Les marchés qui étaient restés jusqu’ici plutôt imperméables à l’éclosion du coronavirus et à sa dissémination sur le territoire chinois viennent de réagir, et de virulente façon, à la propagation étonnante du COVID-19 à l’extérieur de la Chine. Une réaction qui ne marque pas nécessairement la prémisse d’une catastrophe économico-financière, mais qui reflète l’inquiétude bien réelle que cette contagion virale devienne hors de contrôle.

Ce n’est pas tous les jours que l’on voit l’indice Dow Jones perdre plus de 1000 points au cours d’une seule séance, la pire chute enregistrée en deux ans d’ailleurs. Ça frappe et ça inquiète quand tous les indices américains suivent la même tangente et encaissent des reculs de plus de 3 % au cours d’une seule journée, et que même notre TSX essuie une perte de 1,5 % de valeur.

Cette sanction des Bourses américaines avait été précédée par celle des marchés européens alors que l’indice EuroStoxx 600 a perdu 3,8 % pour enregistrer ainsi sa plus grosse déconfiture quotidienne en près de quatre ans.

Déjà vendredi, les marchés boursiers avaient terminé en baisse en raison des avancées du coronavirus observées en Corée, en Iran, au Japon et en Italie. Le virus n’est plus le seul problème de la Chine, il commence à déborder de ses frontières, et les effets économiques de la contagion pourraient donc s’alourdir.

Le fait que l’on décide de ceinturer une dizaine de villes du nord de l’Italie où on a dénombré l’apparition de plusieurs cas de gens affectés par le coronavirus et que les autorités italiennes aient décidé d’annuler le déroulement du Carnaval de Venise n’ont fait qu’amplifier le sentiment de perte de contrôle.

Enfin, l’effet de peur s’est encore intensifié lundi lorsque l’Organisation mondiale de la santé a fait publiquement savoir qu’il fallait maintenant se préparer à une possible pandémie.

Bref, il s’agissait d’un cocktail médical parfait pour déclencher une journée de panique sur les marchés financiers. Parallèlement à l’effondrement des Bourses, la journée de lundi a aussi été marquée par une nouvelle appréciation de la valeur de l’or, qui a atteint en cours de séance la marque des 1692 $US l’once, un nouveau sommet depuis 2013.

Depuis le début de l’année, la fonction refuge de l’or a permis au métal précieux de s’apprécier de près de 10 %. Sur un an, on parle de gains approchant les 30 %.

Autre donnée significative, le prix du baril de pétrole a reculé de 3 %, alors que le baril de West Texas Intermediate a clôturé à 51,42 $US, laissant présager que la demande pour cette matière première sera touchée par un ralentissement de l’économie.

Réaction conjoncturelle

Il y a tout juste deux semaines, je m’interrogeais sur les impacts économiques et financiers que pourrait générer l’intrigant COVID-19 à la lumière des mesures de confinement draconiennes qui avaient été prises par les autorités chinoises pour endiguer la crise et sa propagation.

De nombreux économistes estimaient que le ralentissement économique en Chine allait invariablement influer à la baisse sur la croissance économique mondiale, compte tenu de la place importante qu’occupe aujourd’hui l’économie chinoise.

Lundi, les marchés ont soudainement pris conscience que ce ne serait peut-être pas seulement l’économie chinoise qui pâtirait de la propagation du coronavirus.

Le COVID-19 pourrait aussi toucher l’activité en Corée tout comme il pourrait éventuellement ralentir celle de l’Italie s’il continue de faire de nouvelles victimes et que des mesures d’endiguement strictes doivent être mises en place pour en contenir l’expansion.

Mais on n’en est pas là. Jean-René Ouellet, gestionnaire de portefeuille chez Desjardins Gestion de portefeuille, estimait que la réaction des marchés de lundi était tout autant justifiée que supportable pour les investisseurs.

« Depuis trois semaines, les marchés ont été complaisants à l’endroit du coronavirus. Il y a deux semaines, il y a eu une petite baisse et les marchés se sont immédiatement remis à remonter pour atteindre de nouveaux records. Hier [lundi], ç’a été comme un réveil.

« Mais on ne voit pas de catastrophe à l’horizon, et ce serait même normal que les marchés boursiers subissent une correction de plus de 10 %. Dans chaque marché haussier, on enregistre régulièrement des mouvements de correction de 14 % en moyenne », souligne le gestionnaire.

L’erreur dans un marché qui, comme celui de lundi, réagit en panique, c’est de suivre le mouvement et de vendre précipitamment.

On ne sait pas comment la crise du coronavirus va évoluer dans les prochains mois. Quelle sera l’étendue des dégâts, jusqu’à quand ils vont se poursuivre ou de quelle façon la crise se résorbera.

Mais tant sur le plan de la santé publique que sur celui des impacts économiques que cette crise pourrait générer, il faut surtout éviter de succomber à la panique en s’infligeant un stress qui ne fait qu’augmenter la virulence réelle ou potentielle du virus.