrait lui donner des réponses lundi prochain.