(Londres) Loin des sommets internationaux houleux sur le climat, entreprises, banques et investisseurs se convertissent à la finance verte, croyant qu’elles peuvent aider à sauver la planète tout en gagnant de l’argent.

Depuis quelques années, l’environnement fait son trou au sein des marchés, comme en témoigne l’essor des emprunts obligataires destinés à financer des projets écologistes ou à faible intensité carbone.

Mais les investisseurs, notamment américains, qui mettent leur argent dans des domaines tels que l’énergie solaire, ne sont pas tous guidés par la volonté de lutter contre la crise climatique.

« Ils se soucient seulement du prix », a prévenu Sean Kidney, directeur général de Climate Bonds Initiative, lors d’une conférence sur la finance verte organisée à Londres par la BERD (Banque européenne pour la reconstruction et le développement).

M. Kidney, dont l’organisation certifie des obligations vertes émises par les pouvoirs publics ou les entreprises, estime que la transition vers un avenir à faible émission carbone générera 90 000 milliards d’investissements d’ici 2050 dans des domaines comme le chauffage ou les transports.

La communauté financière tente de prendre les devants des États dont les initiatives sont assombries par le refus des États-Unis et d’autres pays de respecter les accords de Paris de 2015. En outre, la dernière conférence pour le climat, la COP25 qui s’est tenue en fin d’année dernière à Madrid, s’est conclue sans grande avancée.

L’américain BlackRock, le plus grand gérant d’actifs au monde, a en particulier annoncé le mois dernier qu’il allait arrêter de financer l’industrie du charbon, rejoignant d’autres institutions financières ayant pris des mesures similaires.

« Tout le monde parle désormais du risque climatique. Nous avons atteint le point de basculement », souligne Nick Anderson, un responsable de l’organisation des normes comptables International Financial Reporting Standards (IFRS). Cette dernière travaille d’ailleurs sur de nouvelles recommandations liées au climat.

Signe de l’intérêt de la finance, en 2019, le marché des obligations vertes a encore bondi pour atteindre 258 milliards de dollars, selon Climate Bonds Initiative.  

Verdir son image

Auparavant peu considérés, les départements responsables des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) sont désormais incontournables dans les banques qui cherchent à verdir leurs investissements et leur image auprès du grand public.

La finance environnementale est « absolument réelle et tangible », dit Alexandra Basirov, une responsable de la banque française BNP Paribas.

Reste un défi de taille, celui d’évaluer correctement le risque climatique au moment où le nombre d’événements météorologiques extrêmes augmente.

Des agences spécialisées dans le risque ont mis au point de nouveaux modèles pour calculer l’exposition des entreprises, en évaluant le poids des actifs liés aux émissions polluantes.

Le monde financier y trouve son intérêt puisque les investissements verts rapportent de l’argent, prévient James Leaton, un des responsables du risque climatique au sein de l’agence de notation Moody’s.

Les projets respectueux de l’environnement sont plus sains financièrement et ont « un taux de défaut plus bas », à savoir que le risque de non-remboursement des montants prêts est limité, selon lui.

Le mouvement englobe en outre les banques centrales, garantes de la stabilité financière, à l’image du Réseau pour verdir le système financier (Network for Greening the Financial System, NGFS), lancé par plusieurs d’entre elles.

La très puissante banque centrale américaine a semblé plus prudente, mais son président Jerome Powell a laissé entendre le mois dernier qu’il pourrait bientôt rejoindre cette initiative.

« Toute action doit être mondiale », indique à l’AFP Morgan Després, l’un des dirigeants du NGFS et par ailleurs un des responsables de la Banque de France, faisant écho aux demandes des ONG d’une meilleure coordination entre États.