Les entrepreneurs en construction du Québec vont devoir rapidement améliorer les installations sanitaires sur leurs chantiers, en commençant par les toilettes, afin de répondre aux nouvelles exigences d’hygiène de la Santé publique et de poursuivre leurs activités, malgré la pandémie de coronavirus.

Dans une lettre mise en circulation mardi par l’Association des entrepreneurs en construction du Québec (AECQ), qui regroupe toutes les associations patronales de l’industrie, les employeurs sont invités « à apporter une attention particulière au lavage des mains », et à fournir aux travailleurs des solutions hydroalcooliques et des lingettes humides, à défaut d’eau potable et de savon.

L’AECQ recommande aussi que les roulottes de chantier et les aires de repos des travailleurs fassent « l’objet d’un nettoyage plus fréquent, comprenant la désinfection des endroits les plus susceptibles d’être touchés ».

Lors de sa conférence de presse quotidienne, mardi après-midi, le premier ministre François Legault a assuré qu’à son avis, les chantiers de construction en cours doivent se poursuivre et demeurent « sécuritaires, si on se tient à un ou deux mètres des autres personnes ».

Dans les minutes qui ont suivi, il a toutefois été vivement contredit par les dirigeants de trois syndicats de l’industrie, qui ont rappelé que des milliers de travailleurs ne disposent actuellement même pas d’eau courante et de savon pour se laver les mains sur leurs lieux de travail.

« Je ne veux pas contredire le premier ministre, affirme le directeur général de la FTQ-Construction, Éric Boisjoly, mais en termes de salubrité sur les chantiers, on va se dire les vraies choses : ce n’est pas respecté à 100 %, et ce n’est pas sécuritaire à 100 %. Malheureusement, ça prend une situation comme celle du coronavirus pour sensibiliser les gens au fait que dans l’industrie, on n’a pas toujours accès à des toilettes ou à des installations sanitaires adéquates. »

On dénonce la situation depuis le début. Dans les chantiers de plus de 25 travailleurs, au Québec, le règlement de la construction prévoit la présence de toilettes, de l’eau courante et de savon, et souvent, ce n’est pas respecté.

Michel Trépanier, président du Conseil provincial (International)

« Pour les plus petits chantiers, ajoute-t-il, il n’y a pas d’exigence, sauf pour les cabines bleues [toilettes sèches]. Sur les 20 000 chantiers de construction actifs en ce moment au Québec, la grande majorité compte 24 travailleurs ou moins. »

La CNESST s’en mêle

Tout en affirmant qu’un grand nombre de chantiers n’obtiendraient pas la note de passage en cas d’inspection, les deux leaders syndicaux se sont quand même dits optimistes en raison des discussions intenses en cours « au niveau des instances gouvernementales et patronales pour mettre en place le plus rapidement possible toutes les mesures d’hygiène [recommandées] par la Santé publique ».

En fin d’après-midi, le président de la CSN-Construction, Pierre Brassard, a pour sa part salué l’initiative de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) de créer un comité paritaire qui se réunira deux fois par semaine pour mettre en place les mesures appropriées aux exigences de la Santé publique.

Outre la présence d’eau, de savon ou de désinfectant, M. Brassard souligne que la recommandation de garder une « distance sociale » d’un ou deux mètres entre chaque personne pour éviter la propagation de la COVID-19 exigera de la créativité et de l’ouverture de la part des parties impliquées.

Ça peut sembler bien simple de garder une distance d’un ou deux mètres avec les autres travailleurs, malheureusement, c’est plus facile à dire qu’à faire.

Pierre Brassard

« Comment voulez-vous qu’on garde une distance minimale d’un mètre entre deux personnes dans une cage d’ascenseur ou entre deux travailleurs qui se croisent dans un corridor de 48 pouces de largeur ? Il faudra peut-être qu’on s’interroge sur d’autres mesures de protection que le port de gants ou de masques. »

Boston ferme ses chantiers

Les trois dirigeants syndicaux ont tous assuré que leur but premier, « ce n’est pas de fermer des chantiers ou d’aller à l’encontre de M. Legault, mais de faire en sorte que nos travailleurs continuent de pouvoir gagner leur vie et mettre du pain sur la table, dans le respect de leur santé et de leur sécurité ».

En premier lieu, dit M. Boisjoly, c’est surtout aux volets des installations sanitaires et des aires de repos qu’il faut s’attaquer. « On vient de fermer les cabanes à sucre parce que ça fait trop de monde dans une salle à manger. Ça ressemble pourtant à ça sur de nombreux chantiers, où nos travailleurs vont prendre leur repas. »

Les syndicats se montrent aussi très réservés quant à la décision prise mardi par la Ville de Boston de fermer tous les chantiers de construction en cours sur son territoire, pour réduire les risques de propagation du coronavirus.

L’ordre de fermeture a été lancé mardi pour que tous les chantiers soient sécurisés, barricadés et gardés au plus tard lundi. Seuls les travaux d’urgence ou des projets en relation avec la crise de santé publique actuelle seront autorisés à se poursuivre dans un avenir immédiat.

Appelé à commenter la décision de Boston, le premier ministre Legault a dit mardi que le Québec « n’en est pas là, présentement ».

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a opiné dans le même sens en ajoutant que les entrepreneurs sont tenus à des critères de coûts et d’échéanciers qui devraient alors être renégociés, avec les complications en découlant.

— Avec la collaboration de Kathleen Lévesque, La Presse